Samedi soir, au Centre Bell, une scène s’est répétée avec une lourdeur inquiétante.
L’hymne national américain a de nouveau été hué, du début à la fin, malgré les avertissements du Canadien et les appels au respect. Ce fut un moment gênant, douloureux… et profondément humiliant pour Cole Caufield.
Sur le banc, dès les premières secondes de la soirée, on pouvait lire l’inconfort sur le visage du petit numéro 13. Caufield, originaire du Wisconsin, est un Américain fier, un gars qui a toujours donné son cœur et son talent à Montréal depuis le jour 1.
Mais comment ne pas être affecté quand ce qu’on entend résonner, ce n’est pas un appui, mais un rejet? Comment ne pas se sentir trahi, quand ce n’est plus seulement l’adversaire qui est hué, mais son propre pays?
Il serait facile de dire que ça n’a pas eu d’impact. Mais ce serait mentir. Oui, Caufield a tenté de se remettre dans sa game. Oui, il a tenté d’effacer ce moment de honte et de se concentrer.
Mais il n’a pas été aussi incisif qu’à son habitude. Le feu n’était pas là. Le regard était ailleurs. Peut-être dans les estrades.
Peut-être chez lui, en pensant à ses proches, ses parents, ses amis, tous fiers de leur fils qui joue pour le plus grand club de hockey au monde… mais tous forcés d’écouter une foule rejeter leur drapeau.
Le public montréalais s’est exprimé. Il voulait protester contre les politiques tarifaires, contre Donald Trump, contre des idées avec lesquelles on peut être d’accord ou non.
Mais dans l’aréna, ce n’était pas Trump qu’on huait. C’était l’hymne. C’était le pays. C’était, indirectement, Cole Caufield. C’était Lane Hutson. C’était Jeff Gorton. C’était Martin St-Louis et ses enfants.
« En tout respect, oui, je trouve que c’est irrespectueux et ça me dérange. » avait affirmé Caufield récemment.
Puis, en poursuivant, Caufield avait tenté de replacer les choses dans une perspective plus large, empreinte de respect et de sens historique :
« Les hymnes nationaux sont importants pour les soldats qui se sont battus pour nous. Moi, je joue au hockey. On essaie simplement de faire notre travail. J’aimerais que nos partisans qui viennent aux matchs soient respectueux et qu’ils se souviennent de ceux qui étaient là avant eux. »
Caufield n’a pas caché que cette situation l’affectait personnellement. On a d’ailleurs pu voir, selon plusieurs observateurs, qu’il était ébranlé sur le banc en début de match, visiblement troublé par cette démonstration de rejet envers son pays d’origine.
Ce genre d’acte a des conséquences. Et samedi, on l’a vu. Même si le Canadien a mené une remontée héroïque, même si les partisans ont vibré en troisième période, l’impact de ces huées a laissé une trace. Une marque. Une gêne. Une fracture.
Cole Caufield n’a rien dit publiquement. Il n’a pas crié à l’injustice. Il n’a pas cherché à alimenter la polémique. Il a gardé le silence, comme il le fait souvent. Mais il faut être aveugle pour ne pas avoir vu son malaise.
Il faut être sourd pour ne pas avoir entendu les conséquences.
Il faut être insensible pour ne pas comprendre qu’on ne joue pas avec les symboles de l’identité d’un joueur, surtout quand il représente ton club, ta ville, ton rêve.
La question n’est pas de savoir si on aime ou non les États-Unis. Elle est de savoir si on respecte les joueurs qui donnent tout pour nous, pour notre équipe, pour notre fierté collective. Et samedi, une partie du Centre Bell a manqué à cette responsabilité.
Cole Caufield mérite mieux. Montréal mérite mieux. Et la prochaine fois qu’un hymne retentira au Centre Bell, il faudra se souvenir que derrière chaque drapeau, il y a un joueur qui nous regarde — et qui écoute.
Au-delà de la controverse autour de l’hymne national, il faut souligner l’essentiel : le Canadien de Montréal a tenu tête à l’une des puissances de la LNH, l’Avalanche du Colorado, et a arraché un point précieux qui pourrait faire toute la différence dans cette course effrénée vers les séries éliminatoires.
Malgré un déficit de 4-1 en début de troisième période, les hommes de Martin St-Louis n’ont jamais abandonné. Au contraire, ils ont répondu avec fierté, caractère et une détermination sans faille.
Joshua Roy a été le premier à raviver la flamme, trouvant le fond du filet après une superbe séquence. Trente secondes plus tard, c’est Juraj Slafkovsky qui enchaînait avec un but tout aussi important, réduisant l’écart à un seul filet.
Puis vint le moment magique de Christian Dvorak. En véritable vétéran, il a décoché un tir du revers digne des plus grands pour créer l’égalité.
Un but qui a soulevé le Centre Bell et rappelé à tous que ce Canadien-là, celui de février et mars, n’a plus rien à voir avec celui du mois de novembre. L’équipe refuse désormais de mourir. Elle se bat jusqu’à la toute fin. Elle prend les coups, mais elle réplique.
En prolongation, Samuel Montembeault s’est dressé comme un mur, frustrant Nathan MacKinnon à deux reprises dans des situations critiques. Slafkovsky, pour sa part, a écopé d’une punition évitable en fin de prolongation, mais le CH a tenu bon grâce à un désavantage numérique héroïque.
C’est finalement en fusillade que le Tricolore s’est incliné, mais le point récolté est gigantesque. Il permet au Canadien de maintenir sa position dans le top 8 de l’Est, tout juste devant les Rangers de New York, avec toujours deux matchs en main.
Ce match n’était pas qu’un simple affrontement contre une équipe de l’Ouest. Il représentait un test. Un test d’identité. Un test de caractère. Un test d’endurance.
Et le Canadien l’a passé haut la main.
Oui, le début de match a été difficile. Oui, l’équipe a été débordée par la vitesse et la précision chirurgicale de l’Avalanche.
Mais elle n’a jamais flanché mentalement. C’est ce genre de performance qui bâtit une culture gagnante. C’est ce genre de réaction qui inspire un vestiaire et fait croire à une ville que, peut-être, juste peut-être, le printemps 2025 pourrait être celui du retour en séries.
Chaque match désormais est une finale. Et celui de samedi soir, même s’il s’est terminé en fusillade, a démontré une chose : ce groupe croit en lui. Et les partisans, malgré certains comportements regrettables, commencent à y croire aussi.
La suite? Ce sera mardi soir à St. Louis. Un autre match crucial. Une autre bataille. Une autre occasion de rêver.
Au moins, Caufield peut se rassurer. Son hymne sera acclamé dans son pays bien-aimé.