C’est le genre de déclaration qui résonne comme un véritable tremblement au Centre Bell.
Un recruteur professionnel, sous le couvert de l’anonymat, a pris le téléphone pour appeler directement Le Journal de Montréal, pas pour faire l’éloge des espoirs du Canadien… mais pour les détruire publiquement. Sans gants blancs. Sans filtre. Sans aucune pitié.
Son verdict est tranchant : Logan Mailloux n’a pas le QI hockey pour faire le saut dans la LNH. Et Arber Xhekaj? Encore pire : un gars incapable de prendre une bonne décision en sortie de zone. BOOM. Deux boucs-émissaires qui nuisent directement dans l’identité même que Martin St-Louis tente de bâtir avec ses jeunes défenseurs.
Et pourtant, à travers ce carnage médiatique, il y a un homme qui devait sourire en coin. Peut-être même retenir un petit ricanement discret dans son bureau à Brossard. Martin St-Louis.
Car ce que vient de faire ce recruteur anonyme, c’est donner à St-Louis toutes les munitions dont il avait besoin pour justifier ce que certains observateurs considéraient comme de l’acharnement : garder Mailloux et Xhekaj dans sa niche. Les traiter comme des moins que rien. Les encadrer. Les corriger. Ou… les tasser.
Les propos de ce recruteur font mal. Ils touchent une corde sensible. Non seulement parce qu’ils viennent d’un professionnel de la LNH, mais parce qu’ils soulèvent un doute fondamental : et si Logan Mailloux était justement l’un de ces joueurs qui plafonnent une fois arrivés chez les pros?
« Ce sont des gars qui étaient tellement supérieurs physiquement quand ils étaient jeunes qu’ils n’avaient jamais eu à s’adapter auparavant. »
« Ils étaient tellement dominants, tellement rapides qu’ils n’avaient pas besoin de structure, jusqu’à ce qu’ils arrivent contre d’autres hommes. C’est drôle à dire, mais les autres joueurs leur rebondissaient dessus.»
Voilà. C’est là, le nerf de la guerre. Logan Mailloux a toujours été plus fort. Plus rapide. Plus gros. Un bulldozer avec des enfants.
Dans le junior, il défonçait tout. Il tirait de partout. Il prenait des risques absurdes… et ça marchait. Parce que l’adversaire avait 16 ans, pesait 160 livres, et n’osait même pas lever la tête.
Mais maintenant? La LNH, ce n’est pas la OHL. Et ce recruteur ne se gêne pas pour le dire : Mailloux n’a jamais été forcé d’apprendre à lire le jeu. Il l’imposait par la force. Il ne réagissait pas. Il fonçait.
Et dans une ligue où la demi-seconde de trop peut te coûter ta place dans l’alignement, c’est une condamnation à mort.
Même chose pour Arber Xhekaj. Le même recruteur affirme sans détour :
« Je persiste à croire qu’il n’a pas un grand hockey sense. On n’a qu’à regarder ses prises de décisions en sortie de zone. »
Une phrase qui, à elle seule, pourrait faire capoter la valeur de Xhekaj sur le marché. Oui, il frappe. Oui, il fait peur. Mais un défenseur incapable de prendre une bonne décision dans sa zone devient un boulet.
Et Martin St-Louis, qui se bat à chaque jour pour bâtir une équipe structurée, intelligente, capable de transporter la rondelle proprement en transition, n’a jamais été convaincu par Xhekaj.
Il l’a rayé de l’alignement à plusieurs reprises. Il l’a envoyé à Laval la saison dernière, puis dans les gradins cette saison.
Il a limité son temps de glace. Et aujourd’hui, un recruteur vient indirectement de justifier toutes ses décisions.
Mais ce n’est pas tout. Dans ce grand ménage intellectuel, le recruteur cite même Juraj Slafkovsky. Oui, lui aussi. Le premier choix au total. Pas comme un flop, non. Mais comme un joueur dont le sens du hockey reste un mystère.
« Ce sont des gars pour qui le sens du hockey semble faire défaut, ce qui ralentit leur transition. »
Ouch. C’est comme si les trois jeunes que le CH présentait comme essentiels à sa reconstruction — Slafkovsky, Mailloux, Xhekaj — venaient tous d’être rétrogradés par un seul coup de fil.
Et tout ça à un moment charnière : alors que Mailloux est justement en train de faire exploser sa valeur en séries avec le Rocket.
C’est là que l’ironie frappe. Car pendant que Mailloux collectionne les points en séries, que son nom circule dans tous les scénarios de transaction (Bo Horvat, Mathew Barzal, Sidney Crosby, etc), voilà qu’un recruteur décide de briser son envol médiatique en attaquant son QI hockey. Comme si la ligue voulait rappeler à tout le monde : attention, ce gars-là reste une énigme.
Est-ce que Kent Hughes vient de recevoir une douche froide? Probablement. Est-ce que certains clubs qui appelaient pour inclure Mailloux dans une transaction vont hésiter? Possible.
Ou peut-être que ce coup médiatique est calculé. Peut-être que ce recruteur travaille pour une équipe qui aimerait bien obtenir Mailloux à bas prix. Le timing est curieux, non?
Pendant ce temps, d’autres noms montent.
Alexandre Carrier, par exemple. Un défenseur discret, mais dont tous les dépisteurs soulignent le positionnement, la lecture du jeu, la fiabilité. Le genre de joueur que St-Louis adore. Et qui ne fait jamais la une. Mais qui reste toujours dans la bonne chaise.
Et pendant qu’on glorifie ces défenseurs “intelligents”, on détruit ceux prennent des risques offensifs ou qui sont indisciplinés. Comme Xhekaj. Comme Mailloux.
Il y a une chose que ce recruteur oublie : l’apprentissage. Oui, Mailloux a encore des lacunes. Oui, il prend des risques. Mais le gars a fait un bond monumental dans son jeu défensif depuis six mois. Il écoute. Il apprend. Il s’adapte.
Et Xhekaj? C’est vrai qu’il force le jeu parfois. Mais c’est aussi un gars qui fait lever la foule, qui défend ses coéquipiers, qui frappe comme un train. À chaque présence, il te rappelle que la LNH n’est pas qu’un jeu d’échecs. C’est aussi un sport de combat.
Alors que faire maintenant?
Martin St-Louis, qui se bat pour faire comprendre à ses joueurs qu’ils doivent réfléchir plus vite, aura tous les arguments du monde cet été pour imposer une hiérarchie plus stricte. Pour reléguer Mailloux derrière Reinbacher. Pour envoyer Xhekaj dans les gradins. Et pour défendre son projet de jeu cérébral.
Mais attention. Ces déclarations peuvent aussi souder un vestiaire. Rien n’allume plus un joueur que de se faire traiter de stupide par un homme qui ne signe même pas son nom. Mailloux l’a lu. Xhekaj aussi. Et parions qu’ils ont déjà encerclé la date du prochain camp sur leur calendrier.
Ce recruteur voulait allumer un feu. Il vient peut-être de réveiller une tempête.
Et s’il y a une chose que Martin St-Louis sait faire, c’est transformer la controverse en carburant. Pour bâtir. Pour structurer. Ou pour couper.
La balle est maintenant dans le camp du Canadien. Mailloux et Xhekaj sont à la croisée des chemins. Et ce qu’on pensait être une belle profondeur défensive vient de devenir un casse-tête pour Kent Hughes.
Est-ce qu’on mise sur les gars avec un instinct? Ou seulement sur ceux qui réfléchissent vite?
On les garde? Ou on les échange?
Une chose est sûre : l’anonymat ne protégera pas ce recruteur si Mailloux ou Xhekaj décident de lui prouver le contraire sur la glace.