L’annonce est tombée comme un mauvais présage : Zachary Bolduc ne s’est pas entraîné aujourd’hui à Québec. Le Canadien a évoqué une blessure au bas du corps. Une absence « au jour le jour », certes, mais à ce moment critique du camp d’entraînement, ce type de nouvelle n’a rien d’anodin.
Ce n’est pas seulement un pépin physique. C’est une alerte. Un signal rouge dans un dossier déjà miné par l’inquiétude, les doutes et une comparaison toxique que tout le Québec du hockey commence à faire sans détour : et si cette transaction Mailloux-Bolduc était le remake du désastre Drouin-Sergachev?
Car pendant que Bolduc soigne son corps à l’écart de ses coéquipiers, Logan Mailloux, lui, brille avec les Blues de St. Louis.
Chaque présence sur la glace devient une démonstration de force. Chaque match est un plaidoyer en sa faveur. Le jeune défenseur a l’air d’un homme transformé, et surtout, libéré de la tempête montréalaise.
Il évolue avec une confiance qui fait mal à voir pour les partisans du CH.
Et c’est là que le traumatisme collectif se réactive. Celui de 2017. Quand Marc Bergevin, croyant avoir flairé un bon coup, échangeait le prometteur Mikhail Sergachev aux Lightning de Tampa Bay contre un enfant prodige québécois qui avait perdu ses repères à Tampa : Jonathan Drouin.
L’histoire est connue. Drouin, fragile mentalement, harassé par la pression montréalaise, ne deviendra jamais le sauveur espéré. Pendant ce temps, Sergachev s’imposait comme un pilier défensif dans une dynastie qui allait soulever deux fois la Coupe Stanley.
Aujourd’hui, Zachary Bolduc prend sans le vouloir la place de Drouin dans l’imaginaire collectif. Et Mailloux commence à incarner, lui aussi, un regret à venir.
Le parallèle est brutal. Et dangereux. Parce qu’il pourrait contaminer rapidement l’environnement autour de Bolduc, un jeune qui cherche encore ses marques dans une organisation qui n’attend personne.
Depuis son arrivée, Bolduc donne l’impression d’un joueur bousculé. Pas seulement sur la glace, mais dans sa tête.
« Je m’habitue », dit-il. Toujours ce même mot, en boucle. Un terme qui sonne comme une excuse inconsciente. Le regard est fuyant. Le ton est bas. Comme si, au fond de lui, Bolduc savait qu’il n’était pas encore prêt. Ou pire : qu’il n’avait pas envie d’être là.
Et c’est tout le paradoxe. On croyait que Bolduc allait vivre un rêve en venant jouer pour le Canadien. Mais ce rêve semble s’être transformé en cauchemar tranquille.
À St. Louis, il avait trouvé son créneau. On le voyait comme un futur régulier du top-6, capable d’évoluer à l’aile avec les Thomas, Buchnevich et Kyrou. Le jeune homme s’épanouissait dans un environnement calme, structuré, loin des feux de la rampe.
À Montréal, c’est l’enfer médiatique. La frénésie constante. Les micros tendus dès la moindre contre-performance... ou la moindre blessure...
Et Bolduc ne semble pas outillé mentalement pour affronter cette réalité. Son camp d’entraînement a été moyen. Ses tests physiques, selon plusieurs sources, ont été jugés « moyens ».
On l’a vu à bout de souffle dès les premiers exercices. En match, il a été terne. Transparent. Même lorsqu’on lui a donné du temps sur la première vague du jeu de puissance, il n’a pas su en profiter.
Pire encore : son attitude, son langage corporel, laissent penser qu’il subit la situation plus qu’il ne la contrôle. C’est inquiétant. Parce qu’un joueur qui ne veut pas s’imposer à Montréal n’y survivra pas. C’est aussi simple que ça.
Et pendant ce temps, à Long Island, un autre nom s’ajoute à la liste des regrets potentiels : Émil Heineman. L’attaquant suédois, sacrifié par le Canadien dans la transaction Dobson, connaîtrait un très bon camp avec les Islanders.
Patrick Roy l’adore. Il l’utilise à outrance. Et Heineman répond avec intensité, robustesse, tirs précis et production offensive. Tout ce que Montréal espérait de Bolduc.
Le cauchemar est donc double : Mailloux excelle à St. Louis. Heineman se fait une place avec les Islanders. Et Bolduc, lui, connaît des débuts difficiles, souffre, doute, et maintenant… se blesse.
La blessure, justement, pourrait bien n’être que la conséquence d’un mal plus profond. Quand un joueur n’est pas mentalement engagé, son corps suit rarement
. L’intensité n’est pas là. La condition physique se détériore. Et les risques de blessure augmentent. Le hockey, surtout à Montréal, est une guerre de volonté. Et Bolduc semble en panne de munitions.
Évidemment, il est encore tôt. Trop tôt pour parler d’échec. Mais les signaux sont clairs. Et surtout, les comparaisons commencent à faire mal.
Si Bolduc ne parvient pas à s’imposer rapidement, son nom rejoindra les Drouin et Latendresse de ce monde: ces talents québécois qui ont échoué à s’imposer chez eux, dans leur province, devant leur monde.
Ne paniquon spas. Zachary Bolduc a encore une chance. Une vraie. Mais elle fond à vue d’œil. Chaque entraînement manqué, chaque match raté, chaque soupir à l’interne, chaque élan hésitant, rapproche la pensée québécoise vers Jonathan Drouin.
Et c’est là que Kent Hughes joue gros. Très gros. Car si Bolduc déçoit, la transaction Mailloux-Bolduc deviendra une tache sur son mandat. Une tache difficile à laver. Comme celle de Bergevin avec Drouin. Comme celle de Gainey avec Gomez (dire qu'on a sacrifié Ryan McDonagh). Et dans un marché comme Montréal, ces erreurs-là ne s’oublient jamais.
Le prochain match préparatoire contre les Sénateurs aurait pu être une occasion pour Bolduc de se racheter. De faire oublier les doutes. Mais sa blessure risque de le garder hors de l’alignement. Et même si elle n’est pas grave, elle compromet déjà sa préparation pour le début de la saison. Et dans un alignement aussi congestionné, chaque jour perdu est une occasion de moins.
Et si Bolduc n’est pas prêt mercredi prochain pour le vrai début de la saison? Que fera le Canadien? Le garder malgré tout? L’envoyer à Laval? Le mettre au ballottage?
Une chose est certaine : le doute s’installe. Il contamine les conversations. Il nourrit les comparaisons. Il ravive les fantômes du passé.
Et pendant que Logan Mailloux continue de grimper les échelons dans le Missouri, les partisans du CH, eux, recommencent à poser la question qui fait mal : est-ce que nous avons échangé un défenseur prometteur pour un attaquant québécois incapable de supporter le poids de la ville?
Le parallèle avec Drouin est cruel. Mais il est là.
Et tant que Bolduc ne se lèvera pas, il ne fera que grandir.