Il fallait voir Juraj Slafkovsky au micro, droit comme une barre, le regard provocateur, le sourire en coin.
Le jeune attaquant slovaque du Canadien de Montréal n’avait pas l’intention de faire dans la dentelle. Lorsqu’on lui a mentionné l’atmosphère électrisante du white-out de Winnipeg, cette tradition où toute une ville s'habille de blanc pour porter les Jets vers la victoire, Slafkovsky n'a pas tremblé.
Il a rétorqué avec une sûreté déconcertante :
« J’ai vu les images de ce qui se passait à l’extérieur du Centre Bell, et hier, j’ai regardé Winnipeg ou peu importe, et j’ai vu leurs rues… Alors je peux juste imaginer que nos rues, à Montréal, ça va être le double de ça. Ça va être plein, c’est exactement ça qu’on veut, c’est pour ça qu’on joue. »
Traduction? Slafkovsky prétend que la passion à Montréal sera deux fois plus intense que celle à Winnipeg. Il fallait oser. Et il l’a fait.
Dans un pays où les partisans des Jets se considèrent comme les plus passionnés de toute la Ligue nationale, où chaque série est vécue comme un acte de foi collectif, où chaque habitant enfile du blanc comme on endosse une armure, les mots de Slafkovsky ont eu l’effet d’une bombe.
Sur les réseaux sociaux, les fans des Jets ont explosé. Comment un jeune joueur de 20 ans, qui n’a même pas encore disputé un match en séries éliminatoires, ose-t-il se moquer ainsi d’une des plus anciennes traditions du hockey canadien?
Comment un jeune dont la saison a été marquée par les hauts et les bas, par des controverses, des critiques, des rumeurs sur sa copine, peut-il s’adresser de manière aussi condescendante à tout un marché comme Winnipeg?
Mais justement, c’est bien là le miracle de cette fin de saison : Juraj Slafkovsky est de retour. Et pas qu'un peu. Il est confiant, désormais bien dans sa peau, visiblement débarrassé des doutes qui l’ont longtemps rongé.
L’arrogance qu’on lui reproche aujourd’hui, elle est en réalité le résultat d’un long cheminement personnel. Car il n’y a pas si longtemps, Slafkovsky était au fond du trou, la cible parfaite d’une méchanceté collective qui l’a presque brisé.
On l’a accusé d’être trop immature, trop distrait par sa vie amoureuse avec une ancienne barmaid du Flyjin, trop soft pour le marché montréalais.
On a même vu son nom circuler dans des rumeurs de transaction pour amener Noah Dobson à Montréal. Son coach Martin St-Louis l’a parfois ramené à l’ordre publiquement, les analystes se sont régalés de ses moindres erreurs, et les partisans l’ont accueillis par des silences lourds et des regards froids.
Mais voilà que Slafkovsky redevient Slaf. L’homme-bison. Le train sans frein. Celui qui fait peur quand il décide de jouer du hockey de séries. Il est revenu de loin, et il le sait.
Et c’est peut-être pour ça qu’il ose maintenant provoquer un peu tout le monde. Les fans de Winnipeg? Ils en prendront pour leur rhume. Slafkovsky veut transformer la peur qu’il a ressenti en début de saison en puissance brute.
Mais attention, même les plus vaillants ne sont pas à l’abri d’un petit dérapage. Avant les Fêtes, Slafkovsky avait fait une promesse plutôt comique : si le Canadien faisait les séries, il allait se teindre les cheveux en blond.
Un geste amusant pour embarquer dans le white-out à sa façon, mais surtout, une manière de démontrer sa foi envers son équipe.
Or, à la veille du premier match des séries, pas une mèche décolorée à l’horizon. Slafkovsky garde ses cheveux bruns foncés bien au chaud.
C’est en riant, mais visiblement un peu embarrassé, que Juraj Slafkovsky a trahi sa promesse devant les caméras de TVA Sports.
Quand Anthony Martineau lui a rappelé qu’il avait juré de se teindre les cheveux en blond si le Canadien faisait les séries, Slafkovsky a lancé un grand « ouf » suivi d’un petit rire nerveux… avant de conclure franchement :
« Non, je vais pas le faire. »
Pas de cheveux décolorés, donc, malgré une qualification historique. Évidemment, c’est de bonne guerre, mais on ne peut s’empêcher d'être inquiets: espérons que le karma ne s’en mêle pas.
Avec Tom Wilson dans les parages, ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour provoquer l’univers.
Est-ce que le karma pourrait se retourner contre lui? Peut-être pas. Mais dans une ligue où les superstitions sont nombreuses, ne pas respecter une promesse publique est rarement bien vue.
Les partisans, eux, n’ont pas oublié. Sur Reddit, X, et les tribunes sportives, les messages se multiplient : « Et les cheveux blonds, Slaf? Tu nous les fais quand? »
Cela dit, on ne peut nier que Slafkovsky est dans le bon état d’esprit. Ce carré de sable qu’il rêvait d’habiter, celui des séries éliminatoires, il le voit enfin devant lui.
Et pour un joueur de sa trempe, avec son gabarit et son envie de dominer physiquement, il s’agit d’un terrain de jeu idéal.
La saison régulière, ce n’est pas pour lui. Ce n’est pas là qu’il excelle. Mais une fois les séries lancées, une fois les coups plus lourds et les batailles plus éreintantes, Slaf devient ce qu’il a toujours voulu être : une bête de hockey.
On le voit dans ses yeux, dans son langage corporel. On le sent dans ses mises en échec, dans ses transitions. Ce n’est pas seulement un joueur qui veut contribuer. C’est un jeune homme qui veut rétablir sa vérité. Qui veut faire taire les critiques. Et surtout, qui veut se montrer digne du contrat de 60,8 millions de dollars qu’on lui a accordé.
Alors oui, il a été arrogant envers les fans de Winnipeg. Oui, il a lancé une flèche gratuite. Mais dans un monde où chaque mot est disséqué, parfois il faut aussi s’amuser un peu.
Et si cette confiance renouvelée est ce qui permet à Slafkovsky de devenir le monstre qu’on espère tous voir en séries… alors qu’il continue de parler.
Qu’il provoque, qu’il s’affirme. Et surtout, qu’il livre. Parce qu’à Montréal, c’est toujours le dernier chapitre qui compte.