Zachary Bolduc n’a même pas encore disputé une seule présence dans l’uniforme du Canadien que déjà, il est au centre d’une tempête.
À peine débarqué à Brossard, le jeune Québécois est vu par certains comme le fameux deuxième centre tant attendu. La solution miracle. L’élu.
Aujourd’hui, les images de son premier entraînement ont circulé partout. Enfin, il était là. Lui qui, depuis son arrivée le 1er juillet, semblait absent du radar social et médiatique. Pas de mariage avec Suzuki. Pas de festival avec les boys. Pas d’images virales avec Demidov. Rien. Le silence inquiétait.
Et soudain, il a glissé sur la glace de Brossard, avec Demidov à ses côtés, sous les yeux d’une foule virtuelle prête à s’emballer.
Il aura suffi de quelques coups de patin pour que les réseaux s’enflamment. Déjà, on parle de Bolduc comme du futur pivot d’un duo explosif avec Demidov. Déjà, on croit que Kent Hughes a trouvé son deuxième centre sans dépenser un sou de plus. Déjà, on fait de lui le nouveau visage du top 6.
Mais cette ferveur cache une vérité plus fragile et à Montréal, on devrait pourtant la connaître par cœur.
Parce qu’on a déjà vu ce film.
En 2017, Jonathan Drouin est arrivé avec la même étiquette. Ailier de talent offensif, on l’a parachuté au centre par nécessité, pour calmer la soif d’un public en manque de pivot numéro deux. Le résultat? Catastrophique. Drouin, forcé de prendre des responsabilités défensives qui ne correspondaient pas à son ADN, a perdu ce qui faisait sa force. Son flair offensif s’est éteint. Sa confiance s’est effritée.
Et au bout du compte, on a gâché un talent qui aurait pu briller autrement.
La comparaison n’est pas gratuite. Elle est brutale, mais elle est juste.
Comme Drouin, Bolduc est avant tout un ailier naturel. Ses deux dernières saisons juniors avec les Remparts l’ont prouvé : 99 points, puis 110 points. Des chiffres dignes d’un marqueur d’élite, mais obtenus en grande partie à l’aile, là où il pouvait libérer son tir, couper vers le filet, sans se soucier de chaque mise au jeu et de chaque repli central.
À Saint-Louis, les Blues ont tenté l’expérience du centre. Ils ont vite vu que ça ne collait pas. Bolduc a été ramené à l’aile, là où son instinct offensif faisait la différence.
Le Canadien lui-même lui a demandé de travailler ses mises au jeu cet été. Preuve qu’on doute encore. Preuve que ce rôle de centre n’est pas naturel pour lui.
Et pourtant, la pression monte déjà. À Montréal, on adore étiqueter trop vite. On adore croire qu’un joueur peut sauver l’organisation à lui seul. On adore transformer une promesse en prophète.
Zachary Bolduc n’a rien demandé. Dans ses entrevues, il reste calme, humble, concentré. Il dit vouloir apprendre. Il dit qu’il se sent à l’aise au centre, oui, mais il ne s’est jamais autoproclamé solution miracle.
C’est la machine médiatique et la frénésie des partisans qui l’ont propulsé dans un rôle qui, peut-être, n’est pas le sien.
Et c’est là que le danger guette.
Si on insiste à faire de lui un centre numéro deux, on risque de répéter l’erreur Drouin. On risque de lui mettre une pression inutile, de l’enfermer dans un rôle défensif qui freinera son jeu offensif, de briser une progression qui aurait pu être naturelle et explosive à l’aile.
Parce que Bolduc a le talent pour s’imposer en LNH. Personne ne doute de son tir, de ses mains, de sa vitesse. Mais le rôle de centre demande bien plus : vision défensive, lecture de jeu à 200 pieds, constance sur 82 matchs, force au cercle des mises au jeu. Des aptitudes qui se développent, oui, mais qui ne s’inventent pas.
Jonathan Drouin, lui, n’a jamais pu s’en remettre. Le poids était trop lourd. Son hockey s’est dilué. Son sourire aussi. Montréal n’a pas seulement perdu un centre… il a perdu un ailier offensif qu’il aurait pu conserver intact.
Zachary Bolduc mérite mieux que de revivre cette histoire.
Alors oui, ses premiers coups de patin à Brossard sont encourageants. Oui, le voir avec Demidov fait rêver. Oui, Kent Hughes a peut-être déniché un joyau. Mais attention au cyclone médiatique. Attention à la facilité de répéter les mêmes erreurs.
Bolduc est une promesse. Un diamant québécois de 22 ans. Mais ce n’est pas encore un centre numéro deux. Peut-être qu’il le deviendra. Peut-être qu’il surprendra. Peut-être qu’il apprendra. Mais aujourd’hui, le mettre sur ce piédestal, c’est dangereux.
Parce que Montréal a déjà brûlé un talent en le forçant dans un rôle qui n’était pas le sien et le souvenir de Jonathan Drouin devrait suffire à calmer l’euphorie.
La saison qui s’en vient ne dira pas seulement si Bolduc est un joueur d’avenir.
Elle dira aussi si le Canadien a appris de ses erreurs.
Ou s’il est condamné à les répéter.