Derrière le rideau : la mise en scène troublante autour de Juraj Slafkovsky

Derrière le rideau : la mise en scène troublante autour de Juraj Slafkovsky

Par André Soueidan le 2025-08-30

Le Canadien de Montréal a publié cette semaine une vidéo léchée, bien cadrée, pleine de ralentis, montrant Juraj Slafkovsky qui transpire dans un gymnase de Košice, en Slovaquie.

Le décor? Des haltères, des exercices de vitesse, des tirs sur réception, et un discours bien huilé sur l’importance de revenir aux sources.

Le message est clair : notre ancien premier choix de 2022 n’est pas parti se cacher en Europe, il travaille, il pousse, il s’entraîne comme un forcené.

Une belle mise en scène, mais derrière le rideau, les questions qui dérangent ne disparaissent pas.

Pourquoi Slaf retourne-t-il chaque été en Slovaquie quand Ivan Demidov, Patrik Laine ou même Nick Suzuki restent à Montréal?

Qu’est-ce que ça dit sur sa mentalité, son développement, et surtout, sur la confiance que l’organisation essaie de bâtir autour de lui?

Ce n’est pas anodin que le CH ait diffusé cette vidéo maintenant.

Parce que pendant que Demidov électrise Brossard, pendant que Laine enchaîne les one-timers avec Lane Hutson après l’entraînement, pendant que Kirby Dach fait trembler la glace à tester son genou, Slafkovsky brille… à distance.

Et dans un marché aussi cannibale que Montréal, être loin, c’est déjà être vulnérable.

Quand les caméras sont à Brossard, mais que toi tu es à Košice, le public oublie vite, et les spéculations prennent toute la place.

Le timing de cette vidéo n’est pas un hasard. Le Canadien voulait rappeler : Slaf n’est pas en vacances, il ne flotte pas, il travaille.

C’est une réponse subtile aux critiques qui ont suivi sa première saison de 10 points en 39 matchs, et une manière de montrer que le “kid” de 18 ans a mûri.

Sauf qu’aujourd’hui, il n’est plus un “kid”.

Il est un joueur de 21 ans, 200 matchs derrière la cravate, 42 buts, 111 points, et surtout… un contrat de 60,8 millions de dollars sur les épaules.

Signé le 1er juillet 2024, son nouveau pacte est massif : 8 ans, 7,6 M$ par saison.

Mais le plus croustillant est caché dans les chiffres : Slaf va toucher 10 millions cette année, grâce à un bonus de 7 M$ qui s’ajoute à ses 3 M$ de salaire de base.

Dix millions. À 20 ans.

Dix millions pour un gars qui, l’an dernier, a marqué 18 petits buts et récolté 51 points en 79 matchs.

Bien sûr, c’est déjà un bond considérable par rapport à ses débuts catastrophiques en 2022-23, où il s’était limité à 10 points.

Mais dix millions, c’est le salaire d’une superstar.

Et Montréal n’a plus le luxe de le considérer comme une promesse à long terme : il doit livrer maintenant.

Et c’est là que la mise en scène devient troublante.

Parce que si tu grattes le vernis de la vidéo officielle, ce que tu vois à Brossard raconte une autre histoire.

À Brossard, les images parlent d’elles-mêmes.

Les gars sont déjà là, ensemble, à bâtir une chimie jour après jour.

Demidov qui lance des passes millimétrées à Laine, Hutson qui reste après la pratique pour travailler les one-timers, Suzuki et Caufield qui se retrouvent comme si la saison n’avait jamais fini.

Ce sont des moments marquants, des habitudes invisibles qui soudent un noyau avant même que la saison commence.

Slafkovsky, lui, ne les vit pas.

Pendant que ses coéquipiers se côtoient quotidiennement, lui transpire à des milliers de kilomètres, loin de ces petits détails qui font toute la différence.

Et peu importe ce qu’on dira, ces heures de glace partagées, ces séquences répétées, ça compte dans l’équilibre d’une équipe.

Quand tu n’es pas là pour les vivre, tu prends déjà du retard.

On comprend mieux pourquoi le CH voulait que cette vidéo existe.

Parce qu’à l’interne, les rumeurs circulent déjà.

On dit que St-Louis adore l’intelligence de Demidov, que Laine est affamé comme jamais, que Dach a repris son rôle de pivot avec une intensité retrouvée.

Le décor est planté : la hiérarchie bouge.

Et pour Slaf, c’est peut-être la première fois de sa carrière qu’il se retrouve menacé par plus jeune que lui.

Ironique, non? Lui qui était arrivé à 18 ans en prenant la place de vétérans qu’on jugeait dépassés, voilà qu’il subit à son tour la pression d’une relève plus explosive, plus talentueuse, plus affamée.

Et ce n’est pas qu’une question de talent. C’est aussi une question d’argent.

Parce qu’à 7,6 M$ par saison, Slaf n’a plus le droit de jouer les apprentis.

Il n’a plus le droit de disparaître dix matchs de suite.

Il n’a plus le droit de se cacher derrière l’excuse de l’âge.

Chaque point, chaque présence, chaque powerplay raté sera scruté à la loupe.

Et chaque fois qu’il ratera une occasion, la comparaison avec son contrat sera immédiate.

Dix millions cette année. Dix millions pour quoi? Dix millions pour être sur la deuxième vague?

Dix millions pour être derrière Laine et Demidov?

Le contraste est cruel.

Pendant que Demidov est resté à Montréal tout l’été, enchaînant les séquences virales avec Hutson et Suzuki, pendant que Laine a travaillé comme un possédé pour retrouver ses jambes et son tir, Slaf a choisi la maison, la Slovaquie, le cocon.

Et c’est son droit. Tout le monde a besoin de se ressourcer.

Mais la perception, elle, est implacable. Aux yeux du public, Demidov s’intègre, Laine se réinvente, Dach ressuscite.

Et Slaf? Il fait des squats à Košice.

C’est ici que la mise en scène devient politique.

Parce que le Canadien sait que la pression médiatique est monstrueuse.

Montrer Slaf à l’œuvre, c’est rassurer le fan.

C’est dire : “Regardez, il travaille. Regardez, il n’est pas paresseux. Regardez, il se prépare.”

Mais ce que la vidéo ne dit pas, c’est qu’à Montréal, la concurrence est en train de lui gruger la place.

Et qu’au moment où il empochera son premier vrai chèque de superstar, il sera peut-être… sur la deuxième vague.

Et ça, ça change tout.

Parce que Montréal a payé pour un futur pilier.

Pas pour un joueur de soutien.

Slaf doit maintenant prouver qu’il est plus qu’un produit marketing, plus qu’un premier choix survendu.

Il doit montrer que son contrat est un investissement, pas une erreur.

Le problème, c’est qu’en même temps qu’on lui demande de livrer, l’organisation lui complique la vie en plaçant devant lui deux machines offensives prêtes à tout casser.

Slaf doit donc se battre sur deux fronts : l’image publique, qu’on soigne avec des vidéos, et la réalité du vestiaire, qui devient chaque jour plus impitoyable.

Alors, que reste-t-il derrière le rideau?

Une star slovaque qui revient toujours chez elle pour se ressourcer, mais qui, en revenant à Montréal, se heurte à un mur.

Une star qui touche dix millions cette saison, mais qui devra peut-être les justifier depuis la deuxième vague.

Une star que le Canadien vend encore comme le futur, mais que la hiérarchie offensive commence à repousser vers l’ombre.

La mise en scène est belle, mais la vérité, elle, est brutale : Slafkovsky n’a plus de temps.

Il doit s'adapter... Maintenant.

Parce que si Demidov et Laine confirment, et que Dach reste en santé, le rideau pourrait se refermer sur lui beaucoup plus vite qu’il ne l’imagine.

Misère...