Colère noire en Slovaquie: Juraj Slafkovsky et sa famille attaqués

Colère noire en Slovaquie: Juraj Slafkovsky et sa famille attaqués

Par Marc-André Dubois le 2025-06-09

C’est une spirale infernale. Une machine à broyer les rêves. Et en ce moment, Juraj Slafkovsky en est la principale victime.

Le jeune homme de 20 ans, premier choix au total du repêchage 2022, est passé en deux saisons de l’espoir glorieux au bouc émissaire médiatique d’un marché féroce.

Mais ce que peu osent dire tout haut, c’est que derrière les statistiques, les attentes et les millions de dollars, il y a un être humain… et une famille en train de craquer sous la pression.

Parce qu’en ce moment, ce n’est plus seulement Slafkovsky le joueur qui est attaqué. C’est toute sa cellule familiale qui est exposée, humiliée et traquée. Et c’est absolument indécent.

Tout a commencé doucement : quelques critiques sur sa lente adaptation. Des débats de salon sur le fait qu’il ne serait peut-être pas « le bon choix ». Jusqu’ici, rien d’anormal dans un marché passionné comme Montréal.

Mais depuis quelques mois, la situation a dégénéré. Les insultes ont remplacé les analyses. Les théories complotistes ont remplacé les critiques constructives. Et surtout : l’intrusion dans sa vie privée est devenue monnaie courante. Sa famille est tout simplement attaquée médiatiquement.

Si Juraj Slafkovský a visiblement du mal à respirer sur la glace, c’est aussi parce qu’il ne peut plus respirer en dehors. La pression sportive n’est rien comparée au cauchemar quotidien vécu par sa famille, harcelée dans l’intimité la plus élémentaire.

Tout a commencé par des rumeurs sur les réseaux sociaux slovaques, mais la machine s’est emballée. Sa sœur cadette Lucia, âgée d’à peine 15 ans, a été suivie à l’école par des journalistes cherchant à en savoir plus sur son frère. Le simple fait qu’elle soit une nageuse prometteuse, avec des aspirations olympiques, a suffi pour faire d’elle une cible.

Des témoins affirment que certains journalistes attendaient la jeune fille à la sortie de l’école, appareils photo en main, sous prétexte de l’interviewer sur sa propre carrière.

En réalité, tout ce qu’ils cherchaient, c’était un moment d’émotion, une phrase sur Juraj. Résultat : Lucia a dû changer d’itinéraire pour rentrer chez elle, et sa mère a été contrainte d’intervenir auprès de la direction de l’établissement pour assurer sa sécurité.

Mais la plus grande victime collatérale de cette chasse médiatique, c’est Gabriela Slafkovská, la mère de Juraj. Ancienne athlète de haut niveau en natation, aujourd’hui instructrice de Pilates, Gabriela a vu sa salle d’entraînement envahie par les caméras.

Certaines images d’elle en maillot de bain, issues de ses séances personnelles d’entraînement, ont été diffusées sans son consentement sur des comptes Instagram de potins sportifs en Slovaquie, parfois repris par des médias sensationnalistes.

L’indignation dans le cercle proche de Juraj est énorme : on a franchi toutes les limites. Gabriela ne peut plus se rendre à son propre gym sans se faire intercepter. Elle a même dû interrompre des cours pour aller répondre à des inconnus qui insistaient pour lui parler de son fils.

Et que dire de la résidence familiale près de Košice, devenue une véritable attraction locale? Des curieux se rendent sur place, sonnent à la porte, prennent des photos, certains vont même jusqu’à tenter de voir à travers les fenêtres pour “apercevoir Juraj”.

 Des scènes surréalistes, dignes d’un film de paparazzis, qui se déroulent pourtant dans un quartier résidentiel paisible où la famille Slafkovský cherchait à préserver un semblant de normalité.

Ces atteintes à la vie privée ont un impact profond et dévastateur sur Juraj. C’est un jeune homme de 20 ans, loin de chez lui, tentant de bâtir une carrière dans un marché ultra-médiatisé comme Montréal.

Mais à chaque appel de sa mère, à chaque message de sa sœur, il apprend qu’un nouveau photographe s’est pointé, qu’un inconnu a frappé à la porte, qu’un article sur leur quotidien est sorti sans leur autorisation. Comment garder la tête haute sur la patinoire quand ta famille vit sous surveillance?

Il a lui-même qualifié la situation de “toxique”, dans un message partagé en privé selon ton informateur. Il disait ne plus savoir comment protéger sa sœur, comment empêcher les “gens de traiter leur maison comme un musée”.

Il a confié que les appels vidéos avec sa mère finissaient souvent en larmes, non pas à cause de ses matchs, mais à cause de ce qui se passe à Košice.

Des rumeurs sur sa copine, Angélie Bourgeois-Pelletier, ont circulé. Le couple aurait traversé des moments difficiles, à cause de cette attention malsaine. Certains comptes X  affirmaient même qu’Angélie aurait été impliquée dans des « soirées controversées ».

Après l’élimination du Canadien, Slafkovsky a décliné l’invitation de la Slovaquie pour participer au Championnat mondial de hockey. Il n’a donné aucune raison. Silence total.

À Montréal, les médias ont spéculé. Était-il blessé? Fatigué? Fâché contre la fédération? Ce n’est que dans les jours suivants qu’Emil Heineman a discrètement glissé qu’il traînait des pépins physiques.

Mais c’est en Slovaquie que le dérapage a été le plus violent. Les commentateurs locaux ont crié au scandale. Les fans l’ont traité de lâche. Des dirigeants anonymes de la fédération l’ont accusé d’ingratitude. Le tout sans jamais valider son état de santé ou sa condition mentale.

La vérité, c’est que Slafkovsky est au bout du rouleau. Usé. Vidé. Physiquement, mentalement, émotionnellement.

Il ne faut pas oublier que ce n’est pas la première fois que Juraj Slafkovsky est en conflit avec le système hockey slovaque.

Il a déjà qualifié sa propre fédération de corrompue, dénonçant les pratiques opaques, les jeux d’influence et l’absence de soutien réel aux jeunes talents.

Un acte de courage, mais qui lui a coûté cher. Car depuis, chaque faux pas, chaque absence, chaque silence est interprété comme un affront personnel à la nation.

Tomas Jurco, vétéran de la KHL et compatriote respecté, est l’un des rares à avoir pris sa défense publiquement.

« Les critiques sont injustifiées, disait-il dans sportweb.pravda.sk. Les gens ne connaissent pas son état physique ni son état mental. »

Mais ces voix sages sont trop rares. Et surtout : elles sont écrasées par les cris.

Le père de Juraj, Juraj Sr., s’est toujours présenté comme un fan du Canadien de Montréal. Il regarde tous les matchs de son fils à travers NHL TV. Il commente, observe, critique parfois. Jusqu’ici, rien de dramatique.

Mais quand il s’est mis à attaquer Martin St-Louis en privé, affirmant que l’entraîneur « détruisait son fils », tout a basculé.

Les propos sont brutaux :

« Ce n'est pas du hockey. Ils courent comme des moutons. Aucune combinaison. Tout est aléatoire. Juraj a besoin de 15 minutes par match, d’avantage numérique. Ce qu’on lui donne, c’est du sabotage. »

Même si la situation s’est depuis apaisée, et que Slafkovsky Sr. a finalement fait la paix avec St-Louis, la trace est là. Les archives existent. Les messages aussi. Et l’image d’un clan familial en guerre contre l’organisation a été gravée dans l’opinion publique.

Pour Chantal Machabée, directrice des communications du Canadien, cette situation est une catastrophe.

Le père qui insulte l’entraîneur. Les médias qui traquent la sœur. Les fans qui harcèlent la copine. Les Slovaques qui l’accusent de trahison nationale. Des rumeurs de disputes dans le vestiaire. Des messages anonymes sur ses habitudes de vie. Et maintenant, le spectre d’une régression psychologique.

Pour Chantal, qui travaille sans relâche pour protéger l’image des joueurs et maintenir une ligne de communication saine, c’est un cauchemar de relations publiques.

Combien de temps encore avant qu’un dérapage devienne irréversible? Un geste, une parole mal placée, un effondrement? Il faut agir. Et vite.

Il faut rappeler que Juraj Slafkovsky a signé un contrat de 8 ans d’une valeur de 61 millions de dollars. Un pactole qui fait de lui le joueur le mieux payé de sa cuvée, et l’un des visages de la reconstruction du CH.

Mais ce contrat est aussi devenu un fardeau. Car chaque dollar est une brique supplémentaire sur ses épaules.

Les partisans attendent les chiffres de Crosby. Les comparaisons avec McDavid, MacKinnon et même Matthews sont constantes. Et le moindre match sans point devient un « échec ».

Et maintenant?

Le rêve de Slafkovsky est-il en train de se transformer en cauchemar? Il n’a que 20 ans, et pourtant on dirait qu’il a 10 ans de guerre médiatique qui sont passées au travers de son corps.

Tout ce qu’il voulait, c’était jouer au hockey. Grandir. Se faire une place. Devenir une vedette. Être respecté.

Mais en ce moment, ce qu’il récolte, c’est la méfiance, la jalousie, l’humiliation… et une pression inhumaine.

Il est temps de faire une pause. Il est temps de se rappeler que derrière chaque nom sur un chandail, il y a une histoire, une famille, un cœur qui bat.

Juraj Slafkovsky est un jeune homme. Avec des émotions. Des blessures invisibles. Un futur encore à écrire.

Que ce soit les médias slovaques, les partisans québécois ou même l’organisation du Canadien : il est temps de le protéger. Il est temps de l’aider à redevenir ce qu’il est vraiment.

Un espoir.

Pas un bouc émissaire.