Il y a des silences plus bruyants... que la vérité...
Et lundi midi, dans une salle de presse de Laval, Pascal Vincent n’a pas simplement esquivé deux questions. Il a trahi deux secrets. Deux vérités que tout le monde connaissait, mais qu’il a tenté, maladroitement, d’enfouir sous des formules de politesse.
Première vérité : Pascal Vincent ne sera plus longtemps entraîneur du Rocket.
Deuxième vérité : Cayden Primeau, et non Jacob Fowler, gardera les buts lors du match numéro 1 contre Rochester.
Dans les deux cas, l’homme a souri, évité, caché la réalité. Mais les fissures dans sa carapace étaient visibles. Et la tension, évidente. Vincent n’a pas craqué. Mais il a transpiré. Et chaque mot, chaque hésitation, chaque répétition, criait ce qu’il tentait désespérément de dissimuler.
« Je ne veux pas dire que je n’ai pas eu des conversations, mais mon point était que durant les séries, s’il y a de l’avancement dans les conversations et qu’il y a un intérêt qui devient de plus en plus sérieux, je veux mettre le focus sur le Rocket. »
Quand on lui demande s’il a été contacté par des équipes de la LNH, Pascal Vincent commence par botter en touche.
Pas d’entrevue. Pas de discussion officielle. Juste « des journées où il n’y a qu’un entraînement » pour peut-être parler, peut-être écouter. Et surtout : « je suis un Rocket, jusqu’à ce que je ne le sois plus ».
Jusqu’à ce que je ne le sois plus.
« Ce que je n’ai pas fait et ce que je ne ferai pas, c’est me préparer en profondeur pour une entrevue. Je n’ai pas le temps de faire ça, mon énergie est dirigée vers le Rocket. »
C’est la phrase qu’on retient. L’aveu masqué. Vincent n’est pas naïf. Il sait que son nom circule intensément à Chicago, comme l’a révélé Stéphane Waite, dont le frère Jimmy est entraîneur des gardiens chez les Blackhawks.
Sans oublier Boston et Philadelphie qui se cherchent aussi un coach.
Il sait que plusieurs postes sont vacants : Pittsburgh, Seattle, Vancouver. Il sait qu’il vient d’être nommé entraîneur de l’année dans la LAH. Il sait qu’il est l’homme de la situation pour des équipes en reconstruction. Il sait tout cela. Mais il s’oblige à le nier.
Pourquoi? Pour garder son vestiaire mobilisé. Pour éviter de distraire un groupe qui vise la Coupe Calder. Mais la vérité transpire. Et tout le monde le sait : Pascal Vincent fait ses adieux au Rocket, à peine à mi-chemin d’un contrat de trois ans. Il ne part pas par caprice.
Il part parce que son téléphone sonne. Il part parce que c’est le prix du succès. Il part parce qu’on ne peut pas faire des miracles à Laval sans que les dieux de la LNH viennent frapper à la porte.
Et pendant ce temps, le malaise Primeau-Fowler prend des ampleurs jamais vues.
Mais si le départ de Vincent est un secret de Polichinelle, sa gestion du dossier des gardiens est un malaise plus épineux.
Il a beau répéter trois fois « nous avons un plan », sourire, et prétendre que tout est clair entre lui, Primeau et Fowler, personne n’est stupide.
Et certainement pas Anthony Marcotte, journaliste le mieux branché sur le Rocket, qui a lancé une bombe dès la fin de la conférence : « selon mes informations, c’est Cayden Primeau qui sera devant le filet mercredi contre Rochester. »
Et là, tout s’écroule.
Car si on fait abstraction des chiffres, l’intuition seule suffit à comprendre que c’est une décision absurde. Jacob Fowler est invaincu en séries. Trois victoires. Un blanchissage. Un taux d’efficacité de ,953. Une assurance de vétéran dans un corps de 20 ans. Et surtout : l’avenir du CH.
De l’autre côté, Primeau est celui qu’on veut réconforter. Celui qu’on a presque pitié de voir encore là. Oui, il a été solide en saison. Oui, il a dominé Rochester. Mais en séries? Une défaite. Un match moyen. Et surtout, une aura de déclin inévitable depuis que Fowler est arrivé.
Le pire, c’est que Vincent semble le savoir. Il le sait. Mais il choisit l’émotion. Il choisit la loyauté. Il choisit d’ouvrir la porte à un départ en douceur pour Primeau. Et tant pis pour Fowler, tant pis pour l’élan, tant pis pour les chiffres.
Un match mental perdu d’avance?
Cette décision – et le secret qui l’entoure – envoie un message terrible à l’organisation : ce n’est pas toujours le mérite qui compte. Et le CH, qui prétend bâtir sur la méritocratie et la performance, voit son système s'effondrer dès le deuxième tour des séries de la AHL.
Vincent aurait pu faire comme Martin St-Louis : mettre les meilleurs sur la glace, point. Mais il a choisi de ménager les égos. Et il s’est mis en danger. Car si Primeau échoue mercredi, tout le monde saura que Fowler aurait gagné. Et ce sera sur lui.
Le malaise est là. Dans la voix de Vincent. Dans ses sourires crispés. Dans ses répétitions. Dans le refus obstiné de dire les choses telles qu’elles sont. L’entraîneur d’expérience, si habile pour gérer les jeunes, vient de trébucher sur la vieille loyauté aveugle.
Officiellement, tout va bien. Les deux gardiens s’entendent bien. Ils ont le même objectif. Mais qu’on ne soit pas naïf : à l’intérieur du vestiaire, il y a des yeux qui roulent, des regards qui s’évitent, des conversations qui se murmurent.
Tout le monde sait que Fowler est le meilleur. Tout le monde sait que Primeau est le soldat en sursis. Tout le monde comprend que cette décision n’est pas basée sur les performances, mais sur l’affection, la dette morale, le devoir de reconnaissance.
Et dans une série aussi intense, contre Rochester, où le premier match peut déterminer l’élan d’une série courte, ça peut tout changer.
Et que fait Kent Hughes dans tout ça? Il parle d’un système d’alternance, mais il laisse Vincent gérer la tempête. Est-il d’accord? Est-il au courant? Est-ce son idée? Impossible à dire. Mais ce qu’on sait, c’est qu’il regarde le tout avec la patience de celui qui attend l’explosion.
Car si Vincent échoue, on dira qu’il était déjà ailleurs, dans la tête. Et si le Rocket échoue, la question de la relève dans les buts sera ravivée avec une intensité nouvelle.
Une conférence, deux mensonges.
Au final, cette conférence de presse n’a rien réglé. Elle a mis en lumière deux vérités déguisées : Pascal Vincent prépare son départ, et Cayden Primeau aura le filet contre toute logique.
Et dans ce double mensonge poli, c’est tout le Rocket qui joue gros.
La loyauté est une belle qualité. Mais en séries, elle peut devenir une faiblesse mortelle. On ne gagne pas des Coupes Calder par compassion. On les gagne en mettant les meilleurs sur la glace. Et en disant les choses franchement.
Pascal Vincent a raté cette chance. Reste à voir s’il paiera le prix… avant même d’avoir dit adieu.