C’est le genre de manœuvre qui fait grincer des dents à Montréal. Et pourtant, elle est d’une efficacité redoutable.
Claude Giroux est en train de jouer une carte vieille comme le monde dans la LNH : utiliser le Canadien de Montréal pour faire monter les enchères à Ottawa.
Depuis quelques jours, une rumeur s’installe dans les couloirs du Centre Bell : Claude Giroux aimerait finir sa carrière à Montréal. Et Kent Hughes aurait bel et bien l’intention de lui offrir un contrat de deux ans.
Mais ce que peu osent dire à voix haute, c’est que Giroux et son agent Pat Brisson semblent se servir du Canadien pour forcer la main aux Sénateurs.
Pat Brisson est un maître absolu dans l’art de manipuler le marché à l’avantage de ses clients, et le cas le plus éclatant — et le plus récent — demeure celui de Pierre-Luc Dubois à l’été 2023.
À l’époque, Pierre-Luc Dubois était joueur autonome avec compensation. Les Jets de Winnipeg savaient que leur relation avec Dubois était terminée, et ils ont permis à certaines équipes de discuter directement avec Pat Brisson pour négocier un contrat à long terme afin de l'échanger par la suite.
Résultat? Brisson s’est servi du Canadien de Montréal comme d’un épouvantail. Il a fait croire que Montréal était prêt à faire une offre massive pour rapatrier Dubois au Québec. Cette rumeur, lancée par Brisson dans les médias québécois, a mis de la pression sur les Kings de Los Angeles qui, eux, négociaient sérieusement pour faire son acquisition.
Et que s’est-il passé?
Dubois a signé une entente de 8 ans avec les Kings à 8,5 M$ par saison. Une entente ultra-lucrative… que plusieurs observateurs s’accordent à dire qu’elle a été « gonflée » grâce à la menace implicite du CH.
Même agent. Même recette.
Aujourd’hui, Claude Giroux est représenté par le même stratège. Et les signes sont là : encore une fois, le nom du Canadien de Montréal est subtilement lancé dans la sphère publique, par fuites ciblées, pour faire grimper les enchères.
Et Ottawa est en train de mordre à l’hameçon.
C’est brillant. Cruel… mais brillant.
Maintenant, il faut se demander si Giroux veut vraiment jouer pour le CH. Depuis son arrivée chez les Sénateurs d’Ottawa en 2022, Claude Giroux a connu une seconde jeunesse. À 37 ans, il a encore inscrit 50 points en 81 matchs la saison dernière. Un total respectable, d’autant plus qu’il n’a raté qu’un seul match en trois saisons, reposé volontairement avant les séries.
Sa constance, son leadership, sa polyvalence sont autant de qualités que les dirigeants des Sénateurs veulent conserver à tout prix. Sauf que voilà : Ottawa ne veut lui offrir qu’un an. Giroux, lui, en veut deux.
Et comme par magie, l’intérêt du Canadien de Montréal se fait entendre dans les médias. Une équipe qui monte, un marché francophone, un vestiaire jeune à encadrer. Giroux le dit lui-même, à demi-mot, chaque fois qu’on l’interroge : “Ce serait un rêve.”
Et comme si les rumeurs n’étaient pas déjà assez explosives, voilà que l’ancien dur à cuire de la LNH et maintenant analyste à RDS, André Roy, est venu jeter de l’huile sur le feu.
Lors d’un événement caritatif, Roy a confié avoir discuté avec un ami d’enfance proche de Claude Giroux, et ce dernier lui aurait confirmé, sans détour, que jouer pour le Canadien de Montréal représenterait un véritable rêve pour Giroux.
Ce n’est pas une déclaration lancée en point de presse. Ce n’est pas une citation aseptisée de son agent. C’est une confidence crue, partagée entre vieux chums, qui en dit long sur le cœur du principal intéressé.
Ce type de confession, glissée dans un cadre privé et relayée par un ancien joueur respecté, donne une crédibilité immense à l’hypothèse d’un intérêt sincère de Giroux pour le Tricolore. Et surtout, elle donne du carburant hautement inflammable aux rumeurs qui s’intensifient à l’approche du 1er juillet.
Voilà le scénario parfait pour Pat Brisson. Derrière les portes closes, Brisson souffle à Steve Staios que Montréal serait prêt à offrir les deux ans tant convoités. Et ce n’est pas un bluff. Kent Hughes a bel et bien évoqué, en privé, la possibilité de signer Giroux. Il voit en lui un mentor idéal pour les jeunes, particulièrement Ivan Demidov, que tout le monde attend avec fébrilité à son arrivée à Montréal. Giroux pourrait l’épauler sur le deuxième trio.
Le message envoyé à Ottawa? Signez-le maintenant. Deux ans, ou vous le perdez. Et pour les Sénateurs, le timing est terrible.
Le contrat de Giroux expire le 1er juillet. L’heure tourne. Si Ottawa ne conclut pas avant cette date, Giroux devient libre comme l’air. Et sur le marché, plusieurs équipes seraient prêtes à faire une offre de deux ans, simplement pour sécuriser un vétéran de sa trempe. Montréal est la menace la plus sérieuse.
Giroux, c’est 1263 matchs, 1116 points, une feuille de route exemplaire. Même sans ses jambes d’antan, il reste un des meilleurs joueurs de mise en jeu de la ligue (61,5 % d’efficacité l’an dernier). Un professeur sur patins. Un capitaine sans brassard.
Les partisans montréalais sont déjà divisés. Certains rêvent de voir Giroux débarquer au Centre Bell, porter le chandail bleu-blanc-rouge, et guider Demidov. D’autres, plus cyniques, y voient un mirage. Une diversion.
Kent Hughes et Jeff Gorton ont bel et bien discuté de Claude Giroux. Et ils sont prêts à envisager une entente de deux ans. Ce n’est pas un fantasme. C’est une option réelle, dans un plan plus large.
Ce plan inclut l’ajout d’un vétéran. Et pas nécessairement au poste d’ailier.
Ce n’est pas un hasard si le nom de Brock Nelson circule dans les coulisses de l’organisation. Le centre des Islanders, âgé de 34 ans, testera le marché des agents libres.
Et Kent Hughes garde l’œil ouvert. Parce que même si Giroux est séduisant, ce n’est pas un centre naturel. Or, c’est là que le Canadien cherche à solidifier son noyau. Nick Suzuki a besoin d’un deuxième pivot d’expérience. Sean Monahan ne sera pas de retour. Et Jake Evans ne peut pas porter ce fardeau offensif.
Un duo Suzuki–Nelson au centre, avec Giroux sur le deuxième trio comme ailier droit de Demidov, aurait de l’allure. Et à 3-4 M$ par saison, l’investissement serait stratégique, tant sur la glace que dans le vestiaire.
S’il peut obtenir ses deux ans à Ottawa, il restera. Sinon? Le CH l’attend.
La pression est désormais sur le DG des Sens, Steve Staios. S’il refuse d’offrir ces deux années, il pourrait perdre un vétéran clé… et essuyer la colère des partisans. Imaginez Giroux soulevant les bras au Centre Bell, salué par une ovation debout, pendant que les Sénateurs luttent pour le remplacer.
Ce serait humiliant.
À 37 ans, Claude Giroux est sur la pente descendante. Personne ne s’attend à 80 points par saison. Mais son QI hockey, son leadership et son éthique de travail font de lui une denrée rare. Et dans un marché comme Montréal, ce serait génial d'avoir une vedette francophone.
Mais ce qui est fascinant dans cette histoire, c’est de voir à quel point un joueur peut manipuler la perception publique. En soufflant l’idée qu’il aimerait jouer à Montréal, Giroux s’achète une arme de négociation. Il transforme un vieux rêve d’enfant en levier de pression.
Et si les Sénateurs cèdent, s’ils signent ce contrat de deux ans pour éviter la fuite… alors Claude Giroux aura réussi le coup parfait.
Espérons seulement qu'il n'utilise pas le CH de manière égoïste... comme tous les autres avant lui...