Patrick Roy n’a jamais eu peur de marcher droit dans une tempête.
Toute sa carrière, il a provoqué les ouragans, et souvent, il en est sorti vivant, parfois même glorieux.
Mais aujourd’hui, à Long Island, il s’est peut-être peinturé dans un coin.
On appelle ça un pari, et le problème avec les paris, c’est que parfois, tu gagnes, parfois tu perds.
Et celui que Patrick Roy vient de prendre avec les Islanders pourrait lui coller à la peau longtemps.
Car soyons clairs : Roy n’a pas de filet. Il n’a pas d’échappatoire.
Sa saison repose sur deux noms seulement. Deux joueurs qui, à eux seuls, vont décider s’il va passer pour un génie qui a ramené les Islanders dans la conversation, ou un autre coach flamboyant qui a brûlé ses cartouches trop vite.
Et ces deux noms, ce sont Mathew Barzal et Ilya Sorokin.
Le reste? Du bruit de fond. La défense, les jeunes, les nouveaux venus comme Jonathan Drouin ou Emil Heineman, les expériences de Mathieu Darche en coulisses, tout ça est secondaire.
Les Islanders version Roy, c’est un bateau où deux capitaines tiennent la barre. Si l’un des deux saute, le navire coule.
Le premier, c’est Barzal. On parle d’un joueur qui a passé la dernière saison à se battre contre son propre corps.
Blessures, rechutes, zéro rythme.
30 matchs joués, 20 points seulement.
Autant dire qu’il a été invisible. Mais Roy, lui, a décidé de miser gros sur un retour au centre.
C’est là que le pari prend toute son ampleur. Parce que si Barzal retrouve la magie de ses débuts, il peut redevenir le moteur offensif qu’il a déjà été, capable d’élever ses ailiers, d’amener de la vitesse, de redonner à l’attaque des Islanders un semblant de créativité.
Mais si son corps lâche encore, si l’expérience échoue, Roy va se retrouver à bricoler avec Pageau, Cizikas et un gamin comme Calum Ritchie.
Pas exactement le scénario rêvé pour survivre dans une division aussi carnassière.
Le deuxième, c’est Sorokin.
Le gardien vedette, celui qui, à 30 ans, est supposé tenir la baraque à lui seul.
Mais lui aussi a ses démons : la constance. Depuis deux ans, Sorokin joue trop, brûle trop d’énergie, et à force d’être surutilisé, il finit par s’effondrer dans les moments-clés.
Cette fois-ci, Roy n’a pas le luxe de se planter. Les Islanders ne sont pas une machine défensive comme autrefois.
Adam Pelech et Ryan Pulock vieillissent, la relève comme Isaiah George ou Adam Boqvist est encore tendre.
Résultat : Sorokin va se retrouver bombardé. Et là encore, si Sorokin est en mode Vezina, Roy passe pour un magicien. Mais si Sorokin s’éteint, la saison vire au désastre.
Le problème pour Roy, c’est qu’il s’est volontairement piégé.
L’attaque? Elle dépend de Barzal. La défensive? Elle est en transition.
Les jeunes? Ils sont prometteurs, mais pas prêts à tenir un club sur leurs épaules.
Roy a mis tous ses œufs dans deux paniers. Et quand on connaît l’historique de blessures de Barzal et la tendance de Sorokin à surchauffer, c’est un jeu dangereux.
C’est la fameuse douche froide qui guette Long Island.
Une saison qui, sur papier, pourrait être excitante, mais qui en réalité tient sur un fil qui peut casser en plein mois de décembre.
Ajoute à ça un contexte encore plus explosif : le ménage signé Mathieu Darche.
Le nouveau DG a déjà annoncé qu’il n’y aurait pas de PTO au camp.
Pas de sauvetage de dernière minute. Pas de vétéran oublié à 750 000 $ qui pourrait venir colmater une brèche.
Darche veut envoyer un message : « Voici ton équipe, Patrick. Travaille avec ça. »
Traduction? Si ça casse, c’est sur le dos de Roy que ça va tomber.
Et quand on connaît le caractère volcanique du bonhomme, tu peux déjà imaginer les points de presse enflammés à la mi-saison si Barzal ne produit pas et que Sorokin craque sous la charge.
Pourtant, tout ça pourrait marcher.
Dans un monde idéal, Barzal revient en santé, redevient le dynamo offensif qu’il était, et Sorokin joue à la hauteur de son talent sans brûler dans le rouge.
Dans ce scénario-là, Roy passe pour un génie.
Son système ouvert, axé sur la vitesse et l’offensive, redonne vie à une équipe souvent accusée d’être ennuyeuse.
Les nouveaux comme Drouin trouvent leur rôle, Shabanov explose aux côtés de Barzal, et les Islanders se glissent en séries avec une identité claire.
Mais ça, c’est le scénario rose. Et même les partisans les plus optimistes savent que la marge d’erreur est minuscule.
Ce qui rend ce pari encore plus cruel, c’est le poids de l’histoire.
Roy n’est pas un coach banal. C’est une légende vivante qui traîne derrière lui un aura énorme.
Chaque décision est scrutée, chaque choix est amplifié.
S’il réussit, on parlera d’un coup de maître. Mais s’il échoue, on dira que Roy n’était qu’un feu de paille, un entraîneur incapable de s’adapter aux réalités modernes de la LNH.
Et ce genre de jugement, une fois collé, ne part plus jamais.
Voilà pourquoi on parle de douche froide. Pas parce que Roy n’a pas de talent comme coach.
Mais parce qu’il s’est volontairement mis dans une situation où il n’a pas le droit à l’erreur.
Son système repose sur deux joueurs fragiles.
Sa crédibilité repose sur des épaules déjà surchargées.
Et à Long Island, où la patience des partisans est aussi fragile que la glace au mois d’avril, le moindre faux pas va faire trembler l’édifice.
En bout de ligne, Patrick Roy n’aura pas besoin de grand discours pour savoir où se joue sa saison.
Tout le monde le voit. Tout le monde le sait.
Barzal doit redevenir une vedette. Sorokin doit jouer comme un mur.
Le reste est accessoire. Mais quand ton plan repose sur deux colonnes seulement, il suffit qu’une se brise pour que tout l’édifice s’écroule.
Et ça, c’est le genre de pari qui, peu importe ton nom ou ton passé, peut te rattraper plus vite que tu ne le crois.
À suivre ...