Congédiement de Yanick Bouchard: Cogeco sort de son silence

Congédiement de Yanick Bouchard: Cogeco sort de son silence

Par David Garel le 2025-05-02

C’est maintenant officiel : Yannick Bouchard est relevé de ses fonctions au 98.5 FM.

Le couperet est tombé, net et sans appel. Le chroniqueur sportif vedette, au cœur d’un scandale qui a secoué le Québec en entier, est congédié.

Pour l'instant, c'est de manière temporaire. Mais on voit mal comment le congédiement définitif de Bouchard ne pourrait pas arriver.

C’est Cogeco Média qui nous confirmé que Bouchard était présentement relevé de ses fonction, par l'entremise de son directeur principal des communications marketing, Marc Pichette.

Voici l’intégralité du message reçu :

« La direction de Cogeco Média souhaite exprimer publiquement sa profonde consternation à la suite d’un message inapproprié transmis par notre collaborateur Yannick Bouchard sur les réseaux sociaux de la ministre Caroline Proulx.

Les propos en question sont inacceptables. Nous les dénonçons fermement.

Nous avons personnellement offert nos excuses les plus sincères à Mme Proulx. M. Bouchard est présentement relevé de ses fonctions et il a, par ailleurs, présenté ses excuses en ondes ce matin. »

La nouvelle fait l’effet d’un séisme dans le monde des médias québécois. Le 98.5 FM, fleuron de l’information radiophonique au Québec, se voit contraint de mettre fin à sa collaboration avec celui qui, il y a à peine quelques mois, était présenté comme la figure montante du sport sur les ondes de Patrick Lagacé. Une descente aux enfers fulgurante.

Le scandale a éclaté comme une bombe. Le message envoyé à Caroline Proulx, ministre du Tourisme, sur Instagram, était d’une indécence brutale :

« Deux vulves aux funérailles ».

Un message d’une violence inqualifiable, publié alors même que la ministre enterrait sa mère. Le choc a été immédiat.

Le Québec entier a été outré par la nature du message, par son timing abject, par sa misogynie évidente, et par le fait qu’il ait été publié sur une plateforme publique, sans aucune pudeur, sans la moindre considération humaine.

La ministre n’a pas tardé à réagir avec une fermeté exemplaire :

« Alors que j’enterrais ma mère hier, Yannick Bouchard a publié un message d'une rare indécence sur mon compte Instagram. Je le dénonce fermement. Ses propos sont inacceptables et doivent avoir des conséquences. Une justice publique s’impose. »

Dès lors, le tollé fut général. La défense de Yannick Bouchard, prétextant faussement qu’un ami avait pris son téléphone pour envoyer le message, a été accueillie avec incrédulité.

La nature même de l’acte, l'historique du compte, la cible du message : rien ne collait avec une simple erreur ou une mauvaise blague privée. Il s’agissait d’un acte public, posé sur un compte professionnel, et dirigé vers une femme en deuil.

Le contexte rendait l’affaire encore plus insupportable. Caroline Proulx avait déclenché un éclat de rire hier à l’Assemblée nationale lors d’une séance sur les crédits budgétaires.

Questionnée par le député du PQ Pascal Bérubé sur l’annulation d’un événement, elle avait hésité avant de révéler le nom :

« Je ne peux pas croire que je vais dire ça, je vais faire Infoman c’est sûr... ça s’appelait Vulves et Bulles et le PDG a jugé que c’était inapproprié. »

Le tout avait été relayé dans les émissions humoristiques et était devenu un moment de légèreté politique. Jamais, ni la ministre ni les spectateurs, n’auraient pu imaginer que cette anecdote servirait un jour à alimenter une insulte ignoble.

Et pourtant. Ce terme, dans le contexte d’un deuil, est détourné dans un message haineux, posté par un chroniqueur du 98.5 FM. Tout cela dépasse le cadre de la maladresse. Il s'agit d’un geste profondément sexiste, cruel, d’un manque total d’éthique.

Ce qui choque encore plus, c’est que ce même Yannick Bouchard avait été préféré à Louis Jean pour occuper une position de premier plan aux côtés de Patrick Lagacé.

Louis Jean, écarté pour une relation intime avec une productrice de TVA Sports – alors conjointe de Renaud Lavoie – n’a jamais pu revenir en ondes à temps plein, malgré son immense talent, son expérience, et le soutien du public.

Louis Jean a payé très cher pour un choix personnel, privé. Bouchard, lui, vient de commettre un acte public, violent, contre une ministre de l’État… et il aura fallu l’indignation nationale pour qu’il soit relevé de ses fonctions.

Il faut aussi rappeler que ce geste est bien pire que celui commis par d'autres animateurs de Cogeco dans les derniers mois.

En octobre dernier, l’animateur Jeremy Filosa a injustement perdu son micro et a été relégué à des fonctions de recherchiste après avoir affirmé en ondes qu’il ne croyait plus que les Américains avaient marché sur la Lune.

Il a dû suivre une formation sur les normes journalistiques et s’est vu interdire l’accès à ses réseaux sociaux pendant toute la durée de sa suspension. Il a fini par retrouver son poste, mais il n'aurait jamais dû être suspendu. Ce que Bouchard a fait est mille fois plus grave. Ce n'est même pas comparable.

En février dernier, c’est Louis Lacroix qui a été temporairement retiré des ondes après une publication Facebook jugée raciste en lien avec le spectacle de Kendrick Lamar au Super Bowl.

Il avait écrit : « tout d’un coup, des gangs de rue ont pris le contrôle de ma télé... ». Là encore, après la tempête, Lacroix a pu revenir en ondes.

Ces deux précédents soulèvent une inquiétude légitime : le congédiement de Yannick Bouchard est-il vraiment définitif ?

Ou est-ce une suspension camouflée, un geste symbolique destiné à calmer la tempête médiatique ?

Officiellement, il est « relevé de ses fonctions présentement ». Mais connaissant la tradition de Cogeco, certains craignent déjà qu’il réapparaisse dans quelques mois, comme si de rien n’était.

Pourtant, on voit mal comment il pourrait se relever d’un tel geste. Cette fois, les faits sont d’une gravité sans précédent.

Ce scandale s’ajoute à une longue série de controverses qui affectent le 98.5 FM et le réseau Cogeco. Le départ de MC Gilles, congédié après une explosion publique contre Lagacé.

L’éviction brutale de Pierre-Yves McSween, frustré de ne jamais avoir reçu le micro de Philippe Cantin qu’il convoitait. Chaque épisode, chaque crise, ajoute à l’image d’un réseau en perte de repères.

Mais aujourd’hui, le geste est trop grave. L’heure n’est plus à la nuance. Le congédiement de Yannick Bouchard était la seule option possible. Il fallait agir. Il fallait tracer une ligne. Car laisser passer une telle offense aurait signé la fin morale du 98.5 FM.

La question qui demeure : comment en est-on arrivé là ? Qui, dans la chaîne décisionnelle, a jugé que Bouchard était un choix plus « sûr » que Louis Jean ? Qui a voulu faire passer l’image avant l’âme ? Qui a cru qu’un homme sans controverse publique était nécessairement un homme sans faille ?

Aujourd’hui, le public exige plus qu’un congédiement. Il exige une introspection. Un réexamen complet des critères de sélection. Une remise en question de l’encadrement des employés à la radio. Et surtout, une réponse claire, concrète, respectueuse envers toutes les femmes du Québec.

Ce message ignoble a été adressé à une ministre en deuil. Mais c’est aussi un message adressé, indirectement, à toutes les femmes : vos douleurs peuvent être piétinées, vos souffrances peuvent être ridiculisées, et même vos deuils peuvent être sexualisés. C’est cette réalité qu’il faut briser.

Le congédiement de Yannick Bouchard n’est pas seulement un geste administratif. C’est un geste politique. Un geste symbolique. Et c’est un signal envoyé à toute l’industrie : le mépris, le sexisme, la cruauté ne passeront plus.

Aujourd’hui, Cogeco a pris une bonne décision. Mais demain, c’est tout un système qu’il faudra revoir.

Pour éviter qu’un autre homme, un autre jour, derrière un autre micro, puisse croire que l’humiliation d’une femme en deuil est une blague acceptable.