Il y a des silences plus bruyants que n’importe quel coup de canon. Et en ce moment, David Reinbacher traverse l’un de ces silences brutaux, étouffants, insupportables.
Alors que toute la ville de Montréal s’emballe à l’idée de voir Noah Dobson débarquer en renfort, une vérité cruel s’impose : tout le monde sait que si Dobson arrive, Reinbacher part.
Et lui aussi le sait.
Le Canadien de Montréal a littéralement tout essayé. Kent Hughes a proposé Logan Mailloux et les choix 16 et 17. Il a ajouté Owen Beck dans certaines discussions.
Rien n’y fait. Mathieu Darche refuse de céder Noah Dobson pour un package qui ne comprend pas une valeur centrale, élite, et défensive.
Il veut un jeune défenseur droitier.
Et même si des rumeurs circulent selon lesquelles le CH aurait tenté de glisser le nom de Michael Hage dans certaines versions (ce qui n'a pas été confirmé par aucune source), rien n’a convaincu les Islanders.
Darche n’est pas naïf. Il n’est pas là pour accumuler des espoirs secondaires. Il cherche le bon profil. Et il l’a identifié.
Parce que dans l’esprit de Darche, tout tourne autour de Matthew Schaefer. Le jeune prodige, qu'il sélectionnera premier au total demain soir, est déjà "NHL-ready".
Et ce que les Islanders veulent, c’est un défenseur droitier complémentaire pour bâtir la prochaine grande paire à Long Island.
Ils ne veulent pas d’un centre. Ils ne veulent pas d’un ailier. Ils veulent un David Reinbacher. Son nom revient partout.
C’est le seul jeune défenseur droitier dans la LNH qui possède ce style défensif fiable, robuste, rapide, avec une bonne première passe et un gabarit parfait pour jouer avec Schaefer. C’est simple : si le CH veut Dobson, c’est Reinbacher… ou rien.
À peine un an après avoir été repêché 5e au total, après avoir surmonté une saison marquée par les blessures, les douleurs au genou, les critiques hâtives et les attentes écrasantes, voilà que son nom circule partout comme la monnaie d’échange numéro un.
On ne parle plus de lui comme d’un leader de l’avenir. On parle de lui comme d’un « atout ». Un pion. Une variable dans une équation qui ne dépend plus de lui.
Il doit lire les rumeurs. Il doit entendre les noms. Il doit voir les partisans s’exciter pour Dobson, tout en acceptant son départ comme une formalité. Comme si c’était déjà fait. Comme si Reinbacher ne méritait même plus de débat.
Et pourtant, il n’a rien fait de mal. Il s’est relevé d’une blessure sérieuse. Il a livré une série admirable avec Laval. Il a progressé dans l’adversité. Mais aujourd’hui, ce n’est pas sa progression qui compte. C’est sa valeur perçue.
Parce qu’en ce moment, Noah Dobson est devenu l’obsession absolue à Montréal. Le défenseur droitier élite. Le quart-arrière du "power play". Le sauveur.
Et dans cette histoire, Reinbacher est devenu le prix à payer.
Certains fans se disent même soulagés à l’idée de l’échanger. D’autres l’écartent sans une once d’émotion. Mais dans le vestiaire, ce genre de choses se ressent. Dans la peau d’un jeune joueur, ça laisse des marques.
Et ce n’est pas TVA Sports ni les rumeurs de TSN qui souffrent. C’est David Reinbacher.
Il sait qu’il est sur la corde raide. Son rêve montréalais prendra fin avant même d’avoir commencé.
Et ce n’est pas rien.
C’est une chose d’être échangé après cinq saisons.
C’en est une autre d’être sacrifié avant même sa première vraie chance.
Le jeune Autrichien ne le dira pas publiquement. Il ne s’effondrera pas devant les caméras. Mais il vit un moment déchirant.
Parce qu’en ce moment, Noah Dobson, avec ses demandes salariales de 10 à 11 millions $, attire tous les projecteurs. Et dans son ombre, David Reinbacher encaisse. Seul.
S’il reste, il saura qu’il a été mis sur le marché.
S’il part, il saura qu’il n’a jamais vraiment eu sa place.
Et quoi qu’il arrive, c’est un cœur de 20 ans qui vit l’un des épisodes les plus douloureux de sa jeune carrière.
Le hockey est un sport d’hommes. Mais parfois, il oublie les humains.
Ce que Reinbacher a vécu depuis son arrivée à Montréal, peu de jeunes recrues auraient pu le supporter.
Repêché au cinquième rang dans une ville qui réclamait Matvei Michkov, il a été accueilli non pas avec des encouragements, mais avec des tomates.
Non pas avec des bras ouverts, mais avec des comparaisons sans pitié. Jusqu'au point où il a reçu des menaces physique le visant lui et sa famille.
Chaque fois que Michkov marquait, c’est Reinbacher qui encaissait le contrecoup. Silencieux. Digne. Mais meurtri à l'intérieur.
Et puis est venu ce maudit genou. Ce genou qui a flanché au camp. Ce genou qui l’a privé de toute stabilité. De tout élan.
Ce genou qui l’a envoyé dans un protocole interminable, que le Canadien refusait même d’expliquer. Chaque semaine, les médias demandaient des nouvelles. Chaque fois, le CH servait les mêmes phrases vides.
Et pendant ce temps, le jeune Autrichien passait ses journées chez le physiothérapeute, sans savoir s’il allait pouvoir rejouer avant la fin de la saison.
Quand il est revenu, ce n’était pas pour briller. C’était pour survivre. Il devait réapprendre à faire confiance à sa jambe. Réapprendre à pivoter, à plaquer, à patiner sans douleur.
Dans l’ombre, il y avait sa famille, qui a tout quitté pour l’aider. Dans l’ombre, il y avait la solitude d’un jeune de 20 ans, en terre étrangère, blessé physiquement… et émotionnellement.
Alors oui, peut-être qu’au fond, ce ne serait pas la pire chose que de voir David Reinbacher partir. Partir pour une organisation comme les Islanders, où il serait encadré par Patrick Roy, un entraîneur qui connaît la pression montréalaise comme personne.
Un entraîneur qui sait protéger ses jeunes. Un environnement sans le fantôme de Michkov, sans les médias francophones, sans les soupirs des partisans qui attendaient un sauveur russe.
Peut-être qu’à Long Island, on verrait enfin le vrai Reinbacher. Celui que les recruteurs ont vu en Suisse. Celui qui jouait avec cœur et calme. Celui qui ne craignait pas d’aller dans les coins. Celui qui ne portait pas le poids d’un repêchage controversé sur ses épaules. Celui qui n’était pas traité comme un patient permanent, mais comme un espoir de premier plan.
Il mérite ça. Il mérite un environnement où il ne sera pas vu comme le symbole d’un mauvais choix, mais comme un joueur en développement.
Il mérite un club qui croira en lui pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il n’est pas. Parce qu’en ce moment, à Montréal, il n’est ni Michkov, ni Dobson, ni Guhle. Et ça, c’est devenu son fardeau personnel.
Et qui sait? Peut-être qu’un jour, Montréal regrettera de l’avoir sacrifié. Peut-être qu’on verra Reinbacher former l’une des meilleures paires défensives de la LNH avec Schaefer.
Peut-être que Patrick Roy fera de lui un mur infranchissable.
En attendant, nos pensées accompagnent sincèrement David Reinbacher et sa famille dans ce moment d’une rare intensité émotionnelle.
L’incertitude, les rumeurs, les spéculations incessantes, tout cela pèse lourd sur les épaules d’un jeune homme de 20 ans qui n’a jamais demandé à être au cœur d’un tourbillon médiatique.
Qu’il reste à Montréal ou qu’il parte vers une nouvelle destination, ce qui compte, c’est qu’il retrouve un environnement stable, sain et respectueux de son développement.
S’il demeure avec le Canadien, il aura l’occasion de prouver à tous qu’il mérite sa place, malgré les doutes. S’il est échangé, il pourra écrire un nouveau chapitre.
Peu importe l’issue, ce qui compte aujourd’hui, c’est le bien-être d’un jeune joueur, d’un jeune homme, et d’une famille qui vit avec lui chaque secousse de cette aventure.
Courage, David. Le vrai hockey commence maintenant.
Que ce soit à Montréal ou à Long Island.