Il y a des nouvelles qui ne font pas la une, mais qui font battre le cœur d’un peuple.
Cette semaine, c’est toute une province qui a poussé un soupir de soulagement en apprenant que Chantal Machabée, vice-présidente des communications hockey du Canadien de Montréal, se remet bien de sa grave blessure au genou et sera bientôt de retour à son poste.
Pour certains, ce n’est qu’un retour administratif. Pour ceux qui savent, c’est le retour d’une présence maternelle, d’un pilier invisible, d’un symbole de droiture et de lumière au sein de l’organisation la plus scrutée du pays.
Un retour primordial après un départ inquiétant.
Chantal, c’est la femme forte derrière les rideaux. Celle qui, depuis janvier 2022, incarne la stabilité, l’écoute, la compassion dans un environnement où la pression est étouffante, où chaque mot peut devenir une arme, et où les jeunes joueurs doivent souvent affronter les caméras avant même d’avoir affronté la vie.
Et quand elle tombe, c’est tout le vestiaire qui chancelle. Et quand elle se relève, c’est tout un peuple qui respire mieux.
Le cauchemar a commencé le 10 janvier dernier. Le Canadien était en déplacement à Washington. Dehors, une rare tempête de neige s’abattait sur la capitale américaine.
Fidèle à son habitude, Chantal accompagnait l’équipe, présente, engagée, disponible. Et puis, une chute. Violente. Traîtresse. Des tendons déchirés. Une douleur brutale.
Elle tente malgré tout de poursuivre, se rend jusqu’en Utah, même au moment où le jeune Emil Heineman est happé par une voiture. Mais très vite, la réalité la rattrape : elle ne peut plus marcher. L’opération devient inévitable.
Elle disparaît alors du radar public. Pas d’annonce formelle. Pas de communiqué triste. Pas de drame inutile. Chantal Machabée fait ce qu’elle a toujours fait : elle s’efface pour laisser la lumière aux autres.
Elle souffre en silence. Elle se tait pour ne pas déranger l’équipe en pleine reconstruction. Elle cache sa douleur pour ne pas voler un mot à ses joueurs. Voilà toute sa grandeur.
Mais voilà que plusieurs mois plus tard, le ton change. Un partisan inquiet lui écrit directement pour prendre de ses nouvelles. Et elle lui répond, avec la gentillesse qu’on lui connaît :
« Bonjour Denis, je vais mieux, je progresse de jour en jour mais je ne suis pas encore à 100 %. J’espère retourner au travail très bientôt. Merci pour vos bons mots ! »
Quelques jours plus tard, c’est en direct du club de golf Le Manoir Richelieu qu’elle publie une photo qui fait du bien :
« Ma première ronde de golf de la saison ! La guérison va bien ! »
Et là, tout le monde comprend : elle revient.
C’est un symbole lourd de sens. Parce qu’au-delà de la santé d’une femme qu’on admire, ce retour signifie le rétablissement d’un équilibre fragile, d’une structure humaine dans une organisation où l’émotion est souvent étouffée par la performance.
Durant son absence, les joueurs l’ont appelée, régulièrement. Pas par obligation. Pas pour l’image. Parce qu’ils l’aiment.
Parce qu’elle est plus qu’une directrice des communications. Parce qu’elle est leur maman. Celle qui console, qui protège, qui comprend. Celle qui prend les coups quand la tempête médiatique se lève.
Parlez-en à Cole Caufield. Quand un incident tendu survient entre lui et un journaliste (Guillaume Lefrançois) lors d’un point de presse, c’est Chantal Machabée qui intervient, qui apaise, qui redresse l’histoire. Sur les réseaux sociaux, elle écrit noir sur blanc :
« Vous le trouvez marabout ? Il ne l’était pas du tout pourtant. Guillaume et Cole ont même jasé ensemble après ce segment et tout était beau ! »
Parlez-en à Juraj Slafkovsky. Quand les rumeurs salissent son nom, insinuant qu’il fait trop souvent la fête, c’est encore Chantal qui nous écrit directement, en pleine convalescence, pour défendre son jeune protégé, comme une lionne. Elle ne laisse jamais passer une injustice. Elle ne permet pas qu’on abîme la réputation de « ses gars ».
Et même clouée par la douleur, elle agit. Quand une certaine Lucie Lachance, fan endeuillée, souhaite remettre à Brendan Gallagher un chandail signé par sa défunte mère, c’est encore Chantal, affaiblie, qui organise le tout. Qui appelle. Qui coordonne. Qui permet à ce moment profondément humain d’avoir lieu.
Parce que c’est ça, son ADN : l’humain d’abord.
Son retour ne pouvait pas mieux tomber. Parce que les défis qui l’attendent sont immenses. Et différents.
D’abord, le défi médiatique. Le Canadien est passé de projet de reconstruction à prétendant potentiel aux grands honneurs.
Les attentes montent. Les rumeurs reprennent. La pression revient, plus vive, plus constante. Le discours ne sera plus indulgent.
La franchise doit maintenant assumer ses ambitions. Et chaque mot, chaque entrevue, chaque déclaration aura une portée amplifiée. C’est Chantal qui devra gérer ça.
Ensuite, le défi numérique, peut-être le plus inquiétant. Depuis quelques semaines, le web est devenu une zone de guerre. Des centaines de fausses publications circulent, illustrées par des images générées par intelligence artificielle.
Des montages crédibles. Des citations fabriquées. Des gestes de charité imaginaires. Lane Hutson aurait versé 2 millions à des organismes. Nick Suzuki aurait donné son salaire aux sans-abri. Martin St-Louis aurait rénové un château pour en faire un refuge. Tout est faux.
Ces publications sont diffusées depuis de faux comptes Facebook. Elles redirigent vers des sites frauduleux, hébergés à l’étranger.
Elles exploitent la naïveté, la bonté des fans. Et elles font des ravages. Des milliers de partages. Des commentaires pleins d’admiration, pour des gestes qui n’ont jamais eu lieu. Le tout s’accélère. Et le pire est à venir.
Demain, ce ne seront plus des montages photo. Ce seront des vidéos truquées. Des clips où l’on verra des joueurs du CH dire des choses qu’ils n’ont jamais dites. Commettre des gestes qu’ils n’ont jamais faits. L’intelligence artificielle va générer des controverses, des scandales. Et c’est Chantal qui devra tout gérer.
Dans un article glaçant de la presse, le journaliste Alexandre Pratt a révélé comment ces malfaiteurs se cachent derrière des pare-feux numériques.
Les sites sont hébergés en Islande, dans des bâtiments absurdes comme… le Musée du phallus. Grâce à des entreprises comme Withheld for Privacy, leur identité est presque impossible à retracer.
Le New York Times parle de dizaines de milliers de sites liés à ces adresses. Le Wall Street Journal va plus loin : Facebook est désormais une “pierre angulaire de la fraude sur internet”.
Et pendant ce temps, Meta a cessé de faire vérifier les faits. Il n’y a plus de garde-fous. Les publications mensongères pullulent. Et les vrais journalistes, eux, sont censurés. C’est le monde à l’envers. Et c’est à Chantal Machabée qu’on demande de remettre de l’ordre dans ce chaos.
Enfin, il y a le défi humain. Le plus invisible. Le plus épuisant. Le plus lourd.
Le retour de Chantal ne sera pas qu’un retour au bureau. Ce sera un retour en terrain "shaky". Elle arrive dans un monde changé. Plus cynique. Plus rapide. Plus violent.
Les réseaux sociaux sont devenus des arènes. Chaque mot peut être détourné. Chaque geste peut être trahi. Les journalistes, les joueurs, les dirigeants, tous sont exposés, jugés, condamnés en quelques clics.
Elle devra rétablir des ponts. Rétablir la confiance. Rétablir le lien humain entre l’équipe et sa base. Et elle devra le faire avec son style à elle : discret, empathique, profond.
Mais s’il y a une personne qui peut relever ce défi, c’est elle.
Parce qu’elle a traversé la douleur physique, la solitude de la rééducation, le silence des absences. Parce qu’elle a prouvé qu’elle ne lâche jamais. Parce qu’elle a toujours été là pour les autres. Aujourd’hui, c’est à notre tour d’être là pour elle.
Avec son retour imminent, ce n’est pas juste une employée qui revient. C’est l’âme d’un club. C’est la voix douce de la raison. C’est le cœur de cette famille. Et ce cœur bat de nouveau. Pour nous tous.
Alors oui, Chantal, tu n’es peut-être pas encore à 100 %. Mais pour nous, tu es déjà revenue. Et on t’attend. Avec le cœur grand ouvert.