Il faut être capable de reconnaître quand nos critiques tombent. Il faut avoir l’humilité de l’admettre : hier soir, TVA Sports a livré la meilleure télédiffusion de son histoire.
Oui, tu as bien lu. Dans ce Québec où la critique est souvent plus facile que l’éloge, où les mauvaises habitudes de TVA Sports avaient créé une décennie d’exaspération, nous voilà aujourd’hui forcés, avec respect et admiration, de saluer ce que Louis-Philippe Neveu et son équipe viennent d’accomplir.
On a tellement été durs avec eux. On a ridiculisé leurs gaffes. On a dénoncé leur traitement de l’information, leur ton enfantin, leur faible souci du détail.
On a ri, parfois à gorge déployée, de ce qu’était devenu un réseau qui aspirait un jour à concurrencer RDS, mais qui semblait coincé dans une ligue de garage.
Mais aujourd’hui, ce n’est plus juste du mieux : c’est une commotion télévisuelle.
Hier soir, pour la première fois depuis la création de TVA Sports, on a eu l’impression de regarder un match de séries éliminatoires sur un vrai réseau national.
Louis-Philippe Neveu, le patron de TVA Sports, mérite tout le crédit. Dans un contexte où Québecor vit des heures sombres, où la menace d’un démantèlement plane sur le réseau, où les licenciements massifs sont devenus une habitude plutôt qu’une surprise, il a réussi l’impossible : rallier ses troupes, recentrer sa mission, et livrer du contenu digne des grandes ligues.
C’était intense. C’était serré. C’était vivant.
Renaud Lavoie, d’abord, a prouvé qu'il peut être pertinent. Son émotion, son indignation sentie, sa colère contre les arbitres n’étaient pas de la caricature.
Non, c’était exactement ce qu’on attend d’un analyste en séries. Peut-être qu’en saison régulière, on le trouve parfois “quétaine”, peut-être qu’on l’accuse d’en faire trop.
Mais en séries, cette intensité est une bénédiction. C’est cette rage authentique, ce patriotisme sportif qui fait qu’on vit le hockey au Québec d’une façon que nul autre endroit sur Terre ne peut comprendre.
Maxim Lapierre et Antoine Roussel, ensuite, sont devenus en l’espace d’une soirée le meilleur duo de “pestes” qu’on pouvait rêver d’avoir.
Deux anciens joueurs de caractère, deux anciennes “sales pestes” de la LNH, qui ne se prennent pas trop au sérieux, mais qui comprennent parfaitement ce qu’il faut pour gagner.
Leur authenticité est contagieuse. Ils ne jouent pas un rôle. Ils ne font pas semblant d’être autre chose que ce qu’ils sont. Ils amènent de la passion, des analyses justes, et surtout, ce brin de mauvais garçon qui donne du chien à toute la diffusion.
Patrick Lalime, lui aussi, mérite une mention spéciale. Souvent critiqué par le passé pour son ton parfois monotone ou pour ses hésitations linguistiques, il a livré hier une performance impeccable.
Dès qu’il a vu Samuel Montembeault grimacer, il a su tout de suite diagnostiquer une blessure au bas du corps, avec calme, expertise et justesse.
Il faut se le dire : avoir un ancien gardien dans le carré d’analyse donne au téléspectateur une valeur ajoutée immense. Et cette fois, son français était limpide, ses interventions précises. Bravo.
Félix Séguin, enfin. Que dire? Lui qu’on a tellement critiqué pour ses envolées inutiles, pour ses métaphores malaisantes et son ton de “radio junior”, il a enfin compris son rôle.
Hier, il s’est recentré. Il a laissé plus d’espace à son analyste. Il a injecté de l’émotion au bon moment, sans en faire des tonnes. C’était efficace, dynamique, intelligent. Félix Séguin est en train de renaître sous nos yeux.
Et Dave Morissette, dans son émission d’après-match, a frappé un grand coup. Beaucoup de rythme, beaucoup de bonne humeur, beaucoup de relance intelligente. Le party TVA Sports avait enfin l’air crédible, voire indispensable.
Ce qui rend cette révolution encore plus méritoire, c’est qu’elle survient dans un contexte apocalyptique pour Québecor. TVA Sports est sur respirateur artificiel.
On parle de plus de 300 millions de dollars de pertes cumulées depuis sa création. D’une impossibilité désormais mathématique de racheter les droits de la LNH. D’une situation où l’on n’aura bientôt peut-être même plus de matchs du Canadien de Montréal à diffuser. Et pourtant, c’est maintenant, contre toute attente, qu’ils sortent le match parfait.
Quel symbole.
Alors que la maison brûle, ils livrent leur chef-d’œuvre.
Ça donne le vertige d’imaginer ce qu’aurait pu être TVA Sports si cette excellence-là avait été la norme depuis 10 ans.
Peut-être qu’aujourd’hui, on ne parlerait pas de fermeture imminente. Peut-être qu’on ne supplierait pas Bell ou Rogers pour obtenir des miettes de droits de diffusion.
Mais mieux vaut tard que jamais.
Ce n’est pas qu’une soirée réussie. C’est un modèle.
Un modèle qui prouve que la compétence, l’humilité et le respect du public peuvent triompher. Un modèle qui nous rappelle que même une chaîne éreintée, surendettée, moquée, peut renaître par la seule force de son contenu.
Hier, pour la première fois depuis longtemps, on n’avait pas honte d’être devant TVA Sports.
Hier, pour la première fois depuis des années, on avait envie que TVA Sports survive.
Pas par pitié. Par admiration.
Le chemin est encore long. Le prochain défi sera de maintenir ce niveau d’excellence à chaque match, à chaque diffusion.
De ne pas retomber dans les vieilles mauvaises habitudes. De comprendre que l’auditeur québécois ne veut pas qu’on lui parle comme à un enfant. Il veut du hockey. De l’émotion vraie. De l’analyse compétente. Du respect.
Louis-Philippe Neveu et son équipe viennent de prouver qu’ils en sont capables.
Chapeau.