Il y a des entraîneurs qui apprennent de leurs erreurs. Qui lisent le jeu. Qui sentent les vents tourner et ajustent leurs voiles. Et il y a Travis Green.
Deux raclées en 48 heures. Douze buts contre. Un seul pour. Et pourtant, l’entraîneur des Sénateurs d’Ottawa fonce tête baissée vers une troisième guerre.
Samedi soir, au Centre Bell, il promet une autre boucherie. Pas avec ses meilleurs soldats. Pas avec ses meilleurs espoirs. Mais avec les mêmes goons incompétents, les mêmes cabochons qui se font traverser à chaque présence.
Parce que Travis Green, manifestement, ne comprend rien.
Mardi, à Québec, il a tenté de muscler son alignement contre le Canadien. Il a envoyé Hayden Hodgson, Donovan Sebrango, Jan Jenik et une poignée de joueurs marginaux censés faire peur.
Ce sont eux qui ont fini dans le sang. Ce sont eux qui se sont fait démolir. Jenik a mangé un KO en plein visage. Sebrango s’est ridiculisé en frappant un Kirby Dach à terre, avant de disparaître sous une avalanche de critiques. Quant à Hodgson, il a enchaîné les coups salauds, et n’a rien prouvé.
Résultat ? 5-0 Montréal.
Et au lieu de calmer le jeu, Travis Green a répondu à l’humiliation par une escalade. Pour le match suivant, jeudi soir à St. Louis, il a rappelé d’autres jambons de Belleville, des joueurs sans avenir, mais supposément capables de donner le ton.
Des gars qui ne savent ni défendre, ni patiner, ni créer de jeu. Des gars qui devraient être dans la ECHL. Résultat ? 7-1 Blues. Une autre gifle. Douze buts concédés en deux soirs. Et le sentiment grandissant que cette équipe-là ne sait pas où elle s’en va.
Mais au lieu de faire son mea culpa, Green a enfoncé le clou.
Dans un aveu surréaliste, Travis Green a déclaré que son équipe « se faisait manger physiquement depuis le début du camp ».
Une déclaration qui donne des frissons dans le dos. Parce que justement, c’est pour éviter ce genre de situation qu’il a rempli son alignement de cogneurs. Et voilà qu’il reconnaît, du bout des lèvres, qu’ils n’ont rien protégé. Qu’ils n’ont rien imposé. Qu’ils se sont fait passer dessus.
Et qu’est-ce qu’il fait, face à ce constat ? Rien. Pire : il prépare la suite. Il envoie un message clair à ses troupiers : préparez-vous à une autre foire. Un autre règlement de comptes. Une autre soirée où vos poings seront plus utiles que vos bâtons.
On dirait un coach digne de Slap Shot. Un entraîneur qui allume l’incendie, puis reproche aux flammes de brûler trop fort.
À ce stade, ce n’est plus une simple question de stratégie. C’est une crise de leadership. Travis Green dirige une équipe qui n’a plus de repères. Qui joue mal. Qui se fait frapper. Qui perd.
Et au lieu de recentrer le groupe, de bâtir une identité autour du jeu, de la vitesse, de l’intelligence tactique… il creuse sa tombe à coups de gants jetés.
Quand un entraîneur voit ses joueurs se faire démolir dans deux matchs consécutifs, et qu’il conclut que le problème, c’est qu’ils ne sont pas encore assez violents, c’est qu’il a perdu toute lucidité.
Travis Green ne remet rien en question. Il ne cherche pas à calmer le jeu. Il ne veut pas apaiser les tensions. Il réclame plus de coups, plus de mises en échec, plus de bagarres.
Son aveu, livré après la dégelée contre les Blues, est clair comme de l'eau de roche : selon lui, son équipe se fait manger physiquement… et sa solution, c’est d’accélérer la guerre, pas de la freiner.
Ce n’est pas une erreur de lecture, c’est une volonté assumée de transformer le Centre Bell en ring de boxe. Et ceux qui hésitent à y aller à fond, il les écarte.
Ceux qui veulent jouer au hockey, il les ignore. Pour Travis Green, la seule voie vers la victoire, c’est la brutalité. Même si elle les mène à l’humiliation.
On a beau critiquer les jeunes des Sens, mais quelle chance leur donne-t-on vraiment ? Quand Sebrango doit se battre pour mériter un poste, quand Hodgson est jugé non pas sur son efficacité en repli mais sur sa capacité à décocher un double échec, c’est que la culture est pourrie à la base.
Et parlons-en de cette culture.
Nick Cousins, après avoir ciblé Ivan Demidov d’un coup lâche, s’est empressé de rendre son compte Instagram privé. Quelle belle preuve de courage.
Une équipe qui prétend jouer les durs, mais dont les leaders fuient les critiques comme des adolescents apeurés. Même leurs partisans ne suivent plus.
On entend les ricanements dans les estrades de la Place TD. Les joueurs sont hués. Les médias posent des questions sérieuses. Et Green, lui, répète qu’il veut voir si « ces gars-là peuvent se contrôler ».
C’est presque comique.
Quand tu rappelles des gars justement pour ne pas se contrôler, faut pas ensuite jouer les surpris si ça vire en foire. Travis Green agit comme un père qui donne des allumettes à son enfant et s’étonne de voir la maison brûler.
Et samedi, on va droit vers une autre explosion.
Les Canadiens n’ont pas oublié. Arber Xhekaj l’a dit :
« Nous allons nous rappeler de certains coups salauds. »
Kirby Dach, humilié par Sebrango, n’a pas encore encaissé cette trahison. Ivan Demidov, ciblé par Cousins une fois que le shérif avait été expulsé, attend son tour pour répondre. Jayden Struble, qui a démoli Jenik, pourrait bien remettre ça.
Et Ottawa, plutôt que de calmer le jeu, envoie le signal inverse. Rappel massif. Absence de remords. Déclarations ambiguës. Et un entraîneur qui, au lieu d’assumer la dérive, la justifie.
On ne peut pas appeler ça du hockey. On appelle ça du sabotage.
Travis Green n’est pas un débutant. Il a coaché à Vancouver. Il a vu des guerres. Il connaît les conséquences d’un camp de misère.
Et pourtant, il alimente le feu. Il se plaint que son équipe se fait manger physiquement, mais il continue d’aligner des poids morts.
Il parle de discipline, mais refuse de suspendre ou critiquer ses joueurs les plus violents. Il fait mine de vouloir une évaluation honnête de ses effectifs, alors que son plan est déjà écrit : intimidation, chaos, et guerre de tranchées.
Ce n’est pas du coaching. C’est du théâtre.
Et le plus triste, c’est que ses joueurs vont le payer. Pas lui. Lui, il va se tenir derrière le banc avec les bras croisés pendant qu’un autre Jenik s’écrase la tête sur la glace. Pendant qu’un autre Sebrango se fait ramasser en coin. Pendant qu’un autre Cousins fuit les caméras.
Samedi soir, au Centre Bell, ce ne sera pas un match de hockey. CE sera une autre foire.
Et si Travis Green ne change rien, ce sera peut-être aussi le premier clou dans son cercueil d’entraîneur-chef. Parce qu’un DG peut accepter des défaites. Mais il ne peut pas tolérer qu’on perde la face. Et les Sénateurs, en ce moment, perdent tout.
Leur style. Leur identité. Leur crédibilité.
Et pendant ce temps, Travis Green continue de chialer sur la dimension physique de la Ligue nationale… tout en alignant des bouchers.
Ironie ? Non. Ignorance.
Et elle coûte cher.