Coup de Théâtre : Serge Savard fait grincer bien des dents au Québec

Coup de Théâtre : Serge Savard fait grincer bien des dents au Québec

Par André Soueidan le 2025-08-12

On l’attendait pour parler de l’époque glorieuse du “Big Three” et de ses bagues de la Coupe Stanley… mais Serge Savard a débarqué à Salut Bonjour et a envoyé une claque derrière la tête du sport universitaire québécois.

Pas une petite tape amicale. Une vraie baffe qui résonne jusque dans les corridors de l’Université de Montréal et de Laval.

Le genre de baffe qui dit : “Réveillez-vous, bordel, vous êtes en retard de trois trains.”

Savard a annoncé que l’Université de Sherbrooke aura ses équipes masculine et féminine de hockey sur glace dans la ligue universitaire d’ici deux ans.

Oui, Sherbrooke, le Vert et Or, la ville où la neige tient aussi longtemps que les débats sur le troisième lien.

Une université qui, il n’y a pas si longtemps, n’était même pas considérée dans les discussions de hockey de haut calibre.

Et pourtant, eux, ils foncent. Pas d’excuses, pas de “c’est compliqué”, pas de “on n’a pas les infrastructures”. Ils vont jouer. Point final.

Et là, on va se dire les vraies affaires. Cette annonce-là, elle ne fait pas juste sourire les amateurs de hockey universitaire.

Elle fait grincer des dents, et pas à peu près.

Car en développant enfin une vraie ligue universitaire québécoise, on vient marcher directement sur les plates-bandes de deux gros joueurs : la LHJMQ, qui risque de voir partir certains talents locaux vers ce nouveau circuit plutôt que de les perdre à 18 ans dans un junior majeur parfois saturé, et le hockey universitaire américain (NCAA/College Hockey), qui rafle depuis des années nos meilleurs espoirs francophones grâce à ses bourses et ses infrastructures.

Savard ne le dira pas aussi crûment, mais c’est clair : ce projet est une réponse frontale à ceux qui nous pillent, et une façon de garder nos joueurs chez nous, dans notre système, pour les développer ici.

Et ce qui fait grincer des dents encore plus, c'est qu’au moment où Sherbrooke se lance, certaines des plus grandes universités du Québec ... on pense aux Carabins de l’UdeM, mais le Rouge et Or de Laval aussi ... continuent de faire semblant que le hockey masculin universitaire n’existe pas.

Oui, l’UdeM a une équipe féminine, et c’est très bien. Mais où est l’équipe masculine ?

Où est la volonté de rivaliser avec McGill, Concordia, Trois-Rivières et bientôt Sherbrooke ?

On parle ici de l’université francophone la plus prestigieuse au Québec.

Celle qui se pète les bretelles à chaque Vanier Cup, qui attire des foules monstres au CEPSUM pour le football, qui domine le soccer universitaire… mais qui se défile sur la glace.

Les Carabins pourraient, demain matin, bâtir un programme capable de recruter les meilleurs joueurs de 21-22 ans qui ne veulent plus du junior majeur.

Ils pourraient donner une deuxième vie à des talents québécois qui se perdent dans des ligues obscures aux États-Unis. Mais non. Silence radio.

Savard, en bon vieux capitaine, ne l’a pas dit directement, mais on a tous lu entre les lignes : il est tanné de voir le hockey universitaire québécois être à la remorque de l’Ontario.

Actuellement, nos équipes masculines doivent aller jouer dans un réseau ontarien. On parle de matches contre Ottawa, York, Lakehead…

Pendant ce temps-là, le public québécois ne sait même pas qu’il y a un calibre universitaire ici, parce qu’on ne le voit pas, on ne le vit pas, on ne le vend pas.

Imaginez juste deux secondes : un circuit 100 % québécois. Laval contre Montréal. McGill contre Sherbrooke. Trois-Rivières contre Concordia.

Des matchs aller-retour qui créent de vraies rivalités régionales.

Des gradins remplis d’étudiants enragés, de parents fiers et de curieux qui veulent voir du hockey de haut calibre sans payer 150 $ le billet.

Un circuit où les joueurs gardent leur éligibilité scolaire, obtiennent un diplôme et jouent devant leurs familles. C’est ça, le plan de Savard. C’est ça, son rêve.

Et la beauté de l’affaire ? C’est qu’il est en train de le concrétiser. Laval, Sherbrooke et Montréal sont censés se joindre au trio déjà en place : McGill, Concordia, Trois-Rivières.

Six équipes. Une ligue fermée, 100 % québécoise, qui garde notre talent ici au lieu de l’envoyer en Ontario ou dans les universités américaines.

Sauf que… pour que ça marche, il faut que tout le monde embarque.

Et là, c’est là que ça coince. Parce que Laval et Montréal, ça fait des années qu’on leur parle de ça, et à chaque fois, on a droit au même refrain : “Ah oui, on aimerait ça… mais pas tout de suite.”

Pas tout de suite, ça veut dire jamais. Pas tout de suite, ça veut dire “on va attendre que quelqu’un d’autre prenne les risques à notre place”.

Et Sherbrooke, eux, ils se sont dit : “Ok, on le fait. On sera peut-être les premiers à perdre de l’argent, mais on sera aussi les premiers à créer quelque chose.”

Ça fait des décennies que les élites sportives au Québec se gargarisent de discours sur “l’importance de garder notre monde chez nous”.

Et pourtant, chaque année, des dizaines de joueurs québécois quittent le junior pour aller jouer aux États-Unis ou dans le réseau universitaire canadien hors Québec.

Pourquoi ? Parce qu’ici, on ne leur offre rien de structuré.

On préfère investir dans le football universitaire, qui, soit dit en passant, n’existait pratiquement pas dans les années 80. Mais là, c’est rendu un monstre médiatique. Pourquoi ? Parce qu’on y a cru.

Savard, c’est un gars qui a vu le hockey dans toutes ses formes. Il sait que ce sport est en train de se transformer.

Il sait que les familles cherchent des options où leurs enfants peuvent jouer à haut niveau tout en poursuivant des études sérieuses.

Et il sait que si on ne crée pas cette ligue maintenant, on va encore se réveiller dans dix ans en disant : “Ah, on aurait donc dû…”

Pendant ce temps-là, l’Ontario et les Maritimes vont continuer à se renforcer, et nous, on va rester à côté de la traque.

Ce qui est savoureux dans cette annonce, c’est qu’elle ne vient pas d’un bureaucrate en complet-cravate.

Elle vient d’un gars qui a gagné la Coupe Stanley dix fois, qui a été DG du Canadien, qui connaît le pouvoir des rivalités et l’importance d’un marché local fort.

Savard n’est pas en train de lancer un projet PowerPoint pour remplir des cases. Il est en train de mettre son nom, sa réputation et son énergie dans un projet concret.

Et au fond, c’est ça qui fait grincer des dents. Parce qu’il met tout le monde devant ses contradictions.

Il met les recteurs d’universités devant leurs choix. Il met les politiciens devant leur absence de vision sportive. Il met les fédérations devant leur inertie.

On peut bien continuer à dire que le hockey universitaire, “ça ne pogne pas”.

C’est faux. Ça ne pogne pas… parce qu’on ne l’a jamais vraiment essayé ici.

McGill et Concordia remplissent leurs gradins quand il y a de la promo et des matchs significatifs.

Trois-Rivières a déjà créé une vraie ambiance de série. Imaginez ça, mais multiplié par six programmes, avec des médias qui suivent et des commanditaires locaux qui embarquent.

L’annonce de Savard, c’est un ultimatum déguisé.

Un “on le fait, ou on reste les éternels retardataires”. Et pour ceux qui pensent encore que “le junior majeur suffit”, on se rappellera que tous les joueurs ne veulent pas passer par ce chemin.

Certains veulent un parcours académique solide tout en jouant à un calibre compétitif. D’autres veulent continuer à jouer devant leur monde sans se taper des déplacements à Lakehead ou Guelph.

La balle est maintenant dans le camp de Laval et de Montréal. Sherbrooke vient de leur montrer que c’est possible.

Savard leur tend la main, mais il ne va pas attendre indéfiniment. S’ils ne bougent pas, la ligue se fera quand même… sans eux. Et là, bonne chance pour rattraper le terrain perdu.

Au fond, la vraie bombe de Savard, ce n’est pas l’annonce d’une équipe à Sherbrooke. C’est la mise en lumière du fait qu’au Québec, on est les champions du discours… mais pas de l’action.

Et il vient de nous rappeler que dans le sport comme ailleurs, ce n’est pas celui qui parle le plus fort qui gagne. C’est celui qui embarque en premier.

AMEN