C’est une déclaration comme il s’en glisse parfois dans les tournois de golf estivaux. Un mot de trop, une formule imprécise, une opinion personnelle lancée à la volée.
Mais cette fois, ce sont plus que des paroles en l’air : c’est une faute stratégique. Et elle pourrait bien coûter très cher à Éric Raymond, entraîneur des gardiens du Canadien de Montréal.
Car les propos tenus jeudi à Joliette, dans le cadre de l’omnium de Dominique Ducharme, ont fait réagir. Fortement. Et pas n’importe qui. Le clan de Kaapo Kähkönen, le vétéran gardien finlandais fraîchement débarqué à Montréal est furieux. Très furieux.
À première vue, Raymond faisait simplement l’inventaire des gardiens sous sa supervision. Il a parlé de la belle profondeur devant le filet. Il a évoqué Montembeault comme numéro un, Dobes comme gardien prometteur, Fowler comme un joyau à polir… et Kähkönen ? Il l’a relégué en troisième roue... d'un ménage à trois...
« Avoir un vétéran comme ça qui arrive et qui est mature, je pense que c’est une bonne acquisition. Quand il a signé avec notre organisation, il savait ce qui pourrait arriver. »
Mais surtout, Raymond a osé dire que Jakub Dobeš était le gardien numéro deux du Canadien. Point à la ligne. Comme si le camp d’entraînement n’existait plus. Comme si Kähkönen était déjà assigné à Laval. Comme si tout était décidé d’avance.
Et c’est là que le clan Kähkönen a explosé.
Car ce n’est pas du tout ce qui avait été convenu avec Kent Hughes et Jeff Gorton lors des négociations.
Kähkönen n’a pas signé à Montréal à l’aveugle. Il n’a pas accepté un contrat d’un an et 1,1 million $ garanti pour jouer dans la Ligue américaine.
Ce qu’on lui a promis ? Une bataille ouverte et équitable pour le poste de gardien numéro deux, derrière Montembeault.
Et ça, dans le langage du hockey professionnel, ça veut dire : « Si tu performes au camp, tu montes. »
Pas : « Tu seras rétrogradé d’avance, peu importe ce que tu fais. »
Or, les propos de Raymond contredisent directement cette entente morale. Ils invalident le discours officiel. Et surtout, ils placent l’organisation dans une position très inconfortable.
Il n’aura pas fallu longtemps pour que l’état-major réagisse. La direction du Canadien n’aurait pas du tout apprécié la sortie publique de Raymond.
On murmure même que Kent Hughes était furieux en privé, voyant déjà les conséquences diplomatiques de ces déclarations dangereuses.
Jeff Gorton, qui gère le côté plus politique de l’organisation, aurait exigé que des explications soient fournies au camp Kähkönen dans les 24 heures.
Le vétéran finlandais et son agent auraient été directement contactés par des membres de la direction pour leur assurer que rien n’était joué, et que Raymond ne parlait pas au nom de l’organisation.
Mais le mal était fait.
Autre détail révélateur : personne du département des communications du Canadien n’a tenté d’éteindre le feu. Aucune rectification. Aucun suivi. Aucune clarification officielle.
Pourquoi ? Parce que Chantal Machabée, la directrice des communications du CH, est en vacances. Et sans elle, le navire "shake en maudit".
Chantal est, sans exagération, l’une des pierres angulaires silencieuces les plus précieuces de l’organisation du Canadien de Montréal.
Depuis son arrivée comme vice-présidente aux communications, elle guide avec une précision chirurgicale les joueurs et les entraîneurs dans un marché où chaque mot peut devenir un incendie.
Elle prépare les jeunes recrues, les entraîneurs comme les vétérans, anticipe les tempêtes médiatiques, recadre avec doigté, protège sans censurer, et transforme chaque point de presse en message maîtrisé.
Quand elle est là, tout est fluide, cohérent, bien huilé. Mais dès qu’elle prend congé, on voit les premiers dérapages verbaux, les messages contradictoires, les tensions inutiles.
C’est la preuve que Chantal est plus qu’une communicatrice : c’est une stratège, une alliée, une gardienne de la parole, et surtout, une des meilleures acquisitions du CH depuis des années.
En son absence, personne n’a pris la peine de cadrer les propos de Raymond, de baliser les messages à l’externe ou de protéger les lignes sensibles de l’organisation.
Résultat ? Une déclaration maladroite s’est transformée en affront diplomatique, menaçant l’équilibre fragile du camp des gardiens.
Kaapo Kähkönen, rappelons-le, n’est pas un figurant. Il compte 140 matchs d’expérience dans la LNH. Il a joué pour les Sharks, le Wild, les Devils. Il a vu des hauts, des bas, mais il sait ce que c’est que d’être un professionnel.
Il n’est pas venu à Montréal pour encadrer Jacob Fowler à Laval. Il est venu pour se battre. Pour avoir sa chance.
Le contrat qu’il a signé est à un seul volet. Cela signifie que son salaire est garanti, qu’il soit dans la LNH ou dans la LAH. Mais cela signifie aussi qu’il devra passer par le ballottage s’il est rétrogradé à Laval.
Et là, un risque majeur surgit : s’il performe bien au camp… mais que Raymond impose quand même Dobes, le CH pourrait le perdre gratuitement.
Il suffit qu’une équipe perde un gardien en camp, et Kähkönen pourrait être réclamé. Et le CH, qui manque déjà de constance devant le filet, pourrait perdre un vétéran de la LNH pour rien.
Tout ça parce qu’un entraîneur des gardiens a parlé trop tôt.
Dobes en danger ? Une évaluation biaisée ?
Ajoutons à cela une autre inquiétude qui commence à germer : est-ce que Jakub Dobeš est jugé objectivement ? Ou est-ce que Raymond favorise son poulain ?
Dobes a été encensé par Raymond à plusieurs reprises. On a parlé de progression, de résilience, de maturité. On a vanté sa performance dans les séries. Mais personne ne semble vouloir parler de ses failles : sa technique parfois décousue, ses séquences d’effondrement, son jeu de jambes encore lent.
Et surtout : le fait qu’il ne doive pas passer par le ballottage s'il "choke" le camp et on l'envoie à Laval.
La situation actuelle est explosive. Le camp d’entraînement approche. Et déjà, les lignes de fracture sont visibles.
D’un côté, Raymond s’enlise dans ses préférences. De l’autre, Kähkönen veut sa chance. Et au-dessus de tout ça, une direction qui essaie de sauver la face après une communication catastrophique.
Tout indique que le camp sera scruté à la loupe. La moindre performance, le moindre arrêt, la moindre erreur… tout comptera. Et cette fois, la pression sera immense. Non seulement sur les gardiens, mais surtout sur Raymond lui-même.
Parce que si Kähkönen est dominant, si Dobes trébuche, et si Raymond maintient quand même son choix… c’est lui qui portera l’odieux d’un favoritisme destructeur.
Il ne faut pas sous-estimer la gravité de cette situation. Le Canadien a vécu, ces dernières années, une instabilité chronique devant le filet. L’ajout de Kähkönen visait à apporter de l’expérience, de la stabilité. Il devait être un pilier temporaire.
Mais aujourd’hui, à cause d’une déclaration maladroite, tout le plan tremble.
Et si Raymond continue de faire cavalier seul, s’il persiste à orienter les décisions de l’organisation sur la place publique, il se pourrait très bien que Kent Hughes décide que lui est devenu le problème.
Après tout, les entraîneurs, eux, ne passent pas par le ballottage.
Il reste quelques semaines avant le début du camp. Quelques semaines pour recoller les morceaux, réparer les ponts, et espérer que la performance primera sur la rhétorique.
Mais le mal est fait. Le clan Kähkönen a été piqué au vif. La direction a été forcée de désamorcer une crise interne. Et le public, lui, a maintenant les yeux rivés sur une lutte qui ne devait jamais être tranchée d’avance.
Le message est clair : si Éric Raymond ne rectifie pas le tir, s’il ne laisse pas le hockey parler, il pourrait bien avoir lancé lui-même le dernier chapitre de son mandat à Montréal.
Et dans les coulisses, un certain Carey Price, lui, écoute. Il observe. Et il attend.
L’ancien gardien vedette du Tricolore est toujours sous contrat avec l’organisation. Ce que peu de gens savent, c’est qu’il a déjà reçu une offre de Kent Hughes pour se joindre à l’organisation, dans un rôle de développement ou d’entraîneur des gardiens.
Price l’a confirmé lui-même :
« Ils m’ont demandé si une place d’entraîneur ou un rôle dans le développement des joueurs est quelque chose qui pourrait m’intéresser. Peut-être éventuellement, mais pour l’instant, j’ai des enfants en bas âge. »
Officiellement, il refuse par priorité familiale.
Mais en coulisses, la vraie raison est ailleurs.
Carey Price ne peut pas accepter un rôle officiel dans l’organisation tant que son contrat n’est pas terminé, sans mettre en péril les millions encore à toucher. En date d’aujourd’hui, il reste :
5,5 M$ de bonus à verser le 1er septembre 2025.
2 M$ de salaire de base en 2025-26.
Soit 7,5 millions de dollars restants sur un contrat qui expire à l’été 2026.
Et personne, pas même une légende, ne renonce à 9,5 millions.
Mais tout le monde le sait : dès que ce contrat sera écoulé, Carey Price entrera officiellement dans l’organisation du Canadien. Et pas comme ambassadeur. Pas comme consultant. Comme entraîneur des gardiens.
Et ce jour-là, Éric Raymond sera remercié.
C'est écrit dans le ciel...