Ce n’est pas un hasard si Kent Hughes a choisi de prononcer ces mots à ce moment précis. En pleine séquence victorieuse du Canadien, le directeur général a voulu, d’un ton posé mais calculé, remettre les pendules à l’heure.
« Tu sais, à date, on n’a pas toujours pris la meilleure décision, » a-t-il confié au Journal de Montréal, sûrement en voulant parler de la transaction d'Artturi Lehkonen pour Justin Barron et un choix de 2e ronde ou de Kirby Dach pour le 13e choix au total des Blackhawks (Frank Nazar).
« Mais il ne faut pas avoir peur de faire des erreurs. Par contre, il ne faut pas commettre l’erreur d’isoler les transactions lorsqu’on les analyse. »
Derrière cette phrase apparemment neutre, Hughes a glissé une ouverture. Et surtout, une confirmation évidente : le Canadien est prêt à bouger.
Le dossier Reinbacher refait surface.
Depuis que Renaud Lavoie a affirmé à TVA Sports que David Reinbacher pourrait être sacrifié si Sidney Crosby devenait disponible, le nom du défenseur autrichien circule de nouveau dans les bureaux de la LNH. Et ce n’est pas un hasard.
Hughes a eu toutes les occasions du monde de démentir. Il ne l’a pas fait.
Il aurait pu dire : “Non, Reinbacher n’est pas sur le marché.”
Il aurait pu dire : “Nous croyons en lui, il n’est pas question de l’échanger.”
Mais il a préféré affirmer... qu'il était prêt à surpayer pour un 2e centre. Wow.
Tout fait partie d’un plan global... la Coupe Stanley.
Et dans ce plan, certaines pièces peuvent sauter si cela permet à l’ensemble d’avancer.
Le cas Reinbacher est devenu un symbole à Montréal.
Un cinquième choix au total, promis à un rôle de pilier, mais miné par les blessures. Depuis son repêchage en 2023, il n’a presque pas joué.
Déchirure du genou, fracture à la main, rechutes, retards de guérison. Cinq semaines d’absence alors qu’on annonçait quatre pour sa blessure à la main. Aucune mise à jour officielle.
Ce qui devait être un simple contretemps devient un malaise.
Et les dirigeants le savent : dans une ligue où la disponibilité compte autant que le talent, un jeune blessé perd vite sa valeur. Surtout quand d’autres espoirs, comme Michael Hage, explosent.
Si Reinbacher est sur la sellette, Michael Hage, lui, ne l’est pas.
Hughes et Gorton le voient comme le prototype du futur Canadien : rapide, structuré, intelligent, et parfaitement compatible avec le système de Martin St-Louis.
Hage, c’est le joueur qu’on ne donne pas. Même pas pour Crosby.
Il représente l’avenir du club au centre, un pont entre les générations Demidov, Bolduc et Suzuki.
Hughes l’a répété : il ne croit pas en la logique du « gros coup » sans réflexion. Mais il croit en l’idée de surpayer au bon moment, pour le bon joueur.
Et dans cette logique, Crosby est le seul joueur pour lequel il irait trop loin.
La phrase a été lâchée sans détour.
« Au moment opportun, on va surpayer pour obtenir un joueur, » a admis Hughes.
« À ce moment-là, on aura peut-être l’air d’avoir perdu la transaction, mais nous, on va la voir différemment. »
Un aveu d’une franchise rare dans le monde "plate" des directeurs généraux.
Car dire ça publiquement, c’est envoyer un message à la LNH : Montréal est prêt à payer.
Et quand il ajoute, dans le même souffle, que « tout ce qui compte, c’est où on s’en va comme équipe », difficile de ne pas entendre entre les lignes une allusion directe à Sidney Crosby.
Hughes sait exactement ce qu’il fait. Il prépare les partisans à une transaction majeure. Il ajuste les attentes.
« Je vois souvent les gens dire qu’on n’a pas réussi à aller chercher un deuxième centre. Je ne le vois pas de cette manière. On sait qu’on veut améliorer notre deuxième trio, mais on n’a pas dit qu’on voulait absolument le faire à l’été 2025. »
Cette phrase est essentielle. Elle signifie deux choses :
Le dossier du deuxième centre reste ouvert.
Le CH est prêt à attendre le bon moment… même si ce moment coûte cher.
Et quand il parle du bon moment, tout le monde comprend de qui il parle : Sidney Crosby.
Les Canadiens de Montréal sont 7-3. Les Penguins de Pittsburgh sont 6-2-1.
Tant que Pittsburgh gagne, Crosby reste.
Mais la LNH est une longue saison. Les dynamiques changent vite. Et quand viendra le moment où les Penguins devront choisir entre reconstruire et s’accrocher, Crosby aura le dernier mot.
Pierre LeBrun l’a dit : « Le seul humain qui décide du sort de Sidney Crosby, c’est Sidney Crosby. »
Et si jamais il décidait de partir, tout le monde sait qu’il ne partirait que pour Montréal.
C’est là que la logique de Hughes prend tout son sens.
Il ne surpayera pas pour Pavel Zacha.
Il ne sacrifiera rien de gros pour Nazem Kadri.
Mais pour Sidney Crosby, il bougera les montagnes.
Et s’il faut que David Reinbacher devienne la pièce maîtresse d’un package pour le capitaine des Penguins, il le fera sans hésiter.
C’est le dilemme du moment : comment bâtir pour le futur sans rater le présent ?
Hughes le sait, le public le sent : le Canadien n’est plus une équipe en reconstruction. Il est à une transaction près de devenir un prétendant.
Et parfois, pour atteindre ce niveau, il faut accepter de « surpayer. »
En refusant de démentir l’information de Renaud Lavoie, Kent Hughes a, en réalité, confirmé deux choses :
Reinbacher n’est plus intouchable.
Le rêve Crosby demeure bien réel.
À travers son calme habituel, Hughes vient peut-être d’envoyer le signal le plus fort de son mandat.
Il a ouvert la porte à une transaction majeure, tout en préservant son image de stratège patient et en montrant qu’il est prêt à sacrifier ce qu’il faut pour gagner.
Et surtout, il a rappelé que le hockey moderne n’est pas une science morale : c’est une science du moment.
À Montréal, le moment semble de plus en plus proche.
Alors oui, Reinbacher pourrait bien finir à Pittsburgh.
Et si c’est le prix pour que Sidney Crosby termine sa carrière là où son cœur l’a toujours voulu, Kent Hughes sera prêt à payer.
