C’est une image qui n’a pas besoin d’explication. Josh Anderson, numéro 17 du Canadien, vêtu du chandail bleu réservé aux réservistes, sans nom, relégué dans un groupe à part, devant des centaines de partisans réunis au Centre Vidéotron de Québec. Un entraînement public transformé en exercice d’humiliation.
On parle ici d’un vétéran établi. D’un gars qui va clairement commencer la saison dans l’alignement. Pourtant, ce matin, Martin St-Louis l’a mis dans la même catégorie que les joueurs à évaluer ou à rétrograder. Le message était clair. Et violent.
Anderson se retrouve avec Jake Evans, Samuel Blais et Florian Xhekaj dans ce qu’on appelait un « quatuor », mais qui avait tout d’une punition.
Des gars en bleu, sans nom dans le dos, séparés du groupe principal. Devant des partisans. Devant les médias. Devant les caméras.
Et surtout, devant l’opinion publique.
Ce chandail bleu, on le connaît. Il a déjà été au cœur d’un conflit entre Martin St-Louis et les journalistes. Il y a quelques jours, l’entraîneur avait pété les plombs en point de presse quand on lui avait demandé pourquoi certains joueurs portaient du bleu, et d’autres pas. Il avait dit que les journalistes « capotaient pour rien avec les chandails » et que « ça ne voulait rien dire ».
Mais visiblement, ça veut dire quelque chose.
Parce que ce matin, Anderson était dans ce chandail. Et personne ne croit une seconde que c’est anodin. Personne ne pense que c’est juste un test. Ce n’était pas un match hors-concours. Ce n’était pas une rotation interne. C’était un entraînement public.
Et dans un entraînement public, chaque détail devient une déclaration. Chaque chandail, un message. Et chaque exclusion, un jugement.
Pourquoi humilier un gars qui est dans l’équipe?
Même si Martin St‑Louis ne le dira jamais en conférence de presse, ce chandail bleu à Québec n’est pas un hasard. C’est une punition déguisée. Josh Anderson n’a pas eu un bon camp; il est arrivé lourd, essoufflé, incapable de tenir le rythme que le Canadien exige maintenant. Parfois, on avait l'impression qu'il allait s'effondrer tellement il pompait l'huile.
Jake Evans, lui aussi, traverse un camp discret, presque invisible. On sait qu'il va commencer la saison dans l’alignement, mais le mettre en bleu avec Anderson devant tout le monde est un signal clair : leur statut ne les protège plus.
Pour un vétéran, c’est humiliant. Pour des « plombiers » comme Evans, c’est encore plus cruel, car les matchs préparatoires leur offrent rarement une vraie vitrine. Mais le message est lancé : vous êtes en retard, et tout le monde peut le voir.
Tout le monde comprend qu’Anderson ne sera pas laissé de côté en début de saison. Ce n’est pas un jeune au camp. Ce n’est pas un gars à l’essai. C’est un vétéran qui a un contrat, un rôle, une place assurée. Alors pourquoi le faire passer pour un réserviste devant une foule en délire venue voir ses favoris?
La réponse, c’est que Martin St-Louis joue un jeu dangereux. Il dit une chose, il en fait une autre. Il répète que les chandails ne veulent rien dire, mais il les utilise comme outil de pression psychologique. Il dit que tout le monde est traité équitablement, mais Anderson est habillé comme un gars en attente de coupure.
C’est du théâtre. Et c’est inutilement cruel.
Le seul élément qui pourrait atténuer ce cirque, c’est que Patrik Laine a enfin été rétrogradé. Il s’est retrouvé avec Joe Veleno et Owen Beck. Un trio qui a clairement l’allure d’un quatrième trio, voire d'un 5e trio ou d’une unité de soutien. Donc oui, Laine descend. Mais pendant combien de temps?
Parce que jusqu’à maintenant, Laine a été protégé. Il a eu toutes les chances du monde avec les meilleurs joueurs. Il n’a rien cassé. Et pourtant, il était intouchable. Ce matin, il glisse dans la hiérarchie, enfin. Mais personne ne sait si St-Louis aura le courage de le garder là une fois la saison commencée.
Pendant ce temps, Ivan Demidov continue d’être trimballé sur le troisième trio avec Oliver Kapanen et Alex Newhook. Une combinaison qui fonctionne, on ne peut pas le nier.
Mais c’est encore une sous-utilisation claire de son talent. Demidov est un joueur de premier trio. Il est dynamique, rapide, créatif. Il ne mérite pas d’être derrière un Laine inconstant.
Et si la seule raison pour laquelle il brille, c’est parce qu’il est mis avec Kapanen, un joueur qui comprend son style, alors tant mieux. Mais ça ne veut pas dire qu’il est à sa place.
Le malaise grandit autour de Martin St-Louis.
Ce que cet entraînement à Québec révèle, c’est un climat de plus en plus tendu autour de l’entraîneur-chef. Il dit ne pas vouloir motiver ses joueurs. Il répète qu’il n’a pas les réponses. Il tourne en dérision les questions légitimes des journalistes.
Mais à chaque jour, il creuse un peu plus le fossé entre lui et les journalistes. Ou entre lui et les partisans.
Quand un gars comme Anderson, qui a tout donné pour le club, se fait pointer du doigt de manière aussi visible, ça ne passe pas. Pas dans un marché comme Montréal. Pas devant un public comme celui de Québec, qui voit clair dans le jeu de coulisses.
Martin St-Louis a perdu une occasion de montrer du leadership. Au lieu d’unir son groupe, il en a divisé les lignes. Au lieu de protéger ses vétérans, il les a exposés. Au lieu de faire preuve de transparence, il a joué la carte du mépris.
Et cette fois, ce n’était pas dans l’intimité d’un entraînement fermé à Brossard. C’était à Québec. Devant les caméras. Devant les enfants. Devant tout le monde.
Il ne pourra pas dire que ce n’était « rien ».
Parce que ce matin, Josh Anderson a été humilié. Et tout le monde l’a vu.