Le cauchemar de Patrick Roy est en train de devenir réalité.
Un scénario qu'il redoutait depuis longtemps, une vision d'horreur qu'il n'osait même pas évoquer publiquement, prend tranquillement forme à Long Island.
Alors qu'il croyait avoir enfin retrouvé sa place dans la LNH, qu'il se voyait bâtir un projet à sa main, l'étage supérieur des Islanders est sur le point de lui ôter ce rêve du bout des doigts.
Le départ de Lou Lamoriello aurait pu être perçu comme une libération. Après des mois de tensions sourdes entre Roy et le vétéran dirigeant, plusieurs croyaient que ce changement de garde allait ouvrir les portes à une véritable ére Roy à Long Island. Mais c'était mal connaître la LNH et les jeux de coulisses.
Le rêve de Patrick Roy, celui de devenir un jour directeur général, vient de s'effondrer en plein vol. Le président des Islanders, John Collins, vient de rejeter officiellement Roy : un nouveau DG sera embauché, et ce sera à lui de décider du sort de Roy. Aucune promesse. Aucune garantie. Le message est sans pitié, mais clair. Roy est en danger.
Et le pire, c'est que le nom qui revient avec insistance pour succéder à Lamoriello est celui de Marc Bergevin.
Oui, Marc Bergevin. L'homme qui, trois fois, a tourné le dos à Patrick Roy lorsqu'il était à la tête du Canadien de Montréal.
En 2012, Bergevin choisit de ramener Michel Therrien plutôt que de faire confiance à Roy. Quelques années plus tard, même scénario : Claude Julien remplace Therrien, et encore une fois, Roy est ignoré.
Puis vient la nomination de Dominique Ducharme, en pleine période de transition : encore une occasion manquée. Trois fois éconduit. Trois coups de poignard symboliques.
Alors imaginez, aujourd'hui, Patrick Roy se retrouve dans une organisation qui envisage sérieusement de confier les clés du château à son vieux rival. Ce n'est pas seulement une mauvaise nouvelle, c'est une humiliation.
Roy sait ce qui l'attend. Il n'est pas naïf. Il a déjà commencé à préparer son entourage. Roy aurait confié à ses proches que c'était la fin. Il ne croit plus à ses chances d'être conservé. Et pour cause : les noms qui circulent ne lui laissent aucune marge de manoeuvre.
Outre Bergevin, Ken Holland est aussi dans la course. Un autre dirigeant de l'ancienne école, peu susceptible de s'entendre avec un coach émotif, imprévisible et médiatiquement exposé comme Roy.
Mais ce n'est pas tout. L'élément le plus dévastateur pour Roy est peut-être le virage analytique que les Islanders semblent vouloir emprunter.
Parmi les candidats sérieux au poste de DG, on retrouve des femmes comme Kate Madigan, adjointe au DG chez les Devils du New Jersey, et Alexandra Mandrycky, en poste à Seattle. Des profils jeunes, brillants, et surtout, axés sur les statistiques avancées.
Madigan, qui fêtera ses 32 ans en juillet, est une figure montante dans le monde du hockey. Sa maîtrise des données, sa vision moderne du jeu et son réseau dans la LNH font d'elle une candidate très sérieuse.
Pour Patrick Roy, à l'aube de ses 60 ans, c'est un choc générationnel, mais aussi un symbole cruel : le monde du hockey évolue sans lui.
Roy est un homme de passion. Un homme de glace et de feu. Mais il est aussi un homme fatigué. Ses traits tirés, son teint rougi, ses montées de colère récentes en conférence de presse, tout indique un être à bout.
Sa famille est inquiète. Ses amis le savent. Et lui-même, dans ses moments de lucidité, reconnaît que le métier d'entraîneur-chef est devenu un fardeau.
Il faut se rappeler qu'il a attendu près d'une décennie pour revenir dans la LNH après son départ abrupt du Colorado.
Une démission sur fond de conflit avec Joe Sakic. Une erreur qu'il a payée cher. Longtemps, il a été persona non grata dans les bureaux de la ligue.
Et lorsqu'il a enfin eu une nouvelle chance, ce fut dans l'un des pires contextes possibles : une équipe vieille, mal bâtie, freinée par les choix discutables de Lamoriello.
Il a tenté de secouer les choses. Il a insisté pour que Duclair soit signé. Il a voulu imposer sa vision. Mais ses unités spéciales ont été catastrophiques.
Sa communication interne, difficile. Sa relation avec Lamoriello, désastreuse. Et les résultats ne sont jamais venus. 35-35-12. Hors des séries. Et maintenant, hors du portrait.
Pendant ce temps, Patrick Roy est de retour à Québec, puis en Floride. Il tape des balles de golf dans l'indifférence générale.
Sur les terrains, tout le monde sait. On murmure que c'est terminé. On se rappelle ce qu'il aurait pu être. On se demande s'il va rester dans le paysage.
Ce qui frappe dans cette histoire, c’est à quel point Patrick Roy parle. Et pas qu’un peu. Sur les terrains de golf de la région de Québec ou de la Floride? Dans les allées ou dans les salons privés de certains restaurants prisés?
Roy raconte sa version des faits à qui veut bien l’entendre. Il répète à tout le monde autour de lui que c’est fini. Qu’il s’en va. Qu'il est expulsé. Qu’il est trahi. Et à force de le dire, c’est comme s’il cherchait à provoquer l’écho.
À imposer son récit. On dirait qu’il veut que tout le monde sache qu’il est une victime dans cette affaire. Qu’on pleure son sort. Qu’on comprenne son calvaire.
Mais dans les coulisses, certains murmurent que cette façon de se poser constamment en martyr en agace plus d’un.
Le bruit qu’il fait autour de sa propre chute devient plus assourdissant que la chute elle-même. Patrick Roy, toujours flamboyant, refuse de quitter la scène dans le silence. Il veut que sa sortie soit remarquée. Quitte à amplifier le drame.
Certains espèrent encore une surprise à Boston. D'autres murmurent qu'Anaheim aurait pu être un plan B, mais tout indique que ce sera Joel Quenneville.
Philadelphie? Daniel Brière ne veut rien savoir. Leur passé commun au Colorado a laissé des traces. Chicago? Trop jeune. Roy n'est pas l'homme des reconstructions de six ans. Les portes se referment. Une à une. Et avec elles, les derniers espoirs de Roy de finir sa carrière dans la LNH en beauté.
Le plus cruel dans tout cela, c'est que s'il est congédié par les Islanders, Patrick Roy n'aura jamais eu la chance de réaliser son rêve ultime : diriger le Canadien de Montréal.
Ce poste qu'il a tant convoé, qu'il croyait mériter. Ce poste que Geoff Molson, Jeff Gorton et Kent Hughes ont préféré confier à Martin St-Louis. Si Long Island est la fin, c'est une fin sans panache, loin du Centre Bell, loin du mythe.
Ce cauchemar qui se dessine n'est pas qu'une simple mise à pied potentielle. C'est un enterrement symbolique. Le constat brutal que même les plus grands doivent un jour faire face à leur propre disparition du jeu.
Et aujourd'hui, dans l'univers froid de la LNH, Patrick Roy n'est plus le roi. Il est devenu un pion en sursis.
Et ce pion vient d'être mis en échec.