Crise à La Presse: Patrick Lagacé en eaux troubles

Crise à La Presse: Patrick Lagacé en eaux troubles

Par David Garel le 2025-05-12

Scandale à la Presse.

Patrick Lagacé a déclenché une véritable tempête médiatique.

En s’attaquant aux premières parties d’artistes musicaux dans une chronique publiée dans La Presse, le chroniqueur vedette a révélé bien plus que son impatience : il a exposé un mépris glacial envers toute une partie de la culture québécoise. Et il l’a fait avec une condescendance qui, dans un Québec fragilisé culturellement, ne passe tout simplement pas.

Dans sa chronique, Lagacé raconte être allé voir le spectacle d’un artiste qu’il affectionne. Mais avant d’y accéder, il a dû « subir » une première partie.

« S'il n'y avait pas de première partie, j'aimerais encore plus aller voir des shows. Mais il y a toujours des premières parties. »

Il va jusqu'à suggérer de « limiter à trois le nombre de chansons qui peuvent être jouées dans une première partie », ajoutant : « T'en joues quatre? Boum, t'es forcé d'aller enseigner la musique dans une polyvalente. »

Ces propos condescendants n'ont pas été acceptées par plusieurs artistes et techniciens, qui ont souligné l'importance des premières parties pour la découverte et la promotion de nouveaux talents. 

La réaction du milieu culturel a été immédiate, avec des dénonciations de la chronique par des musiciens, humoristes, producteurs et techniciens.

Ce mot, il le martèle. Il le méprise. Il s’en moque. Il explique que pour lui, payer pour un billet, c’est payer pour l’artiste principal. Point. 

La première partie? Une perte de temps. Un boulet. Un obstacle entre lui et le plaisir. Il va jusqu’à affirmer que ce système devrait être aboli ou, du moins, contourné.

C’est une déclaration d’un égoïsme troublant, mais surtout, d’une ignorance honteise du fonctionnement de l’industrie musicale.

 Les premières parties sont la bouée de sauvetage de dizaines, voire de centaines d’artistes émergents.C’est là qu’ils se forgent une scène. C’est là qu’ils apprennent à respirer avec un micro. C’est là qu’ils vivent ce que les subventions, les plateformes et les likes ne peuvent leur offrir : un vrai public.

Mais Patrick Lagacé, lui, s’en fiche. Ce n’est pas son problème. Ce n’est pas son combat. Lui, il a payé. Et il veut son produit. Rien de plus.

Une logique capitaliste, marchande, froide. Le genre de raisonnement qui, venant d’un animateur de radio matinale, passerait comme une opinion maladroite. 

Mais venant d’un chroniqueur de La Presse, un média massivement subventionné par les fonds publics, cela devient inadmissible.

Car La Presse, rappelons-le, vit en grande partie grâce à des subventions gouvernementales et aux dons des lecteurs.

Et dans ce contexte, voir l’un de ses chroniqueurs les plus en vue cracher sur la base même du tissu culturel québécois, c’est une gifle. C’est même un geste politique. Un rejet des artistes locaux, des marginaux, des jeunes, des premiers pas. Et ça ne passe pas.

La réaction du milieu culturel a été immédiate. Musiciens, humoristes, producteurs, techniciens : tous ont dénoncé la chronique.

Certains ont rappelé qu’ils avaient eux-mêmes percé grâce aux premières parties. D’autres ont souligné que sans ces opportunités, il n’y aurait tout simplement pas de relève.

Et face à cette tempête, Lagacé n’a pas reculé. Il a même publié une nouvelle chronique, une espèce de défense de sa propre crédibilité culturelle.

Mais plutôt que de faire preuve d’ouverture ou de recul, Lagacé a redoublé d’arrogance. Dans une chronique subséquente et sur ses réseaux, il a minimisé les critiques, qualifiant certains artistes de « susceptibles » ou d’« hystériques ».

Il a même sous-entendu que plusieurs ne comprenaient pas la nuance de ses propos. Or, ce ne sont pas de simples internautes qui l’ont interpellé. Ce sont des artistes établis, des auteurs-compositeurs, des techniciens de plateau, des régisseurs de tournée.

Certains ont confié avoir été bouleversés par le mépris de Lagacé, lui rappelant que les premières parties sont souvent la seule manière de se faire voir et entendre, faute d’espace médiatique.

Ce refus d’écouter a envenimé les choses. En quelques heures, La Presse s’est retrouvée au cœur d’une crise de crédibilité.

Des lettres ouvertes ont été envoyées à la rédaction. Des donateurs réguliers pourraient avoir intention de suspendre leurs contributions.

Des artistes pourraient commencer à boycotter les demandes d’entrevue du journal. À l’interne, même certains collègues journalistes auraient manifesté leur malaise. 

Lagacé, une fois de plus, est devenu le symbole d’un journal en décalage. Et cette fois, l’impact allait bien au-delà d’une simple controverse passagère. C’était un désaveu public. Une fracture entre La Presse et le cœur battant de la scène artistique québécoise.

Au lieu de s'excyser, Lagacé a annoncé, sa « mort culturelle ». Il dit qu’il n’ira plus à aucun show. Qu’il ne paiera plus jamais pour encourager des artistes qu’il n’a pas choisis.

Il se met en scène en martyr incompris, victime d’un monde trop émotif. Mais il oublie qu’il n’est pas la victime ici. Les victimes, ce sont celles et ceux qu’il a publiquement méprisés.

Cette saga arrive à un moment déjà très délicat pour Patrick Lagacé. Il sort tout juste d’une série de controverses majeures : la démission forcée du journaliste sportif Yanick Bouchard à la suite d’un message ignoble envoyé à Caroline Proulx, la saga MC Gilles, congédié après un conflit interne avec lui, la sortie de Pierre-Yves McSween, les tensions autour du refuse de travailler avec Louis Jean.

Dans chacune de ces situations, Lagacé a été perçu comme une figure centrale. Le gardien du temple. Le patron officieux. Celui qui approuve ou enterre. Et chaque fois, il semble du mauvais côté de l’histoire.

Mais cette fois, il s’attaque directement à la base. À l’essence même de la culture québécoise. Aux artistes. Aux salles. Aux travailleurs du spectacle. À ceux qui, déjà en survie, doivent maintenant lire qu’un chroniqueur subventionné trouve leur existence encombrante.

Et le plus ironique? C’est que Patrick Lagacé prétend parler au nom du public. Il se fait la voix de ceux qui en ont « marre » d’attendre. Qui veulent du service direct. Qui n’ont pas le temps pour le reste.

Mais ce qu’il oublie, c’est que le public, lui, ne méprise pas les premières parties. Il les découvre. Il les commente. Il les encourage. Il les suit sur les réseaux. Il achète leur t-shirt à la sortie. Il les fait grandir.

C’est ça, la culture. Ce n’est pas une transaction. Ce n’est pas un produit à déballer en deux clics. C’est un écosystème. Et oui, parfois, ça passe par 30 minutes d’un inconnu avec une guitare. Et c’est exactement ce qui fait sa richesse.

En signant cette chronique, Lagacé n’a pas simplement exprimé une opinion. Il a révélé un malaise plus large. Une élite médiatique déconnectée. Un regard hautain sur ceux qui créent sans millions, sans plateformes, sans réseaux. Une forme de snobisme à rebours : celui qui vient d’en haut, vers le bas.

Et il faut se poser une question : comment La Presse peut-elle continuer à justifier ses subventions publiques si elle laisse ses figures de proue tenir un tel discours? 

Comment un média qui se veut pilier du débat public peut-il aussi facilement rayer d’un trait toute une génération d’artistes, simplement parce qu’un chroniqueur s’est impatienté au théâtre?

Le Québec traverse une crise identitaire profonde. Sa culture, sa langue, ses artistes sont attaqués de toutes parts. Et voilà qu’un de ses porte-voix les plus puissants ajoute sa voix au chœur de ceux qui méprisent, rejettent, ignorent.

Il est temps que La Presse prenne acte. Que les excuses soient réelles. Que les rectifications ne soient pas déguisées en ironie. Que Patrick Lagacé cesse de jouer les victimes et reconnaisse la portée de ses mots.

Car au fond, ce n’est pas une première partie qui a ennuyé Patrick Lagacé. C’est le principe même de devoir partager l’attention. D’accepter que parfois, ce n’est pas uniquement pour lui. Et cette mentalité, dans une société solidaire et culturelle, n’a plus sa place.

La mort culturelle de Patrick Lagacé, s’il y en a une, il l’a lui-même provoquée. Pas à cause de la critique. Pas à cause de l’indignation. Mais parce qu’en méprisant les artistes qui débutent, il a tourné le dos à ce qui fait la beauté, la fragilité, et la grandeur du Québec.

Et ça, ni une salle vide ni une chronique de justification ne pourront jamais le réparer.