Félix Séguin est rendu là. À ce point précis de sa carrière où l’on sent qu’il ne cherche plus seulement à bien faire son travail, mais à se faire aimer. À se faire accepter. À se faire pardonner.
Sa cote de popularité est au plus bas, TVA Sports est devenue une marque repoussoir chez les jeunes, et le commentateur se retrouve coincé entre deux mondes : une base de fans qui ne l’a jamais adopté et une génération qui ne regarde même plus la télé.
Donc il fait quoi? Il tente le grand écart. Et comme souvent dans ces cas-là, ça tourne mal.
Ce malaise a frappé fort dans une scène devenue virale : Félix Séguin qui, en ondes, tente d’approprier le vocabulaire de la génération Alpha en lançant un « six seven » pour prédire un score de 7-6, tout en assumant vouloir « faire suer les parents » pour plaire aux jeunes.
Voici la scène en vidéo. On vous avertit. Vous aller regardez pas terre tellement vous serez gênés:
Le problème n’est pas l’intention. Le problème, c’est le décalage. Parce que six seven n’est pas un langage, ce n’est pas un clin d’œil complice, et surtout, ce n’est pas un code intergénérationnel. C’est une expression absurde, née sur TikTok, sans signification réelle, utilisée précisément pour ne rien vouloir dire.
Pour être clair : "six seven" n’est pas une expression sportive, ni un slogan, ni un "inside joke" qu’on peut importer à la télévision comme un gadget.
Selon les sources culturelles (Know Your Meme, Merriam-Webster), l’expression provient d’une chanson de rap de Skrilla (Doot Doot), popularisée par TikTok, parfois associée à la 67e rue de Philadelphie ou au gabarit du joueur LaMelo Ball (6 pieds 7).
Mais dans son usage réel, "six seven" sert surtout à éviter une question, à rire sans répondre, à créer un non-sens volontaire. Bref : c’est exactement l’inverse de ce que Félix Séguin tentait de faire en ondes.
Et c’est là que le malaise devient total. Autour de la table, Maxim Lapierre, Éric Chouinard, Antoine Roussel, Elizabeth Rancourt… tout le monde est pris en otage.
Les rires sont forcés. Les regards fuient. Personne ne comprend vraiment où on s’en va. On sent une équipe obligée de suivre, de rire, d’accompagner le mouvement, parce que le malaise en direct est toujours pire quand on le laisse mourir.
C’est une scène typiquement TVA Sports : une bonne idée mal exécutée, un désir de modernité qui se transforme en gêne collective.
Ce qui rend la situation encore plus cruelle, c’est que Félix Séguin n’a pas besoin de ça. Il s’est amélioré. Même Réjean Tremblay l’a reconnu noir sur blanc : son analyse est plus solide, sa description est plus propre, son travail n’est plus celui des débuts digne de la télé communautaire.
Félix Séguin a déjà admis publiquement que les réseaux sociaux l’atteignaient profondément. Il ne s’en est jamais caché. Dans des entrevues accordées à la presse au fil des années, il a reconnu à quel point les commentaires, les comparaisons constantes et les attaques personnelles finissaient par laisser des traces.
Il a parlé de cette anxiété qui s’installe après les matchs, de cette hésitation avant d’ouvrir X ou Facebook, avant de décider de se retirer des réseaux sociaux complètement.
Il n'en pouvait plus du dénigrement gratuit, des insultes, des montages humiliants.
Séguin a souvent expliqué qu’il savait pertinemment qu’en acceptant un rôle aussi exposé, il s’exposait à la critique.
Mais il a aussi avoué que la violence et la répétition des attaques dépassaient parfois ce à quoi il s’attendait. Être comparé sans cesse à Pierre Houde, être réduit à une caricature de lui-même, être jugé non pas sur un match, mais sur une phrase, un mot de trop, un ton mal interprété… tout cela a fini par peser lourd. Trop lourd.
Et c’est là que le cercle devient vicieux. Plus la pression monte, plus chaque sortie est scrutée. Plus chaque tentative d’originalité est interprétée comme une erreur. Plus chaque malaise devient viral.
Mais à force de vouloir être aimé, il retombe dans le piège qui l’a toujours poursuivi : en faire trop. Trop expliquer qu’il est cool. Trop signaler qu’il comprend les jeunes. Trop chercher l’approbation.
Le Québec pardonne rarement l’effort visible pour plaire. Il aime l’authenticité, même imparfaite. Pierre Houde n’a jamais essayé de parler comme les jeunes. Il a toujours parlé comme Pierre Houde.
Félix Séguin, lui, semble constamment vouloir prouver qu’il est à la bonne place, au bon moment, avec le bon code culturel. Et chaque fois qu’il essaie, la réaction est la même : rejet, moqueries, malaise viral.
Le plus ironique, dans tout ça, c’est que les jeunes que Félix Séguin tente de séduire n’étaient même pas là pour l’entendre.
La génération Alpha ne regarde pas TVA Sports. Elle consomme des clips, des extraits, des memes. Et quand elle voit passer ce genre de moment, elle ne se sent pas interpellée : "cringe". Elle passe à autre chose. Pendant que le public traditionnel, lui, décroche encore un peu plus.
Félix Séguin n’est pas incompétent. Il n’est pas ridicule par nature. Il est pris dans une tempête identitaire médiatique qui dépasse sa personne : celle d’un réseau qui ne sait plus à qui il parle, ni comment.
Mais tant qu’il continuera à courir après une validation qui ne viendra pas, chaque tentative de modernité deviendra une preuve supplémentaire de déconnexion.
Et le pont qu’il essaie de bâtir avec le Québec continuera de s’effondrer… en direct.
