Décidément, Noah Dobson n'est pas sorti de la tempête.
Depuis le 27 juin dernier, quelques heures avant le premier choix du repêchage, Kent Hughes et Jeff Gorton posaient un geste que peu de gens avaient vu venir : ils arrachaient Noah Dobson aux Islanders de New York, en échange des 16e et 17e choix au total, ainsi que du jeune Emil Heineman.
Le Canadien obtenait son général à droite pour les huit prochaines saisons. Mais depuis ce jour, c’est la furie à Long Island.
Les réseaux sociaux new-yorkais se sont enflammés. Les partisans des Islanders, toujours sans pitié à juger leurs anciens joueurs, se sont acharnés sur Dobson avec une rare violence.
On l’accuse de toutes parts : de ne pas être fiable défensivement, de tricher en zone neutre, de fuir les batailles le long des rampes, et même d’avoir été « protégé » par Alexander Romanov depuis deux saisons.
Certains osent même dire qu’il n’a jamais été un vrai numéro un, mais seulement un défenseur de luxe gonflé par le jeu de puissance.
Le plus insultant? Son ancien coéquipier Ilya Sorokin, pourtant perçu comme un homme discret, l'a envoyé sous l'autobus.
Dans une entrevue à RG Media, le gardien vedette s’est réjoui de la signature de Romanov, parlant d’un joueur « fiable », « mature », « qui a beaucoup grandi ».
Quant à Dobson? « C’était une surprise qu’il parte, mais on ne pouvait pas garder les deux. Le plafond salarial nous impose des choix difficiles. »
Puis cette phrase assassine, subtile mais lourde de sous-entendus :
« Honnêtement, l’équipe ne pouvait pas garder Romanov et Dobson. » Autrement dit : ils ont choisi le bon.
Et derrière cette préférence, il y a un homme : Patrick Roy. Depuis son arrivée derrière le banc des Islanders, Roy a placé Romanov au cœur de sa structure défensive. Il a fait de lui un chouchou, un défenseur "stay-at-home" pur, dur, et discipliné.
Ce qu’il reprochait à Dobson, tout le monde le sait dans la LNH : trop de libertés, pas assez de constance, un joueur talentueux mais difficile à encadrer. Le conflit entre Roy et Dobson n’a jamais été public, mais tout le monde sait que les deux hommes ne sont pas capables de se sentir.
Dobson n’était pas le genre de joueur que Roy valorise. Et ce n’était pas la première fois que Patrick Roy montrait ses couleurs.
Lorsqu’il dirigeait le Colorado, il avait déjà eu des frictions avec des défenseurs mobiles comme Tyson Barrie, qu’il trouvait trop orienté vers l’attaque. Rien de nouveau, donc.
Dobson a quitté les Islanders pour signer une entente de 8 ans à 9,5 M$ par saison. Un contrat lourd, mais logique pour un défenseur de 25 ans qui, lors de la saison 2023-2024, a amassé 62 points et joué plus de 24 minutes par match en moyenne. Or, cette signature a provoqué une autre onde de choc : celle des Blue Jackets de Columbus.
Selon Elliotte Friedman, Columbus avait offert plus d’argent à Dobson. Et le joueur a refusé. Pourquoi? Parce qu’il voulait jouer à Montréal. Parce qu’il croit au projet de Martin St-Louis. Parce que malgré les impôts, les critiques et la pression, il savait que le Tricolore allait lui donner les clés de la défense.
Les Blue Jackets sont furieux. Leur DG Don Waddell ne cache plus sa frustration, affirmant que « certains joueurs ont été influencés par de fausses promesses » et qu’il est « très rare de perdre un joueur après avoir offert le plus gros contrat sur la table ».
À Montréal, on y voit plutôt une preuve d’engagement, de loyauté… et de confiance en Martin St-Louis.
Noah Dobson n’est pas Romanov. Il est meilleur.
Soyons clairs : Alexander Romanov est un bon défenseur. Physique, impliqué, respecté. Mais il n’a jamais été, et ne sera jamais, du calibre de Noah Dobson.
En trois saisons complètes à New York, Dobson a connu des campagnes de 51, 49 et 62 points avant sa dernière année difficile de 39 points en 71 matchs, tout en affrontant les meilleurs trios adverses.
Romanov, lui, n’a jamais franchi la barre des 30 points. Il ne joue pas en avantage numérique. Il ne transporte pas la rondelle. Il n’est pas ce général dont toutes les équipes rêvent.
Et Patrick Roy ne l'a pas traité comme un moins que rien en l'envoyant dans sa niche.
Et pour ceux qui prétendent que Dobson est un danger défensif, rappelons ceci : selon Natural Stat Trick, Dobson a maintenu un différentiel de +9 à forces égales en 2023-2024, malgré les difficultés collectives des Islanders.
Son taux de relance contrôlée (controlled zone exits) figurait parmi les 10 meilleurs de la LNH chez les défenseurs. Son pourcentage de tirs tentés lorsqu’il était sur la glace (CF%) frôlait les 54 %. On est loin d’un joueur irresponsable.
Il ne faut pas oublier que les Islanders jouent un système défensif archaïque, rigide, centré sur la protection du filet.
Ce système détruit les défenseurs créatifs. Dobson n’a jamais eu la liberté qu’il a désormais à Montréal, où St-Louis veut que les défenseurs soutiennent l’attaque et créent la relance. Il y a fort à parier que sa production offensive explosera dès sa première saison complète dans l’uniforme bleu-blanc-rouge.
Noah Dobson n’a pas répondu aux attaques. Pas un mot sur Sorokin, sur Roy, sur les partisans sans pitié. Mais selon des sources près du joueur, il est furieux. Blessé, mais prêt à riposter. Et comme on dit : il n’y a rien de plus dangereux qu’un talent avec une revanche à prendre.
À son arrivée à Montréal, Dobson a dit ceci :
« Je veux gagner ici. Je sais ce que ce marché représente, je sais ce qu’on attend de moi, et je suis prêt à répondre à cette attente. »
Une lourde de sens.
Avec Mike Matheson (qui ne sera pas échangé, selon Jeff Gorton), le CH possède un des duos de défenseurs gaucher-droitier les plus dynamiques de la LNH. Ajoutez à cela Kaiden Guhle, Lane Hutson, Jayden Struble, Arber Xhekaj et Justin Barron, et vous avez une défense jeune, talentueuse, et affamée.
Mais Dobson est maintenant le patron. Celui à qui on confiera la première vague de l’avantage numérique alors que les rumeurs affirment que Martin St-Louis serait tenté de briser son système à 4 ayyaquants pour placer Dobson, Hutson, Suzuki, Caufield et Demidov sur la première unité.
Dobson sera aussi celui qui affrontera les meilleurs trios. Celui qui devra diriger la relance. Et surtout : celui qui devra prouver à Long Island, à Parick Roy et à tous les autres qu’ils ont commis une grave erreur.
Oui, le CH a donné deux choix de première ronde. Oui, il a sacrifié un plombier de luxe en Emil Heineman. Mais en retour, il a obtenu un défenseur étoile dans son prime, un joueur qui veut être ici, un Québécois de cœur, et un électrochoc de relance offensive.
Pendant que Patrick Roy mise sur Romanov et une nouvelle recrue (Matthew Schaefer), pendant que Columbus rumine son échec, et pendant que Sorokin alimente les divisions sans le vouloir, Montréal avance.
Noah Dobson est en mission. Et la LNH ferait bien de se méfier.