C’est une entrevue qu’on n’oubliera pas.
Sylvain Chamberland, président d’Arsenal Média et nouveau propriétaire de BPM Sports, a choisi Hockey30 pour sa toute première sortie publique officielle hors réseau:
Une conversation vraie. Sans gants blancs. Sans calcul. Juste un homme qui connaît son métier, qui parle avec sa tête… et avec ses tripes.
Et ce qu’il dit sur les droits de diffusion du Canadien de Montréal devrait faire suer à grosses gouttes chez Cogeco.
“Je pense qu’on ne peut pas ne pas au moins rencontrer le Canadien. C’est pas compliqué. On ne peut pas juste regarder ça comme téléspectateur en étant une partie prenante.”
Voici l'extrait vidéo qui va faire peur au 98,5 FM et à tout le réseau Cogeco:
Chamberland ne tourne pas autour du pot. Il veut être là, à la table. Et il veut y être maintenant. Les droits appartiennent encore à Cogeco pour un an, mais à partir de 2026-2027, il y aura surenchère pour avoir qui sera le diffuseur du CH. Et on peut voir le feu dans les yeux du propriétaire de BPM Sports lorsqu'il en parle:
“Évidemment, là où on est un peu coincé… c’est qu’on est coincé parce que ce n’est pas encore à nous (Arsenal media attend l'approbation du CRTC). Donc là, tu sais, c’est le genre de dossier où on va dire à RNC Media : écoute, y’a-tu moyen d’aller de l’avant avec le Canadien? Tu sais, nous, on peut aller aussi les rencontrer, parce que, disons qu’on devient propriétaire au mois de juillet… j’imagine que peut-être les droits vont déjà être donnés à ce moment-là. S’ils sont renouvelables, je pense que oui. Mais c’est sûr que nous, on ne peut pas être à l’extérieur de ce processus-là. Minimalement pour au moins les rencontrer, puis jaser avec eux, c’est sûr.”
Le ton est posé. Mais l’intention est claire. BPM Sports veut les droits du CH.
Et si ça arrive, ce ne sera pas seulement à Montréal. Ce sera partout au Québec, sur les 30 stations du réseau Arsenal Média.
“Partout au Québec. Tu sais, les Canadiens ne sont pas diffusés en Abitibi. Ils ne sont pas diffusés sur la Côte-Nord. Ils ne sont pas diffusés dans tous ces girons-là.”
Un réseau complet. Une radio qui couvre réellement la province. Pas un signal qui coupe en sortant du pont Jacques-Cartier.
Une radio du peuple, pour le peuple, et qui rêve de diffuser l’équipe du peuple.
Cogeco a-t-il perdu le contrôle?
Car pendant ce temps, le réseau perd des plumes. Et des millions.
On le rapportait ici-même il y a quelques semaines : selon les projections internes, le groupe accusera une perte de 5 millions $ en 2025. Et selon plusieurs sources, 2026 pourrait être encore pire.
Le problème, il est structurel.
Le contrat de diffusion du Canadien, signé dans l’euphorie, est devenu un fardeau.
Trop coûteux. Trop rigide. Et surtout, plus assez rentable. On parle de plus d'un million de dollars par année. Tu rajoutes les salaires des employés et les coûts de production, et tu comprends à quel point il perdent du "cash" dans cette aventure.
Les jeunes n’écoutent plus les matchs à la radio. Ils regardent RDS, TVA Sports, ou consomment en différé sur YouTube et Prime Vidéo. L’auditoire 25-54 s’effondrent. Les revenus publicitaires fondent.
Et pendant que Cogeco s’accroche à ce prestige en déclin, un homme prépare son offensive, calmement, méthodiquement.
“Tu sais, chez Cogeco, tu ne peux rien prendre pour acquis. Puis c’est sûr que les autres joueurs vont essayer de les avoir, comme c’est le cas pour les droits à la télé, etc.”
Chamberland ne parle pas dans le vide. Il sait très bien que Bell pourrait décider de rapatrier les droits radio sur Énergie, malgré les quotas de musique qui l’en empêchaient jusqu’ici. Il sait aussi que Québecor n’attend qu’un faux pas pour dégainer son arme QUB Radio, déjà diffusée à Montréal sans licence FM.
Mais le vent tourne.
Et cette fois, c’est Arsenal Média qui pourrait créer la surprise.
Une priorité claire : “Le Canadien all the way”
“Si tu me demandes, est-ce que tu vises les droits du Canadien de Montréal? C’est une priorité. C’est définitivement une priorité. Et si ce n’est pas une radio de hockey, déjà la survie va être extrêmement difficile.”
Pas besoin d’interpréter. Le message est cinglant.
Si BPM veut survivre, elle doit devenir la radio du hockey.
Et pour Chamberland, pas question de se diluer dans des sports marginaux.
“La NFL? On peut en parler plus la fin de semaine. Mais à la fin de la journée, c’est ça l’intérêt de toutes les autres affaires. Vous savez combien de monde écoute un tournoi de tennis à Cincinnati? Pour la pitié, écoutez le CF Montréal.”
“Les maniaques du CF, là, sais-tu où ils sont? Ils sont dans les estrades du Stade Saputo. Les vrais maniaques, c’est les ultras qui sont au bout du terrain. Tu comprends? C’est ça, la vérité.”
Le Canadien ou rien.
Le cœur du peuple bat au rythme du CH.
Et Chamberland est prêt à miser gros.
Un autre moment marquant de l’entrevue : la question du branding.
“Pourquoi tu ne changes pas de nom? BPM Sports, je pense à une radio qui se meurt.”
Et la réponse?
“Ce n’est pas exclu. Personne n’a dit que ça n’allait pas changer de nom. Il y a beaucoup d’énergie qui a été mise sur BPM… mais il y a toutes sortes de façons de le jouer. Il y a une réalité numérique. Il y a une réalité radio. Ce sont deux univers différents. Il n’y a personne qui a dit que ça ne pouvait pas changer de nom.”
Une seule certitude : Chamberland veut laisser sa marque.
Un ton nouveau. Un boss qui parle vrai.
Au fil de l’entrevue, une chose devient évidente : Sylvain Chamberland n’est pas un PDG comme les autres.
Il ne joue pas au stratège d’estrade. Il parle avec franchise. Il rit. Il répond à tout. Il ne fuit aucune question.
Il est l’homme fort de la radio au Québec. Et maintenant, le nouveau boss du sport.
Il voit juste. Il vise haut. Et il va là où les autres ont peur d’aller.
Et maintenant?
Si Cogeco tremble, c’est parce que pour la première fois depuis des décennies, la domination du 98,5 n’est plus assurée.
QUB Radio gruge ses parts. Arsenal avance en silence.
Et le trône radiophonique des Canadiens… est de plus en plus à portée.
“On ne peut pas être à l’extérieur de ce processus-là.”
Message reçu, Sylvain.
Et dans les bureaux du CH, ils doivent déjà se préparer à une rencontre qui risque de tout changer.
