Caleb Desnoyers se retrouve seul, planté au milieu d’un paysage qui raconte malgré lui l’état actuel du hockey québécois.
Pas parce qu’il est meilleur que tous les autres, pas parce qu’il a crié plus fort, mais parce qu’il est littéralement le dernier représentant d’un système qui s’effrite sous nos yeux.
Un seul Québécois au camp d’Équipe Canada junior, en 2025, c’est un verdict brutal.
Pas un scandale, pas un complot, pas un oubli. Un verdict.
Le talent québécois n’arrive plus. Ou du moins, il n’arrive plus au rythme auquel le Québec s’imagine encore qu’il en produit.
Caleb n’a rien demandé de tout ça.
Il n’a pas demandé de devenir le symbole malgré lui d’un peuple qui prétend encore être une terre de hockey alors que ses arénas s’écroulent, que ses programmes stagnent, que ses structures sentent les années 90, et que les autres provinces ... et même les autres pays ... ont accéléré pendant qu’on discutait de recettes maison et de « traditions ».
La réalité, c’est que ce n’est pas un manque d’amour du hockey.
C’est un manque d’évolution. Les infrastructures vieillissent, les mentalités restent figées, le développement élite se fait rare, les entraîneurs qui innovent sont marginaux, et la production de joueurs de calibre mondial ne suit tout simplement plus.
Alors, évidemment, quand le camp d’Équipe Canada junior s’ouvre et que la liste sort, l’impact est violent.
Les Carbonneau, Villeneuve, Boisvert, Poirier, Lavoie… rien. Des noms qui, il y a 10 ans, seraient presque assurés de s’y retrouver.
Et pourtant non. Tout ce qui reste, c’est Caleb Desnoyers.
Un jeune qui, soudainement, devient le porte-drapeau d’un constat que personne n’a envie de regarder en face. Parce que ce n’est pas contre lui que ça frappe.
C’est contre tout ce qu’on croyait acquis.
Pendant que les États-Unis produisent une avalanche de talents, pendant que l’Ontario recrée des usines à prospects, pendant que la Suède et la Finlande réinventent le développement chaque décennie, le Québec regarde encore ses vieilles vitrines, ses vieilles structures et se dit que ça va revenir, que c’est cyclique.
Sauf que non. Ce n’est plus cyclique. C’est structurel.
Et quand on en arrive à célébrer le fait qu’un seul Québécois réussit à percer un camp junior, c’est qu’on n’est plus dans la nostalgie, on est dans l’alerte.
Desnoyers, lui, représente ce qu’on a longtemps prétendu être.
Travailleur, intelligent, compétitif, et surtout capable de survivre dans un environnement où le talent ne suffit plus.
Un joueur qui force la porte plutôt que d’attendre qu’on lui tienne.
Un joueur qui arrive à une époque où la marge d’erreur pour un Québécois est microscopique, où il faut être deux fois meilleur pour obtenir la même reconnaissance.
Ce n’est pas une question de discrimination.
Ce n’est pas une question politique. C’est une question d’offre et de demande.
Le Québec n’alimente plus assez. Les autres le font mieux.
Alors quand on voit apparaître Michael Hage sur la liste, on applaudit.
Quand on voit Yegor Shilov dominer dans la LHJMQ, on comprend que la ligue devient un refuge pour talents étrangers en quête d’exposition.
Mais ça ne change rien au cœur du problème.
Le Québec ne forme plus ce qu’il formait jadis.
Et ce n’est pas Caleb Desnoyers qui peut réparer ça.
Ce n’est pas lui qui peut ramener 20 ans de retard, ni lui qui peut rajeunir les arénas, ni lui qui peut changer la mentalité de milliers d’organisations locales.
Ce qu’il peut faire, c’est tenir le flambeau quelques semaines.
Jouer son jeu. Représenter ceux qui n’ont pas été appelés.
Devenir, malgré lui, le rappel qu’on espère temporaire d’un système qui a besoin d’une refondation complète.
Il ne porte pas la honte d’un peuple.
Il porte son inquiétude. Il porte la question qu’on n’a plus le luxe d’éviter : comment un endroit qui respire le hockey peut-il en produire si peu?
Et si l’image de Caleb, seul Québécois au camp, choque autant, c’est justement parce qu’elle dit la vérité qu’on refuse de mettre en mots depuis trop longtemps.
Le Québec n’est plus une fabrique à hockey. Et tant qu’on fera semblant que tout va bien, des gamins comme Desnoyers porteront seuls un poids qui ne leur appartient pas.
Misère...
