Départ de Martin St-Louis: le destin frappe aussi François Legault

Départ de Martin St-Louis: le destin frappe aussi François Legault

Par David Garel le 2025-12-10

Il y a des moments, dans la vie publique comme dans le sport, où deux univers semblent se répondre comme s’ils partageaient la même chute.

À Montréal, alors que les défaites s’accumulent et que les humiliations sportives se superposent les unes par-dessus les autres, les rumeurs de congédiement autour de Martin St-Louis résonnent presque aussi fort que la déclaration sidérante de François Legault, qui a annoncé qu’il resterait en poste jusqu’aux élections d’octobre 2026.

Deux hommes qui s’accrochent, deux institutions qui s’effondrent, et un Québec qui observe, abasourdi, deux naufrages dont l’issue paraît déjà écrite.

Car tout le monde sait, même les stratèges les plus loyaux, que François Legault marche vers une débâcle électorale d’une ampleur historique.

L’idée même qu’il puisse conserver un seul député tient davantage du vœu pieux que d’un scénario réaliste. S’il reste jusqu’en octobre 2026, ce n’est pas parce qu’il croit à une résurrection politique. C’est parce qu’il n’a plus d’autre sortie honorable.

On le voit déjà préparer un dernier tour de piste, sans illusions, comme un joueur qui sait que son match est perdu mais qui refuse d’abandonner la glace avant le coup de sifflet final. C’est un suicide politique assumé, une trajectoire figée, presque résignée.

Et pendant que le premier ministre s’accroche à un pouvoir qui lui glisse entre les doigts, le Canadien de Montréal assiste à une autre forme d’effondrement, beaucoup plus bruyant, beaucoup plus visible.

Le système de Martin St-Louis, ce fameux principe d’« instincts » et d’« intentions » qui avait charmé le vestiaire et le public à son arrivée, s'écroule sous nos yeux.

Les dégelées s’empilent comme un calendrier de catastrophes à la maison : 5-1 contre les Kings, 7-0 contre Dallas, 8-4 contre Washington, 7-2 au Colorado, 6-1 contre Tampa Bay… Un club qui encaissait jadis des défaites honorables est devenu une équipe qui implose dès que le vent tourne.

Et ce qui choque le plus, ce n’est plus seulement la manière de perdre.

C’est la manière d’expliquer la défaite.

Chaque soir, Martin St-Louis arrive en conférence de presse comme un homme à court d’oxygène, répétant, malgré l’évidence, que son équipe « a connu un bon début », qu’« il y a beaucoup de choses positives », que « ce sont les mauvaises séquences qui coûtent cher ».

Il parle de malchance, d’émotions, de tendances, de mental à rebâtir. Mais il refuse systématiquement de regarder ce que tout Montréal voit : son système ne fonctionne plus, ses joueurs ne sont plus prêts, l’équipe s’effondre au premier but encaissé.

Pendant ce temps, les partisans du Canadien, eux, sont rendus au point de rupture.

On lit partout la même phrase, traduite, murmurée avec exaspération :

« Je ne suis plus capable de le supporter. »

On reproche à St-Louis sa condescendance, son ton professoral, son mépris trop visible envers les journalistes. On dit qu’il n’incarne pas la culture québécoise, qu’il n’a rien du coach proche du peuple que Montréal réclame.

On lui reproche de voir la réalité à travers un prisme idéalisé, alors que la patinoire lui renvoie soir après soir une vérité brutale : le Canadien régresse.

Et c’est là que la comparaison avec François Legault devient troublante, presque ironique.

Les deux hommes dirigent des institutions fondamentales de la vie québécoise.

Les deux connaissent une chute de popularité vertigineuse.

Les deux s’accrochent en affirmant que « ça va aller ».

Et les deux semblent incapables de voir ce que le public voit clairement.

Mais surtout : les deux avancent vers la même question, celle que tout le monde se pose maintenant.

Qui va tomber en premier?

François Legault, dont la défaite électorale en 2026 esr assurée à cen pour cent.

Ou Martin St-Louis, dont le contrat de cinq millions par année jusqu’en 2027 empêche peut-être un congédiement immédiat, mais l'année 2026 s'annonce tendue.

Parce qu’au-delà de l’argent et des bonnes intentions, une réalité s’impose : une organisation ne peut pas s’écrouler aussi souvent, aussi brutalement, sans former une fissure entre l’équipe et son entraîneur.

Et cette fissure, aujourd’hui, est béante. Les joueurs parlent de manque de préparation. Les vétérans s’interrogent. Les jeunes perdent confiance. Et le vestiaire a l’air d’un groupe qui glisse lentement vers une spirale dont seul un changement de direction peut les sortir.

Le parallèle est cruel, mais juste :

François Legault sait qu’il sera congédié par la population en octobre 2026.

Martin St-Louis, lui, ne survivra peut-être pas sportivement jusque-là si sa formation continue de s’effondrer.

Et ce qui frappe, quand François Legault prend la parole ces jours-ci, c’est à quel point son discours ressemble de plus en plus à celui de Martin St-Louis : des phrases toutes faites, des formules abstraites, des métaphores sorties de nulle part, comme s’il tentait de fabriquer un sens qui n’existe plus.

Quand Legault explique qu’il est « allé marcher dans la neige pour réfléchir » avant de prendre sa décision de rester en poste, on entend l’écho parfait de St-Louis qui répète qu’« il ne coache pas les erreurs isolées mais les tendances », ou qu’« il faut que le mental soit plus fort que les émotions ».

Dans les deux cas, un chef en perte d’appui tente d’habiller la confusion avec des images, des réflexions pseudo-philosophiques, des petits morceaux de sagesse improvisée qui donnent l’impression d’une profondeur, alors qu’elles servent surtout à contourner la question centrale : ça va mal, et personne ne sait comment remettre la machine sur les rails.

Legault, grand amateur de hockey, semble avoir adopté la même grammaire défensive que St-Louis : parler beaucoup, dire peu, et espérer que le public se contente d’une belle phrase au lieu d’un vrai plan.

Le Québec regarde ces deux trajectoires, presque symétriques, et comprend une chose : la chute n’est pas la même, mais le verdict, lui, s’écrit de la même manière.

Et dans les deux cas, la question n’est pas de savoir si la fin arrivera, mais qui atteindra le mur en premier.