Le chiffre a claqué comme une gifle à travers les bureaux fermés des agents de joueurs et les coulisses des vestiaires de la LNH : Logan Cooley a refusé 77 millions de dollars.
Ouch. Un refus froid et lucide d’un joueur qui sait exactement ce que l’avenir lui réserve : une explosion salariale sans précédent dans l’histoire moderne du hockey.
Selon Frank Seravalli, le jeune prodige du Mammoth de l'Utah a tourné le dos à une offre de 8 ans à 9,6 M$ par saison. Une somme déjà mirobolante.
Mais Cooley, et surtout son agent, savent ce qui s’en vient : un plafond salarial qui atteindra 113,5 M$ dès 2027-2028, et avec lui, une nouvelle réalité économique. Celle des contrats à 11, 12, 13 M$ pour des vedettes de 22 ans.
Dans l’absolu, c’est une décision brillante.
Mais pour Cole Caufield et Juraj Slafkovsky, c’est un rappel brutal : ils ont mal au coeur ce matin.
Le nom de Cole Caufield revient systématiquement dans les conversations d’agents frustrés et de joueurs lucides. Quand il a signé en 2023 son contrat de 8 ans à 7,85 M$ par saison, plusieurs l’ont félicité pour sa prudence, sa vision à long terme. C’était une entente « intelligente », disaient les experts.
Aujourd’hui, c’est un contrat-catastrophe.
À l’époque, le plafond salarial était de 88 millions. En 2027-2028, il sera possiblement 25 M$ plus haut. Et Cole Caufield, un marqueur naturel, un potentiel joueur de 40-45 buts, sera toujours coincé à 7,85 M$, pendant que des ailiers de deuxième trio signeront pour 10 à 11 M$ sans sourciller.
Même drame pour Juraj Slafkovsky, qui a accepté 8 ans à 7,6 M$. En apparence, il a sécurisé sa vie. Mais il s’est peut-être coupé les ailes à long terme. Dans un monde où des défenseurs de deuxième paire grimpent vers les 8-9 M$, Slafkovsky pourrait bientôt passer pour une aubaine insultante.
L’agent Allain Roy, bien branché dans les cercles de négociations, ne cache pas son exaspération :
« C’est une situation intenable pour ces joueurs. Ils voient leurs collègues s’enrichir alors qu’ils sont enfermés dans des contrats qui seront bientôt passés date. »
Ce que Roy met en lumière, c’est la fracture générationnelle qui s’installe dans la LNH. Il y a les joueurs qui ont signé avant l’explosion du plafond… et ceux qui attendent patiemment leur tour, conscients que chaque jour passé sans signer ajoute un zéro à leur future entente.
Et Cooley l’a compris mieux que quiconque.
Dans l’entourage de Cole Caufield, le malaise est évident. Son agent, Pat Brisson, un des plus réputés de la profession, a été pris de vitesse. Plutôt que de recommander un contrat plus court, plus flexible, Brisson a poussé Caufield vers la sécurité.
Un geste qui, avec le recul, frôle la faute professionnelle.
En 2023-2024, le contrat de Caufield représentait 8,9 % du plafond salarial. En 2027, cette proportion tombera à 6,9 %. Une chute dramatique pour un joueur de son calibre.
Pendant que les joueurs ruminent leurs pertes, Kent Hughes jubile. Le directeur général du Canadien a orchestré une série d’ententes au timing parfait, qui font de Montréal une équipe ultra-compétitive financièrement pour les prochaines années.
À lui seul, le trio Suzuki (7,875 M$), Caufield (7,85 M$) et Slafkovsky (7,6 M$) coûtera 20,5 % du plafond en 2027-2028.
Quand tu penses que Kirill Kaprizov au Minnesota mange la masse salariale du Wild à lui seul... on se dit que le DG du CH est un pur génie.
Mais l’autre côté de cette équation est encore plus dérangeant pour Caufield et Slafkovsky.
Les futures vedettes du Canadien, Ivan Demidov et Lane Hutson, vont signer leurs contrats en plein cœur de cette montée salariale.
On peut maintenant comprendre Lane Hutson de vouloir faire sauter la banque.
Dans ce dossier, Darren Dreger et Elliotte Friedman ne s’entendent pas. Dreger avance que le Canadien devra sortir un contrat d’au moins 10 M$ par saison sur huit ans pour s’assurer ses services à long terme, tandis que Friedman croit que le clan Hutson est prêt à accepter 9 M$ par année.
Parions que le contrat de Logan Cooley vient de convaincre Hutson de demander près de 10 M$ par année comme Dreger le jure.
Demidov, si son développement suit son cours, pourrait exiger entre 11 et 12 M$ par année au minimum.
Le déséquilibre sera criant. Deux jeunes recrues toucheront plus que Caufield et Slafkovsky... et Nick Suzuki...le capitaine...
Et ça, c’est le poison lent qui s’installe dans un vestiaire.
Comment expliquer à des joueurs piégés dans des contrats de 8 ans qu’ils méritent moins que des recrues simplement parce qu’ils ont signé « trop tôt »?
Des recours? Peut-être un mécanisme d’ajustement. Une clause de révision liée aux revenus d’expansion. Mais il faudrait que les propriétaires acceptent de donner plus à des joueurs déjà payés.
Et ça, ça n’arrivera probablement jamais.
Cole Caufield et Juraj Slafkovsky ne se plaindront jamais ouvertement. Ils diront aimer Montréal. Parleront d’équipe, de fierté, d’honneur. Mais derrière les sourires, il y a une vérité crue : ils ont perdu des millions.
Et cette rancune silencieuse hantera leur carrière.
Car pendant qu’ils plafonnent à moins de 8 M$,
Logan Cooley dit non à 9,6 M$,
Demidov et Hutson vont faire sauter la banque.
Le Canadien a gagné.
Mais les joueurs, eux, ont perdu bien plus que de l’argent : ils ont perdu leur position dans l’ordre économique d’une ligue en mutation.
Et il faudra bien plus que des accolades dans le vestiaire pour faire oublier ça.