Les Blues viennent d’inscrire deux buts en 39 secondes, et même si la rencontre n’est pas terminée, il est impossible d’ignorer ce qui se déroule sous nos yeux depuis le début de la soirée : le système Man-to-Man de Martin St-Louis craque de partout.
Pas parfois. Pas par séquence. Pas juste quand les jeunes se font surprendre par le tempo de la LNH. Non : même les vétérans, même les joueurs supposément les plus fiables semblent complètement arrachés de leurs repères.
Et au cœur de cette nouvelle déroute momentanée, Mike Matheson erre dans son territoire comme un joueur qui ne sait plus quel joueur suivre, ni quand changer de couverture, ni quel espace protéger.
Le Canadien, on le savait déjà, vit et meurt avec ce fameux « un contre un » défensif que Martin St-Louis défend bec et ongles.
On savait aussi que ce système exige une concentration inhumaine, une vitesse d’exécution parfaite, tout s'écroule.
On le voit ne plus savoir qui couvrir... mêlé comme un jeu de cartes.
Et le pire, c’est qu’il n’est même pas le seul : tout le groupe semble glisser dans le vide, comme si personne ne savait plus qui doit prendre qui.
Est-ce nous ou Matheson retombe dans ses travers depuis qu'il a signé son contrat de 6 millions de dollars par année étalé sur 5 ans?
On lui rappelle sans cesse qu’il joue « sous la valeur du marché ».
On le félicite pour son « contrat à rabais ».
Et ce genre de narration, on le sait dans le milieu, peut étouffer un joueur. Quand un vétéran signe à rabais, il est soudain transformé en superhéros obligé de livrer au-dessus de ses moyens chaque soir, comme si la moindre erreur devenait la preuve que son contrat n’était peut-être pas un si grand coup que ça.
Au fond, Matheson subit exactement l’inverse de ce que d’autres défenseurs vivent quand ils signent trop cher : lui, il doit justifier qu’il n’a pas été payé assez.
Ce soir, on le voit regarder derrière lui, comme si tout allait trop vite, trop fort, trop confus.
Reste que le véritable coupable est Martin St-Louis qui refuse de changer son système.
Et dans cette soirée où l’on voit encore une fois une équipe qui domine offensivement, qui contrôle la rondelle, qui marque des buts magnifiques comme celui de Lane Hutson ce soir:
Mais qui s’effondre momentanément dès que le jeu se déplace dans son territoire, il est impossible de ne pas penser à ce que Maxim Lapierre ferait ce soir s’il était devant une caméra, parce que si ce match-là était diffusé sur les ondes de TVA Sports et non de RDS, Lapierre aurait probablement réduit Martin St-Louis en morceaux, tant il répète depuis des semaines que le système Man-to-Man est une roulette russe défensive.
Il aurait parlé avec la même intensité brutale que lors de sa sortie précédente, celle où il avait littéralement envoyé St-Louis sous l’autobus en l’accusant de demander l’impossible à ses joueurs, de les exposer à des un-contre-un perdus d’avance, de les laisser sans filet de sécurité, comme s’il croyait entraîner un club rempli de Patrice Bergeron, alors que même les Panthers, le modèle qu’il cite, permutent, aident, recouvrent, et ne laissent jamais un défenseur mourir seul dans le coin.
Le Canadien illustre parfaitement ce que Lapierre dénonçait : une équipe qui joue bien, qui contrôle le tempo, qui impose le rythme, mais qui devient vulnérable dès que l’adversaire accélère, dès qu’une couverture se perd, dès que deux joueurs croisent leurs trajectoires, dès que la pression offensive force un défenseur à réagir une demi-seconde trop tard.
On peut louer l’effort, on peut admirer l’intensité, on peut reconnaître la progression individuelle de plusieurs joueurs, mais tant que St-Louis persistera dans un système qui exige la perfection défensive d’un groupe qui n’a ni la maturité collective ni la stabilité nécessaire pour soutenir une telle rigidité, le Canadien restera capable de dominer un match tout en donnant l’impression d’être à une erreur près du désastre.
