Il y a à peine un an, les Rangers de New York incarnaient l’exemple parfait d’une franchise sur le point d’atteindre l’élite.
Détenteur du trophée des Présidents avec une saison record, finalistes de l’Est en 2022 et 2024, ils semblaient destinés à dominer.
Mais en juin 2025, le château de cartes s’est effondré avec une violence inouïe. Ce qui devait être l’âge d’or est devenu un champ de ruines, un vestiaire empoisonné, un Dg détesté, et une identité éclatée.
Le point de rupture? Une accumulation toxique de décisions douteuses, de communications maladroites, et de trahisons perçues par les joueurs.
Chris Drury, le président et DG de l’équipe, est accusé à voix basse d’avoir cassé le lien de confiance entre la direction et le vestiaire. L’affaire Barclay Goodrow est, à elle seule, un cas d’école de ce que les joueurs ne veulent plus vivre.
Goodrow, pourtant un leader respecté, a été placé au ballottage sans qu’on lui demande de lever sa clause de non-échange, puis averti… quinze minutes avant que la nouvelle ne soit rendue publique.
Un geste froid, impersonnel, qui a choqué ses coéquipiers. Rejeté vers les bas-fonds de la LNH à San Jose, il a quitté New York dans l’amertume. Et il n’était que le premier domino.
Puis vint le cas Jacob Trouba. Le capitaine, pilier du leadership, a vu la franchise tenter de le pousser vers la sortie sans même attendre que sa clause de non-mouvement devienne une clause de 15 équipes.
Des rumeurs lancées dans les médias, un traitement public humiliant, une pression insoutenable… tout ça pendant que sa femme poursuivait une résidence médicale à New York.
Le choix de la famille l’a emporté, mais au prix d’une relation brisée avec la haute direction. Trouba a fini par être échangé aux Ducks, comme un débris gênant.
Ce manque d’humanité, selon plusieurs témoignages internes, a creusé une fracture dans l’âme même de l’organisation.
Les joueurs se sont réunis chez Artemi Panarin, avant le camp d’entraînement, pour dire adieu à Goodrow… mais surtout pour ventiler leur colère face à Drury.
Le respect, affirmait un ancien joueur sous anonymat, a disparu. La confiance est morte. Et dans une pièce où les regards deviennent méfiants, chaque jour devient un jeu de survie.
Drury, de son côté, continue d’affirmer qu’il ne fait que « bouger les pièces à sa disposition ». Mais ses choix sont interprétés comme des coups de poignard.
Après Trouba, ce fut Kaapo Kakko. Rayé de l’alignement par Peter Laviolette, l’ancien choix de 2e rang a vu sa valeur être gâchée, avant d’être échangé pour des miettes à Seattle. Le message était clair : même les jeunes ne sont pas à l’abri.
Puis le coup de grâce. Chris Kreider, dernier membre de l’équipe finaliste en 2014, pilier du vestiaire, mentor silencieux… échangé à Anaheim.
Les Rangers n’ont même pas tenté de cacher la manœuvre. Ils lui ont simplement dit : « Voici la direction. Prépare-toi. » Il a accepté, mais le cœur brisé.
Dans les coulisses, le dossier Panarin a également semé un profond malaise. L’ailier étoile a conclu un règlement financier à la suite d’allégations d’agression provenant d’une employée de l’équipe. Madison Square Garden Entertainment a aussi payé une entente distincte. Un nuage noir s’est formé autour de l’organisation, empoisonnant ce qu’il restait de calme.
Et pendant que le vestiaire implosait, l’équipe coulait. De 12-4-1 à un effondrement de 4-15-0. La pire fiche de toute la LNH sur cette période.
Des performances humiliantes, un moral inexistant, des vétérans rayés, des recrues délaissées. Calvin de Haan, acquis à la date limite, a parlé d’un traitement « dégueulasse ». Jimmy Vesey, joueur de soutien, a confié qu’il « pourrissait » sur le banc.
Même Igor Shesterkin, pourtant prolongé à coups de 11,5 millions $ par saison, a dit que « quelque chose s’était brisé ». Et Mika Zibanejad, figure tranquille mais respectée, a résumé la saison par une phrase qui fera date : « Il n’y avait pas de calme. »
L’avenir comporte encore des nuages gris. Déjà 11 des 22 joueurs du dernier parcours éliminatoire sont partis. Et ce n’est pas fini.
K’Andre Miller, jeune défenseur gaucher, agent libre avec compensation, pourrait être le prochain à partir. Le CH de Kent Hughes et Jeff Gorton suit la situation de très près. Eux, mieux que quiconque, savent que le château du Madison Square Garden s’est transformé en poudrière.
Si aucune entente ne survient entre Miller et les Rangers, une autre option encore plus brutale plane au-dessus du Centre Bell : l’offre hostile.
Le Canadien de Montréal pourrait tout simplement contourner Chris Drury, et offrir directement un contrat à K’Andre Miller.
Selon les barèmes 2025-2026 de la LNH, une offre située entre 4,9 et 7,02 millions de dollars par saison coûterait au CH… un choix de 1er tour et un choix de 3e tour. Une aubaine, considérant que Miller est un défenseur top-4 établi, dans son prime, avec encore des années de développement devant lui.
Une offre de 6,9M$ sur 5 ans, par exemple, ferait sauter les Rangers, tout en ne vidant pas le coffre du CH. Le coup serait dur, mais légal. Et c’est exactement le genre de stratégie que Jeff Gorton pourrait activer, lui qui n’a rien oublié du coup de poignard de Drury.
Et si le Canadien décidait de frapper plus fort encore, une autre tranche salariale devient stratégique : une offre entre 7,02 M$ et 9,5 M$ par saison.
Dans ce cas, la compensation grimpe : un choix de 1er tour, un 2e tour et un 3e tour. C’est plus coûteux, oui, mais encore très raisonnable pour un défenseur de 25 ans qui joue plus de 22 minutes par match.
Et surtout, c’est un coup que les Rangers ne pourraient peut-être pas égaler, vu leur masse salariale et les multiples signatures qu’ils doivent gérer cet été.
New York est coincé contre le plafond salarial comme jamais. Avec à peine 8,3 millions de dollars de marge disponibles, ils doivent encore signer K’Andre Miller, Will Cuylle, Zach Jones, Matt Robertson, Arthur Kaliyev et Adam Edström. C’est tout simplement intenable.
Chaque signature brise leur flexibilité. Miller, à lui seul, pourrait réclamer entre 5,9 et 7 millions au minimum. Même Cuylle, en progression, ne viendra pas à rabais. Et pendant ce temps, les lourds contrats de Zibanejad (8,5 M$), Panarin (11,6 M$) et Adam Fox (9,5 M$) bloquent toute manœuvre. Résultat : un seul gros contrat à signer et c’est toute la structure qui s’écroule.
Si Gorton veut vraiment obtenir Miller sans perdre un Mailloux, un Xhekaj et ses choix de première ronde, c’est cette fenêtre d’agression qui s’impose.
Ce serait une frappe chirurgicale, sans négociation, sans appel, qui forcerait Drury à perdre un de ses meilleurs éléments. Un cauchemar stratégique pour les Rangers. Et une humiliation directe infligée par le même homme qu’ils ont congédié.
L’autre option, plus classique, mais tout aussi mordante, serait une transaction frontale. Le CH pourrait offrir un package incluant un des choix de premier tour (16 ou 17), combiné à Arber Xhekaj, ou encore Logan Mailloux.
L’état-major du Canadien discute aussi de l’idée d’inclure un Joshua Roy pour éviter de toucher aux deux premiers choix (au lieu d'un seul). Une chose est sûre : Miller ne sera pas donné. Mais les Rangers sont coincés. Et Gorton le sait mieux que quiconque.
Et dans ce contexte, même un scénario de départ pour Alexis Lafrenière n’est plus tabou. Les offres hostiles sont sur la table, notamment pour Miller. Et les rumeurs de vengeance planent. Jeff Gorton, autrefois congédié dans le dos par Chris Drury avec l’appui du propriétaire James Dolan, prépare-t-il sa revanche à Montréal?
Car oui, au-delà de la glace, c’est une guerre d’égos, une guerre de pouvoir, qui déchire les Rangers. L’embauche de Mike Sullivan est censée ramener l’ordre. Mais même lui n’a pas de baguette magique. Le chaos qu’il hérite est profond, ancré, infecté.
Il ne s’agit plus seulement de changer des lignes. Il faut exorciser un mal qui a rongé la franchise de l’intérieur.
Le vestiaire des Rangers est aujourd’hui un symbole de ce qu’une mauvaise gestion humaine peut produire : la défiance, la peur, la trahison. Tout ce qu’un joueur fuit lorsqu’il entre dans la ligue.
Les Rangers ont gagné le trophée des présidents. Aujourd’hui, ils sont à genoux.
Et personne ne sait si ce noyau, aussi talentueux soit-il, peut se relever d’un tel traumatisme.