Ceux qui ont l’œil attentif ont remarqué quelque chose de troublant samedi soir au Centre Bell.
Cole Caufield n’était pas lui-même. Oui, il a patiné. Oui, il a participé à la remontée énergique du Canadien face à l’Avalanche du Colorado.
Mais dans son regard, dans ses gestes, dans ses silences sur le banc… tout trahissait une forme de lassitude, d’agacement, de colère contenue.
Et pour ceux qui suivent de près la jeune vedette américaine du Tricolore, c’était peut-être le signe le plus inquiétant depuis son arrivée à Montréal : Cole Caufield est en train de perdre patience.
Tout a commencé avant même que la rondelle ne touche la glace. Une fois de plus, comme si c’était devenu une tradition grotesque, l’hymne national des États-Unis a été hué au Centre Bell.
Malgré l’appel au respect lancé par Caufield lui-même quelques jours plus tôt, rien n’a changé. Pire, les sifflets semblaient plus nourris, plus assumés, comme un doigt d’honneur collectif à ceux qui, comme lui, demandent simplement un minimum de décence.
Il ne s’agissait pas d’un caprice. Caufield, fier représentant du Wisconsin, l’a dit avec émotion en point de presse : l’hymne, c’est aussi pour les soldats, pour ceux qui sont tombés pour leur pays, pour les familles. Ce n’est pas un débat politique, c’est un symbole. Et ce symbole-là, samedi, a été piétiné.
Il n’est donc pas surprenant que Cole Caufield n’ait pas été rendu disponible aux médias après le match. Non pas parce qu’il boudait ou qu’il voulait fuir ses responsabilités, mais parce que le département des communications du Canadien, bien conscient de sa sensibilité sur ce sujet, a préféré éviter un dérapage émotif.
Un geste de précaution. Une stratégie compréhensible. Mais aussi un geste révélateur du profond malaise que vit actuellement l’un des visages de la franchise.
Car l’hymne n’est que la pointe de l’iceberg. Sur la glace, Caufield semble de plus en plus effacé, voire écarté. En avantage numérique, sa présence n’a jamais été aussi secondaire.
Le système du Canadien semble désormais tout orienté vers Patrick Laine, le nouveau canon sur le flanc opposé. Laine est un tireur d’élite, personne n’en doute.
Mais Caufield l’est tout autant. Pourtant, il est souvent libre, démarqué, positionné au bon endroit… et ignoré. À plusieurs reprises samedi, il a été vu en train de taper son bâton avec frustration sur la glace ou sur les rampes du banc. Des signaux clairs. Il crie qu’il existe, mais personne ne lui répond.
Il n’a pas marqué à ses deux derniers matchs. Ce n’est pas dramatique, mais pour un joueur comme lui, dont l’identité est intimement liée au but, à l’étincelle, au moment décisif, ce genre de disette prend une autre dimension.
Et quand cette panne survient dans un contexte où il est visiblement ignoré dans les schémas offensifs, elle devient le reflet d’un malaise plus profond.
Cole Caufield commence à se sentir de trop sur le jeu de puissance. Il n’est plus le centre de l’attention. Il n’est plus la cible. Il est le plan B… parfois même le plan C.
Ce qui rend cette situation encore plus préoccupante, c’est la loyauté que Caufield a toujours démontrée envers l’organisation.
Il a signé son contrat à long terme sans hésiter. Il a fait l’éloge de Montréal, de son atmosphère, de ses partisans. Il s’est montré reconnaissant envers Martin St-Louis, qu’il a souvent décrit comme un mentor.
Il a assumé un rôle de leader malgré son jeune âge. Mais cette loyauté est mise à rude épreuve. Quand le public hue ton pays, quand ton entraîneur semble te reléguer à un rôle secondaire, quand ton nom ne revient plus dans les moments-clés, quand tes appels sur la glace sont ignorés… tu finis par douter. Tu finis par te sentir trahi.
Caufield ne l’a pas dit ouvertement. Il n’a pas besoin de le dire. Son langage corporel, ses silences, sa nervosité en avantage numérique, son absence après le match : tout parle pour lui.
Et si Martin St-Louis, Kent Hugjes et Jeff Gorton ne s’attaquent pas rapidement à ce malaise, ils pourraient se retrouver avec un problème plus sérieux que prévu.
Car un Caufield frustré, ce n’est pas seulement un Caufield moins productif. C’est un joueur qui risque de décrocher, de perdre sa joie de jouer, cette énergie contagieuse qui faisait de lui un moteur du vestiaire.
Et dans un vestiaire, cette énergie est précieuse. Surtout dans une course aux séries aussi serrée que celle que vit actuellement le Canadien.
Chaque joueur doit se sentir valorisé, utilisé à bon escient. Et pour un marqueur pur comme Caufield, cela signifie recevoir la rondelle en avantage numérique. Cela signifie sentir qu’il est toujours l’un des piliers du projet.
Le Centre Bell a toujours été un volcan émotionnel. Il peut enflammer une équipe ou la paralyser. Caufield l’a vécu dans les deux extrêmes.
Mais samedi, il a senti le rejet. Et ce rejet venait d’en haut, du plafond, des gradins. Il venait aussi du banc, d’un système qui semble le négliger de plus en plus.
Il est temps d’agir. Il est temps que l’organisation lui rappelle à quel point il est important. Avant que sa patience, déjà bien affectée, ne cède complètement.
Même les journalistes les plus proches de l’équipe commencent à tirer la sonnette d’alarme. Anthony Martineau, de TVA Sports, l’a résumé sans détour :
« Je vais essayer d’exprimer ça le plus simplement possible. Le tir de Laine sur le PP, je l’admire. Mais le CH doit trouver le moyen d’impliquer davantage Caufield dans le patron de jeu.
Tu deviens de plus en plus prévisible et tu gaspilles une autre arme redoutable. »
Ce constat résonne de plus en plus fort autour du Centre Bell.
Parce que oui, tout le monde le voit. Tout le monde l’entend. Caufield tape son bâton sur la glace, de frustration, d’impatience, parfois même de colère.
Le sniper américain est oublié trop souvent. Et si Montréal ne rectifie pas le tir, elle risque de voir s’éteindre l’une de ses plus brillantes étincelles.
Il est encore temps de redonner à Cole Caufield la place qu’il mérite. Avant qu’il ne décide que son silence en dit déjà trop long.