Il y a quelques semaines à peine, Cole Caufield et Nick Suzuki étaient au cœur de toutes les conversations. On parlait de cadence, de domination, de duo de rêve.
Aujourd’hui, le ton a changé. Pas parce que le Canadien s’est effondré. Pas parce que les deux joueurs sont devenus mauvais. Mais parce que le contexte a viré contre eux, et dans une année olympique, le contexte, c’est parfois plus lourd que les chiffres.
Nick Suzuki n’est pas le même depuis trois semaines. Pas invisible, pas inutile, mais clairement diminué. Le tir bloqué du 4 novembre a laissé des traces.
Avant cette date, Suzuki totalisait 19 points en 13 matchs(rythme de 120 points) et était parmi les meilleurs pointeurs de toute la LNH.
Depuis, en 10 matchs, il n’a récolté que 4 points (0 but, 4 passes), aucun point en avantage numérique, et son utilisation défensive a bondi : 30,3 % de ses mises au jeu en zone défensive contre 19,8 % auparavant.
Cette chute affecte directement Cole Caufield, qui affiche sur la même séquence de 10 matchs une production de 1 but et 1 passe, dont zéro but en avantage numérique pendant tout le mois de novembre.
À cinq contre cinq, malgré 2,98 buts attendus générés par le trio Caufield–Suzuki-Bolduc lors des 4 derniers matchs, la finition ne suit pas.
Le capitaine du CH continue de faire les bonnes lectures, mais il ne gagne plus ses mises au jeu et l’étincelle offensive n’est plus là. Quand ton capitaine ralentit, tout le moteur ralentit avec lui.
Cole Caufield, lui, paie directement pour ça. Son jeu est intimement lié à Suzuki. Quand le centre n’a plus le même jus, l’ailier marqueur devient plus facile à contenir.
À cinq contre cinq, la production s’est asséchée. Et dans une ligue, et surtout dans une sélection olympique, les séquences sans buts pèsent plus lourd que les bonnes intentions.
Mais là où ça devient problématique, c’est que cette baisse arrive au pire moment possible. Parce que pendant que le Canadien tente de gérer la charge de travail de Suzuki, pendant que Martin St-Louis parle de patience et de processus, ailleurs, on observe sans pitié.
Et cet ailleurs a un nom : Bill Guérin.
Guérin n’a jamais caché ce qu’il pense de Cole Caufield. Ce n’est pas nouveau. Ce n’est pas personnel, mais c’est idéologique.
Guérin veut des joueurs robustes, capables de survivre à des matchs internationaux joués à la limite de la légalité, comme on l’a vu lors de la Confrontation des quatre nations. Dans sa tête, si tu ne frappes pas, si tu ne résistes pas physiquement, tu deviens un risque, peu importe ton talent.
Et ce filtre-là, Caufield ne l’a jamais vraiment passé à ses yeux. Alors, si Caufield ne marque pas... il sert à quoi?
Il y a aussi ce que Guérin n’a jamais digéré : Prague. Le Championnat du monde. Les rumeurs de nuits trop longues, d’un Caufield encore jeune, encore insouciant, qui profitait du party et des femmes tchèques sans mesurer l’image qu’il projetait des États-Unis à l'international.
À tort ou à raison, cette étiquette lui colle encore à la peau dans certains cercles. Même si le joueur a changé. Même s’il est aujourd’hui plus mature, plus stable, en couple, concentré sur son hockey.
Dans la tête de Guérin, le doute est resté.
Et quand, en plus, tu arrives à un match hyper observé, contre Connor McDavid dimanche dernier, dans un contexte où les dirigeants américains regardent précisément qui peut survivre à ce genre de soirée, et que tu joues à peine 14 minutes, le message est clair. Ce match-là devait être une vitrine. Il est devenu un miroir. Et ce que Guérin a vu n’a rien fait pour aider Caufield.
Jake Evans a joué près de 20 minutes. Pourquoi ? Parce qu’il est perçu comme fiable défensivement, responsable, capable d’encaisser des minutes lourdes. Ce genre de match, Guérin les adore. Ce genre de match, Caufield les subit encore.
Ce n’est pas une question de talent. C’est une question de rôle perçu.
Et Suzuki se retrouve coincé dans la même tempête, mais pour d’autres raisons. Lui, ce n’est pas son style de vie ou son gabarit qui inquiète. C’est le timing. Macklin Celebrini explose. La liste des centres potentiels pour le Canada se resserre, et Suzuki, blessé ou diminué, n’a plus le luxe de traverser une séquence tranquille. Chaque match sans point devient une ligne rouge de plus dans un carnet d’observations.
C’est cruel, mais c’est la réalité olympique. Tu n’es pas évalué sur ce que tu représentes pour ton équipe. Tu es évalué sur ce que tu peux offrir dans un tournoi court et sans période d’adaptation.
Aujourd’hui, Suzuki est en train de payer pour son courage. Pour accepter plus de mises au jeu défensives. Pour faire le sale boulot. Pour absorber des responsabilités que d’autres centres n’ont pas. Pendant ce temps, ceux qui produisent à plein régime montent dans la hiérarchie.
Le plus ironique là-dedans ? À Montréal, personne ne remet réellement en question Suzuki ou Caufield. St-Louis ne panique pas. Le vestiaire non plus. On comprend ce qui se passe. Mais le regard extérieur, lui, ne pardonne rien.
C’est ça, le vrai danger.
Pas la baisse de production.
Pas la séquence à sec.
Mais le fait que, dans la tête de Bill Guérin et Doug Armstrong, tout ce qui confirmait leurs doutes est en train de se produire en même temps.
Et quand une narration s’installe, elle est très difficile à renverser.
Suzuki et Caufield peuvent encore rebondir. Ils ont le talent, l’intelligence et le caractère pour le faire. Mais le sablier olympique, lui, ne ralentit pour personne. Et en ce moment, il coule un peu trop vite pour deux piliers du Canadien qui n’avaient pas besoin de ça.
La chute des deux amis... arrive au pire moment...
