Remplacement de Félix Séguin par Denis Casavant: le Québec a parlé

Remplacement de Félix Séguin par Denis Casavant: le Québec a parlé

Par David Garel le 2025-10-28

C’est un chiffre qui a fait l’effet d’une gifle. Selon les données partagées par Maxime Truman, plus de 500 000 téléspectateurs ont regardé le premier match de la Série mondiale entre les Blue Jays et le Dodgers vendredi soir sur TVA Sports.

Le lendemain, le Canadien de Montréal affrontait les Canucks, toujours sur le même réseau. Et là, le choc : à peine un peu moins de 500 000 personnes en moyenne à la minute. Autrement dit, le baseball des Blue Jays a battu le hockey du Canadien… à la télévision québécoise.

Pour Félix Séguin, c’est comme si le ciel venait de lui tomber sur la tête. Car derrière cette statistique, c’est un verdict terrible : le public ne veut plus l’entendre.

Depuis des années, TVA Sports mise sur lui comme voix principale des matchs du Canadien. Il devait être la figure d’identification du hockey à la télévision francophone, la continuité d’une génération après Pierre Houde. Or, la réalité est sans pitié: le public décroche.

Les fans regardent le hockey ailleurs, souvent en anglais, ou choisissent tout simplement de changer de chaîne. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, mais les réactions sur les réseaux sociaux ont confirmé ce que beaucoup pressentaient : le fossé entre Félix Séguin et le public s’est transformé en gouffre.

Sous le message de Maxime Truman, les commentaires se sont accumulés à une vitesse folle :

« Les gens aiment Casavant, mais ne peuvent endurer Séguin. Ils écoutent le CH ailleurs. »

« Si Denis Casavant décrivait les matchs du Canadien, TVA Sports battrait RDS à chaque fois. »

« On n’écoute plus TVA Sports pour le hockey, on l’écoute pour le baseball. »

Ces phrases, dures, résument la réalité cruelle d’un réseau et d’un homme.

Pendant que Félix Séguin tente encore de se faire accepter, Denis Casavant est devenu, sans le vouloir, le chouchou de la foule.

Sa voix posée, sa diction parfaite, son calme naturel rappellent l’âge d’or du commentaire sportif. Il incarne la crédibilité, la nostalgie, le confort d’un ton qu’on connaît et qu’on respecte. 

Même quand il décrit le hockey pour les autres matchs que ceux du CH, Casavant est tout simplement parfait. 

Casavant, c’est le professionnel discret, celui qui fait aimer le sport sans se mettre entre le spectateur et le jeu.

Et c’est précisément ce qui manque à Séguin, qui a toujours voulu, à tort ou à raison, injecter de l’émotion, du rythme, du « spectacle » dans sa description.

Mais le malaise saute aux oreilles.

Lorsque Casavant est à l’antenne, que ce soit au baseball ou à un rare match de hockey, les réseaux s’illuminent.

Lorsqu’il n’y est pas, le silence se change en colère.

TVA Sports vit désormais cette réalité embarrassante : les matchs sans Casavant performent mieux que ceux du Canadien avec Séguin.

Pour TVA Sports, c’est une claque symbolique.

Que le baseball, sport de niche au Québec, attire davantage que le Canadien de Montréal en pleine saison, c’est une anomalie historique.

Mais c’est aussi la conséquence d’un malaise profond.

Depuis l’été dernier, la chaîne traverse une tempête : moqueries virales, bourdes en direct, séquences malaisantes. Félix Séguin, au cœur de plusieurs d’entre elles, est devenu malgré lui un symbole du malaise TVA Sports.

Chaque fois qu’il prend le micro, les réseaux sociaux se préparent à le juger.

Chaque samedi, il sait que la moindre erreur de ton, le moindre jeu de mots de travers, sera isolé, diffusé, ridiculisé.

Et pendant que Denis Casavant continue de livrer des performances solides au baseball, Séguin lutte pour simplement respirer entre deux vagues de critiques.

Ce n’est pas une guerre de cotes d’écoute. C’est une guerre d’âme.

Félix Séguin n’est plus seulement un descripteur de hockey : il est devenu le miroir d’une société médiatique qui brûle ses voix dès qu’elles dévient de la norme.

Il l’a déjà avoué, dans une entrevue passée :

« Je reçois de chaleur, en raison du poste que j’occupe. C’est sûr que ce n’était pas agréable. Il y a des trucs que je n’aimais pas ».

« Je ne peux pas plaire à tout le monde, alors il faut s’en remettre à ce qu’il faut contrôler. C’est-à-dire la préparation et le genre de coéquipier que tu es avec tes collègues. À un moment donné, tout finit par tomber en place.

Et si les gens savaient à quel point je suis critique avec moi-même… Je suis très exigeant. Des nuits à ne pas dormir, parce que je m’en voulais sur des erreurs que j’avais commises. Je suis le premier à savoir que je me suis trompé. »

Ces mots résonnent encore plus fort aujourd’hui. Car cette baisse d’auditoire n’est pas qu’une statistique, c’est une blessure constante.

Voir le baseball triompher sur son propre terrain, dans sa propre langue, sur son propre réseau, c’est une humiliation professionnelle et personnelle.

Pour un homme qui a consacré sa vie à ce métier, c’est un rappel cruel : la passion ne suffit plus.

Tout le monde au Québec connaît Pierre Houde.

Tout le monde a grandi avec son « et le but! » inimitable.

Et depuis dix ans, Félix Séguin tente, avec sincérité, d’imposer son propre style. Mais le public, lui, refuse de tourner la page.

Chaque samedi soir, c’est la même histoire : on ne commente pas le match, on commente la voix.

« Si Casavant décrivait le CH, j’écouterais TVA sans hésiter. »

« Denis, c’est la classe. Félix, c’est le chaos. »

La différence est cruelle, d’autant plus que Casavant travaille sur la même chaîne.

Il incarne tout ce que Séguin n’arrive pas à projeter : la maîtrise, la sérénité, l’unanimité.

Pour TVA Sports, ce renversement des cotes d’écoute est plus qu’un signal : c’est une alarme.

Le réseau qui s’est battu pendant une décennie pour imposer sa couverture du Canadien voit aujourd’hui son produit phare éclipsé par une équipe de baseball ontarienne.

Pour Félix Séguin, c’est un choc intime, un rappel brutal de sa fragilité médiatique.

Le plus dur, c’est de savoir que le public ne remet pas en cause le hockey.

Il remet en cause celui qui le raconte.

Voilà pourquoi Séguin s’est retiré des réseaux sociaux il y a déjà plusieurs années, un geste de survie plus qu’un simple choix professionnel.

Au début, il y participait comme tout le monde dans le milieu : pour partager ses analyses, interagir avec les amateurs, sentir la température du public.

Mais rapidement, le ton a changé.

« En étant plus dans l’ombre, tu reçois moins de chaleur », confiait-il récemment, lucide sur les dégâts que peut causer la surmédiatisation.

À TVA Sports, l’exposition quotidienne a transformé cette chaleur en brûlure.

La violence des commentaires, la constance des attaques et la fatigue mentale d’un homme qui, soir après soir, devenait une cible.

Et c’est là que le ciel s’effondre vraiment : quand la passion du hockey ne suffit plus à rassembler, parce que la voix qui la porte ne résonne plus.

TVA Sports a toujours défendu Séguin.

Même quand les critiques pleuvaient, même quand les chiffres vacillaient, le réseau a maintenu sa confiance.

Mais aujourd’hui, cette loyauté coûte cher.

Les revenus chutent, les audiences stagnent, et l’image du réseau s’effondre, alors que le patron Louis-Philippe Neveu tente par tous les moyens de grapiller quelques matchs du CH, alors que RDS a déjà obtenu 45 matchs sur 84 dans la license francophone de Sportsnet, et que Prime Vidéo, tout comme Crave, vont aussi avoir des matchs.

Les dirigeants le savent : tant que Félix Séguin sera la voix du Canadien, il y aura une fracture.

Mais ils persistent, par fidélité, par fierté, ou peut-être parce qu’ils savent qu’il n’y a plus d’alternative crédible à court terme.

Vendredi soir, 500 000 téléspectateurs ont écouté Denis Casavant raconter le baseball.

Samedi soir, moins de 500 000 ont écouté Félix Séguin raconter le Canadien.

Deux soirées. Deux voix. Deux mondes.

Et une vérité implacable : le Québec a choisi son narrateur.

Le ciel est tombé sur la tête de Félix Séguin.

Mais au fond, ce n’est peut-être pas la fin d’un homme.

C’est la fin d’une illusion... celle qu’on peut survivre éternellement à la désaffection du public sans en payer le prix.