C’est une séquence qui en dit long sur l’état d’esprit du Canadien en prolongation, mais surtout sur la frilosité soudaine de son entraîneur-chef.
Le moment que tout le monde attendait, à 3 contre 3 en prolongation, le moment où tes meilleurs joueurs doivent faire la différence… a été offert à Jake Evans, Kaiden Guhle et Mike Matheson.
Oui, tu as bien lu.
Ni Lane Hutson, ni Cole Caufield, ni même Nick Suzuki n’étaient sur la glace pour amorcer la prolongation d’un match crucial dans une course aux séries où chaque point vaut de l’or.
Tu veux voir de quoi on parle?
Voici la séquence complète du but gagnant inscrit par Mitch Marner, quelques secondes après que Martin St-Louis ait remplacé Guhle par Suzuki… une fois que le CH a gagné la mise au jeu :
Le problème, ce n’est pas Kaiden Guhle en soi.
Le problème, c’est le message codé envoyé par Martin St-Louis à tout le vestiaire.
Un message qui dit : on ne va pas jouer pour gagner, on va jouer pour ne pas perdre.
Et dans la LNH d’aujourd’hui, surtout en prolongation à 3 contre 3, c’est la manière la plus rapide de te tirer dans le pied.
Tu regardes l’alignement adverse, les Maple Leafs, qui envoient tout de suite Auston Matthews, Mitch Marner et Morgan Rielly pour tenter de finir ça rapidement.
Et toi, tu réponds avec Jake Evans?
Tu peux presque entendre Cole Caufield se demander ce qu’il fout encore sur le banc.
Tu peux presque imaginer Lane Hutson, meilleur défenseur offensif de l’équipe, ronger son bâton de frustration en regardant Matheson s’étaler comme un gardien de but alors que Marner le contourne.
Martin St-Louis a tenté de se défendre en point de presse, mais ses propos ont surtout confirmé ce qu’on soupçonnait déjà : l’approche était défensive.
« C’est une game de séries pour nous, fallait rester dans le match. On a joué du cœur, on a joué du courage. »
Oui Martin.
Mais c’est aussi une game de séries pour l’adversaire.
Et eux ont choisi de mettre leurs vedettes offensives sur la glace.
Toi, t’as choisi de faire jouer Jake Evans, Matheson et Guhle et de croiser les doigts que ça tienne.
« J’ai aimé notre attention, on a joué le match qui était devant nous. On s’est défendus, et Dobes a été énorme. »
Encore une fois, on ne dit pas que Jake Evans ou Mike Matheson ont mal joué.
Mais à un moment donné, le message est clair : tu joues petit. Tu joues peureux. Tu joues défensif alors que tu devrais foncer.
Et ça, pour un club qui se bat pour les séries, c’est un aveu inquiétant.
Quand Kaiden Guhle se bat contre Max Domi pour réveiller son équipe, c’est inspirant.
Mais quand tu vois que même ça, ce n’est pas suffisant pour convaincre ton entraîneur de lancer l’artillerie lourde en prolongation, tu te poses des questions.
Des questions que plusieurs partisans se posent ce matin sur X (Twitter), notamment au sujet de Lane Hutson, complètement laissé de côté en prolongation, alors qu’il est justement bâti pour ce genre de moment.
Il ne faut pas oublier non plus que le Canadien a terminé le match avec seulement 15 tirs au but, malgré 57 tentatives de tir, dont 22 ont complètement raté la cible.
Un problème chronique de manque d’opportunisme, certes, mais aussi d’exécution.
Et ça, Martin St-Louis l’a reconnu :
« On a manqué le filet souvent. Beaucoup de shots ont été bloqués. Faut être capables de mieux placer nos tirs. »
Mais au final, ce n’est pas en mettant Jake Evans que tu vas régler ça.
Ce n’est pas en jouant sur les talons que tu vas provoquer un revirement.
Et ce n’est pas en espérant un miracle de Jacob Dobes que tu vas aller chercher les deux points.
Le jeune gardien a été sensationnel, avec 34 arrêts contre un club qui n’a cessé d’attaquer, particulièrement lors d’un désavantage numérique à 5 contre 3 en troisième période.
Même lui semblait un peu amer en entrevue après le match :
« Je suis juste déçu qu’on n’ait pas fini. On est une bonne équipe. On va le faire la semaine prochaine. »
Est-ce que Martin St-Louis a voulu suranalyser?
Est-ce qu’il avait un plan trop conservateur?
Ou est-ce qu’il a simplement cédé à la pression de l’enjeu?
Une chose est certaine : le vestiaire a capté le message.
Et comme le disait Nick Suzuki après le match, « Ce genre de match-là, on doit apprendre à le gagner. »
C’est là que tu sépares les clubs prêts pour les séries… des clubs qui les regardent de chez eux.
Mais si le Canadien veut réellement faire les séries, il va falloir arrêter immédiatement de jouer avec la peur de perdre, et commencer à jouer pour gagner.
Parce que ce qu’on a vu samedi soir à Toronto, ce n’est pas un club qui se comporte comme une équipe affamée à deux points des séries.
C’est un club qui panique à l’idée de faire une erreur, qui préfère ouvrir la porte doucement plutôt que de la défoncer à coups de genou.
Et dans cette optique, ce n’est pas juste Martin St-Louis qui doit réfléchir… c’est toute l’organisation.
Tu as Lane Hutson, ton meilleur défenseur offensif, un quart-arrière électrisant, une machine à créer de l’espace et du jeu à 3 contre 3… et tu le laisses sur le banc?
Lane Hutson, le même gars que tu envoies sur ta première unité d’avantage numérique avec Suzuki, Caufield et Laine, est laissé de côté pour le départ de la prolongation?
Faut vraiment le vouloir.
Tu lui dis quoi, au kid, après le match?
« On voulait sécuriser le faceoff et jouer safe, mon Lane. Ce sera pour une autre fois. »
Tu veux parler de confiance, de développement, de culture gagnante?
Commence par envoyer tes meilleurs au front quand ça compte, pas quand c’est déjà trop tard.
Parce qu’il l’a vu, Lane. Il a vu qu’on a préféré commencer avec Mike Matheson, Jake Evans et Kaiden Guhle.
Il a vu qu’on a attendu de gagner la mise au jeu avant de faire embarquer Suzuki.
Il a vu qu’il n’était pas dans les plans offensifs du moment le plus important du match.
Et lui, il se sent comment après ça? C’est ça, le message qu’on envoie à nos jeunes?
« On croit en toi, mais juste quand il ne reste plus de danger. »
Tu veux faire les séries? Il faut que t’oses.
Il faut que tu fasses confiance à ton talent, que tu assumes ta créativité, que tu mettes le puck dans les mains de ceux qui peuvent te faire gagner.
Et si tu veux un vrai électrochoc, il arrive lundi. Ivan Demidov. Le phénomène russe.
L’enfant prodige qui fait virer les têtes depuis qu’il a mis les pieds à Toronto et qu’il a déclenché une tempête médiatique simplement en s’assoyant dans la galerie de presse.
On a vu des foules à l’aéroport, des fans hystériques, des caméras qui traînent partout, des spéculations en feu sur les trios.
Et maintenant, il s’amène au Centre Bell, pour son premier match officiel à Montréal, dans un match crucial contre les Blackhawks de Chicago.
Tu veux parler d’un moment charnière? C’est maintenant. Demidov débarque avec le genre d’aura qu’aucun joueur du CH n’a eu depuis P.K. Subban.
Et si Martin St-Louis ose, s’il décide que c’est le temps de gagner au lieu de survivre, il n’a pas d’autre choix que de faire confiance à Lane Hutson et Ivan Demidov ensemble.
Tu mets Suzuki, Demidov et Hutson sur ta première unité à 3 contre 3, et tu annonces au reste de la LNH que tu veux rentrer dans les séries en fonçant, pas en reculant.
Parce que le pire, dans tout ça, ce n’est pas d’avoir perdu en prolongation contre les Leafs.
C’est d’avoir agi comme si on n’avait pas le droit de viser plus haut.
C’est d’avoir envoyé un message flou à tes joueurs : on veut gagner… mais pas trop vite, pas trop fort, pas trop audacieux.
Et les séries, ça ne pardonne pas ce genre d’hésitation.
Lundi soir, tout le Québec du hockey va avoir les yeux rivés sur la glace du Centre Bell, pas seulement pour voir si le CH peut se qualifier, mais pour voir si Martin St-Louis a appris de ses erreurs.
Parce que t’as plus le droit à l’erreur.
Tu veux gagner? Envoie Hutson. Envoie Demidov. Et joue pour gagner.
Pas pour perdre avec dignité. La suite, c’est maintenant. Et cette fois, il n’y aura pas de place pour le doute.
Amen