C’est une bourde monumentale. Une erreur de jugement qui va hanter Denis Lévesque pendant longtemps.
En acceptant de donner une entrevue à La Presse, l’ancienne vedette de LCN croyait simplement parler de son retour estival à la radio du 98,5 FM.
Mais ce qu’il a laissé échapper dans cette entrevue, c’est bien plus que des confidences anodines. Il a plutôt dévoilé la vérité sur son passé. Un passé sombre qui jette une lumière crue sur l’homme derrière l’animateur.
Et cette fois, il n’y a plus de recherchiste pour effacer les traces. C’est un aveu involontaire, une démonstration publique de son hypocrisie, une gifle en plein visage pour ceux qui ont bâti sa carrière dans l’ombre… et un crachat sur les nouveaux médias qu’il méprise manifestement.
Car dans ses réponses données au journaliste Étienne Paré, Denis Lévesque a levé le voile, sans s’en rendre compte, sur ce que plusieurs savaient déjà dans les coulisses, mais que personne n’avait encore osé dire haut et fort.
Le roi déchu de l’information-spectacle n’a jamais été seul aux commandes. Et surtout, il n’a jamais été prêt à travailler vraiment.
Le scandale repose sur quelques phrases simples. Mais elles en disent long.
« C’était un investissement en argent, en temps et en stress qui ne valait pas la peine. Il fallait que je fasse toute la recherche, que je booke les invités. Je me suis retrouvé à travailler comme je n’avais jamais travaillé. À mon âge, je ne suis plus là pour me faire suer. »
C’est cette phrase-là qui a tout fait exploser. Cette phrase, dans laquelle Denis Lévesque explique pourquoi il a mis fin à son balado produit par la compagnie 9 millions, un projet ambitieux auquel plusieurs ont cru, et dans lequel Serge Fortin, l'ancien patron de TVA Nouvelles et de TVA Sports, ancien vice-président au Groupe TVA, avait investi son temps, son énergie et son argent.
Et c’est là que l’histoire devient honteuse.
Il faut comprendre qui est Serge Fortin. C’est un stratège des médias québécois. Un bâtisseur. L’homme derrière plusieurs succès majeurs de TVA dans les années 2000 et 2010.
Quand il a fondé 9 millions, il a eu une idée folle : redonner une plateforme à Denis Lévesque. Il croyait encore en lui. Il pensait que sa notoriété, son charisme, sa voix chaude et son style unique allaient se transposer avec succès dans le monde du balado.
Il lui a donc tendu la main. Il a mis des ressources. Il a ouvert des portes. Il a recruté une équipe technique. Il a donné carte blanche. Il a cru. Fort. Très fort.
Mais ce que Serge Fortin ne pouvait pas prévoir, c’est que Denis Lévesque, une fois plongé dans un univers sans recherchiste pour lui mâcher les questions, sans producteur pour choisir les invités, allait tout simplement abandonner après quelques mois. Comme un lâche.
Plutôt que de retrousser ses manches, Denis Lévesque a préféré quitter le navire. Et aujourd’hui, il justifie son abandon par une fatigue, une lassitude, un mépris mal caché.
ll prétend que c’était trop dur, qu’il n’a jamais travaillé aussi fort de sa vie, qu’à 66 ans, il mérite la paix. C’est son droit. Mais ce n’est pas ce qu’on lui reproche.
Ce qu’on lui reproche, c’est d’avoir sali l’effort des autres. De s’être positionné en victime. Et surtout, d’avoir discrédité les nouveaux médias en laissant entendre que c’est un monde sans avenir.
« Ce n’est pas payant, un balado au Québec. Tu vas pouvoir avoir une commandite des pizzas Salvatoré, et c’est à peu près tout. »
Ce n’est pas seulement faux. C’est méprisant. C’est une insulte directe à tous ceux qui, chaque semaine, bâtissent des auditoires fidèles dans le balado québécois.
À ceux qui innovent, qui prennent des risques, qui parlent aux jeunes. À ceux qui, avec des moyens limités, font un travail mille fois plus pertinent que les caricatures télévisées que Denis Lévesque a produites pendant des années.
Le plus ironique dans tout cela? C’est que pendant que Denis Lévesque jetait l’éponge, deux autres animateurs dans le même projet 9 millions, Maxime Truman et Jean Trudel, ont tenu bon.
Leur balado Stanley25 est devenu un incontournable du sport au Québec. Ils ont travaillé sans relâche. Sans équipe de recherchistes qui font tout le travail pour eux. Sans Bruno Genest...
Parce qu’évidemment, c’est là qu’il faut aussi revenir : Bruno Genest. Tout le monde dans l’industrie le sait. L’homme derrière les grands succès de Denis Lévesque, ce n’est pas Denis Lévesque. C’est Bruno.
Le recherchiste, le chef de pupitre, le rédacteur, le producteur, le conseiller, le scénariste officieux. Celui qui écrivait les questions, qui trouvait les angles, qui bâtissait les entrevues, qui corrigeait les dérapages.
Denis, lui, lisait. Avec talent, certes. Mais ce n’est pas ça, le journalisme. Ce n’est pas ça, la création.
Même quand il a quitté LCN en 2022, Denis Lévesque n’a évoqué Bruno Genest :
« Mon alter ego », disait-il. C’était déjà insuffisant. Mais maintenant, en expliquant qu’il a quitté le balado parce qu’il devait faire lui-même la recherche… c’est la confirmation qu’il n’a jamais rien fait seul. Jamais.
Et dans tout ça, que dire d’Étienne Paré, le journaliste de La Presse? Son entrevue est une farce. Une caresse médiatique. Une flatterie creuse.
Aucune question sur Serge Fortin. Aucune question sur les investissements dans 9 millions. Aucune question sur le départ de Denis. Aucune mention de Maxime Truman et Jean Trudel, les deux qui ont tenu le fort.
Rien.
La Presse ne fait plus de journalisme. Elle fait de la mise en vitrine. On aurait dit une brochure de relations publiques. Une info-pub déguisée. Un monument à la nostalgie. Un hommage ému à un homme qui ne mérite plus notre indulgence.
Parce qu’il ne faut pas oublier : Denis Lévesque a quitté le projet 9 millions en laissant les autres ramasser les pots cassés.
Il s’est enfui. Et aujourd’hui, il revient sur les ondes du 98,5, où il sera choyé, protégé, entouré d’une armée de recherchistes et de producteurs. Il recommence comme avant. Il retourne dans sa coquille.
Et il ose dire :
« Ce n’est pas dans l’espoir qu’on m’offre quelque chose. Si c’est mon dernier contrat, je serais heureux de terminer à la radio. »
Mensonge. Il veut qu’on l’écoute. Il veut qu’on le supplie. Il veut revenir, mais sans jamais se mouiller. Il veut les micros, mais pas la sueur. Il veut le prestige, mais pas les risques. Il veut redevenir Denis Lévesque… sans jamais en payer le prix.
Cette entrevue est un tournant. Parce qu’elle révèle ce que les gens de l’industrie savent depuis longtemps, mais que le public n’avait pas encore saisi.
Denis Lévesque n’est pas un géant médiatique. Il est le produit d’une époque. Une époque où tout était livré en studio, où le vrai travail se faisait derrière le rideau, où les recherchistes construisaient les carrières des vedettes.
Cette époque est terminée. Et Denis Lévesque, en exposant sa propre fragilité, en s’avouant incapable de travailler par lui-même, vient de signer la fin de sa légende.
Il n’a pas seulement quitté un balado. Il a détruit son mythe.
En quelques phrases malhabiles, Denis Lévesque a révélé ce que son image publique avait toujours réussi à dissimuler : qu’il n’a jamais été seul aux commandes.
Que sans Bruno Genest, il n’était pas ce grand communicateur, mais un homme dépendant du travail des autres. Et qu’au fond, son départ de 9 millions n’était pas un choix lucide, mais un abandon pur et simple.
Il ne s’est pas seulement retiré. Il s’est défilé. Puis il est revenu, se faire caresser par le journaliste Étienne Paré dans les pages d’une Presse devenue complice passive du naufrage des médias qu’elle prétend défendre.
Parce que c’est ça aussi, ce scandale. Ce n’est pas juste Denis Lévesque. C’est tout ce qu’il incarne : une génération d’animateurs, de chroniqueurs, de journalistes installés dans leurs conforts d’antan.
Une génération qui n’a jamais compris que le monde a changé. Et qui refuse de l’admettre, même quand elle se heurte au mur de la réalité.
Pendant qu’ils dorment encore, nous, les nouveaux médias, on se bat.
Sans budget. Sans recherchistes. Sans filet.
Et pendant que Denis Lévesque retourne s’asseoir au 98,5 FM, là où on fera tout le travail à sa place, pendant que La Presse transforme une fuite honteuse en récit de rédemption, une chose devient claire :
Le futur ne leur appartient plus.