Le timing n’aurait pas pu être pire pour Kent Hughes.
Alors que les Canadiens de Montréal s’enfoncent dans une spirale négative, que les critiques fusent de toutes parts envers Martin St-Louis, voilà que le DG du CH choisit ce moment précis pour vanter son entraîneur comme étant sa plus grande fierté en tant que dirigeant.
Une déclaration qui, dans un tout autre contexte, aurait pu passer inaperçue. Mais dans la situation actuelle, elle soulève beaucoup plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
Dans le balado “Processus”, Hughes a affirmé sans détour que sa décision la plus importante et dont il est le plus fier depuis qu'il est DG du CH, c’est Martin St-Louis:
“J’ai choisi d’engager Martin, car à l’époque, je croyais fermement qu’il ferait un bon entraîneur. Mais j’étais en poste depuis à peine un mois, et nous arrivions avec l’idée d’embaucher quelqu’un qui n’avait jamais coaché dans la LNH.
Je savais que nous allions être critiqués et que tout le monde suivrait attentivement la manière dont il allait s’en sortir.
Mais la façon dont nous avons procédé était tout aussi importante. Quand j’ai parlé à Geoff, nous pensions qu’un changement s’imposait. Je lui ai dit que c’était le meilleur moment pour le faire, car nous pouvions engager Martin sur une base intérimaire.
À mon avis, si nous avions attendu la fin de la saison, il aurait été beaucoup plus difficile de l’embaucher à long terme.
Donc, c’était une façon d’aller chercher la personne que nous voulions, sans trop de pression, tout en lui permettant de se mouiller tranquillement.
Mais en même temps, cela le rendait plus vulnérable aux critiques publiques. Il y aurait moins de résistance.
Mais Martin m’a dit : ‘Écoute, si tu m’engages sur une base intérimaire, je n’aurai pas assez de crédibilité auprès des joueurs.’
Je lui ai répondu : ‘Écoute, tu dois me faire confiance et avoir confiance en toi-même pour communiquer et aller chercher ton équipe.’
Je pense que c’était la première fois qu’il rencontrait les joueurs. Il a fait un discours qui a instantanément motivé tout le monde.
Je me souviens de Pierre Gervais qui me regardait et me disait : ‘Bienvenue dans les ligues majeures.’
Mais voilà, ce podcast a été enregistré à un moment où le CH surfait sur une séquence ultra positive, avant que la réalité ne rattrape violemment l’équipe.
Aujourd’hui, avec une série de défaites accablantes, cette déclaration semble complètement déconnectée de la réalité.
Alors, est-ce vraiment ce que Kent Hughes pense?
Ou bien est-ce une tentative désespérée pour calmer la tempête, freiner les rumeurs de congédiement et donner un vote de confiance à son entraîneur, alors que de plus en plus de partisans réclament du changement?
Lancer de telles éloges alors que l’équipe traverse une crise a un effet pervers : au lieu de renforcer la crédibilité de Martin St-Louis, cela souligne à quel point la gestion du CH semble être en train de dérailler.
Hughes tente peut-être de protéger son entraîneur, mais la question se pose : ne cherche-t-il pas surtout à se protéger lui-même?
Car si l’équipe continue de s’effondrer, si le vestiaire ne répond plus à St-Louis, alors ce n’est pas seulement l’entraîneur qui est en faute.
C’est aussi Kent Hughes qui doit rendre des comptes pour avoir misé sur le mauvais homme. Son insistance à défendre St-Louis pourrait donc être perçue comme une stratégie politique visant à retarder l’inévitable.
Et ce n’est pas la première fois que Hughes semble plus préoccupé par l’image du club que par son réel progrès. Son autre justification douteuse concerne l’échange d’Alex Newhook, un pari de plus en plus remis en question.
Lors du même balado, Hughes a révélé que s’il n’avait pas échangé ses choix #31 et #37 au Colorado contre Alex Newhook, le CH aurait sélectionné Gavin Brindley et… Jacob Fowler.
Autrement dit, selon lui, le Canadien n’a rien perdu dans l’échange, car il aurait pu repêcher Fowler plus tard en troisième ronde et que Brindley est un espoir B qui ne produit pas dans la ligue américaine.
Mais cette déclaration semble surtout être une tentative de justification pour un échange qui ne donne toujours pas les résultats escomptés.
Newhook, malgré quelques éclairs, peine à justifier l’investissement du CH. Pendant ce temps, Brindley progresse bien avec Columbus, et Fowler est considéré comme l’un des meilleurs espoirs au poste de gardien.
Ce genre de déclaration arrive toujours après coup, une fois que la réalité ne peut plus être ignorée.
Hughes savait-il dès le départ que Fowler tomberait en troisième ronde? Ou tente-t-il simplement de maquiller un échange qui semble aujourd’hui discutable?
L’attitude de Kent Hughes dans cette période de crise pose une question fondamentale : est-il encore dans la posture du bâtisseur rationnel et calculateur qu’il prétend être, ou est-il en train de glisser vers la communication politique pour justifier ses erreurs?
Les grands DG de la LNH n’ont pas besoin de défendre leurs choix à coups de justifications post-factuelles. Ils agissent, prennent des décisions et assument les résultats.
Hughes, lui, semble désormais préoccupé par ce que les partisans pensent, ce que les médias disent, et par la gestion de la perception.
Ce qui est inquiétant, c’est que cette posture est souvent celle des dirigeants qui commencent à sentir la pression monter. Il est possible que Hughes sache pertinemment que l’expérience St-Louis est en train d’échouer, mais qu’il ne veuille pas encore l’admettre publiquement.
Ce serait une catastrophe pour son image, lui qui avait fait de St-Louis le symbole du renouveau du CH.
La réalité est que plus le CH sombre, plus Martin St-Louis devient un homme en sursis. Sa philosophie offensive, son approche positive, tout ce qui faisait de lui un entraîneur “rafraîchissant” il y a un an, semble aujourd’hui inefficace et déconnecté de la réalité du hockey de la LNH.
En sortant publiquement pour marteler que l’embauche de St-Louis est son plus grand coup, Hughes s’expose à un retour de bâton monumental si l’équipe continue de s’effondrer. Car plus il le défend, plus il lie son propre sort à celui de St-Louis.
Et si Martin St-Louis ne parvient pas à redresser la barre, alors ce sera aussi la crédibilité de Kent Hughes qui prendra un sérieux coup.
Le succès retentissant de Patrick Roy avec les Islanders de New York, son équipe vieillissante qui se bat contre vents et marées pour accrocher une place en séries, impressionne-t-il Kent Hughes?
Absolument pas. Pour lui, il n’y a qu’un seul entraîneur qui mérite sa confiance aveugle, et c’est Martin St-Louis.
Peu importe que Roy transforme une équipe en déclin en machine compétitive. Peu importe que son style flamboyant et son intensité galvanisent ses joueurs.
Peu importe que les Islanders semblent jouer avec une hargne que le Canadien n’arrive pas à retrouver en ce moment. Aux yeux de Hughes, ces exploits ne valent rien face à sa loyauté infinie envers St-Louis.
Hughes savait très bien que l’embauche de St-Louis serait critiquée. Il savait que prendre un entraîneur sans expérience derrière un banc de la LNH serait un pari risqué.
Mais il a choisi d’aller de l’avant, convaincu que St-Louis avait le charisme, la pédagogie et l’intelligence pour élever ce groupe à un autre niveau.
Et aujourd’hui, malgré la tempête qui s’abat sur son équipe, il ne recule pas d’un pouce.
Patrick Roy? Son succès est peut-être impressionnant pour les médias et les partisans, mais pas pour Hughes. Lui, il est prêt à aller jusqu’au bout avec son homme. À la vie, à la mort.
Le congédiement de Martin St-Louis peut aller se coucher.