Violence à l’enfance: Florian Xhekaj sort de son silence

Violence à l’enfance: Florian Xhekaj sort de son silence

Par David Garel le 2025-11-23

Le témoignage vibrant de Florian Xhekaj... nous a donné la chair de poule...

Il y a des joueurs qui arrivent dans la LNH par la grande porte, célébrés, annoncés, escortés par les projecteurs. Et il y a ceux qui arrivent par la dure, la violente, la crue réalité : les bagarres de rue devant la maison familiale, les blessures répétées, les années ignorées au repêchage, les doutes qui rongent, les étés d’entraînement presque militaires.

C’est dans cette deuxième catégorie que se trouve Florian Xhekaj, un joueur forgé dans la résistance, dans la rudesse, dans l’adversité. Et c’est ce qui rend son témoignage à Anthony Martineau de TVA Sports non seulement puissant, mais bouleversant.

Parce que le jeune homme revient de loin. Très loin.

On l’avait déjà compris à travers ce que son frère Arber racontait, mais jamais Florian ne l’avait exprimé avec autant de clarté, autant de vérité, autant de vulnérabilité.

« Nous jouions dans la rue tous les jours en revenant de l’école… et ça finissait toujours par une bagarre », dit-il en riant, mais en décrivant un monde où la fraternité passe par les coups de bâton, les coups de poing, les fuites dans la maison en pleurant.

« Je n’aimais pas quelque chose, donc je lui donnais un violent coup de bâton. (à son frère Arber)

Évidemment, ça le mettait en colère, donc il répliquait avec un coup de poing… et nous laissions tomber nos gants en nous tapant dessus. »

« Je finissais toujours par courir dans la maison pour me plaindre à ma mère, mais elle me disait : “j’ai tout vu et c’est toi qui as commencé, donc ne viens pas pleurer à l’intérieur !” »

Ces combats ont façonné un caractère. Ils ont fabriqué un joueur. Ils ont construit un homme. Ils ont créé ce que le Canadien voit aujourd’hui : un ailier au style sans compromis, un jeune qui a appris à la dure à se relever, à encaisser, à riposter physiquement et mentalement.

« Avoir un grand frère, c’est la meilleure chose qui puisse t’arriver », dit Florian.

« Tu apprends à la dure, mais tu apprends assurément. »

Et Arber renchérit : « J’étais beaucoup plus gros que lui, donc je gagnais toujours! J’ai été dur avec lui parce que j’ai toujours su qu’il avait la force pour réussir. »

Cette force, elle vient aussi de leurs parents. De leur histoire. De leur passé. Une histoire que Florian rappelle quand il dit :

« Nous devons notre côté dur à nos parents. Ils sont arrivés en Amérique du Nord, ils n’avaient rien. Mais ils ont tout bâti. »

Tout dans la famille Xhekaj est né dans le combat :

Le père, Jack, Albanais originaire du Kosovo.

La mère, Simona, Tchèque, issue d’un pays brisé par les bouleversements politiques.

Deux mondes en crise, deux pays en guerre, deux chemins d’exil… qui finissent par se croiser dans un hôtel de Hamilton.

C’est dans ce décor que les Xhekaj ont appris la résilience. Le travail. La dureté. La loyauté. Et la fierté.

Et ce bagage invisible, Florian le transporte encore aujourd’hui. On l’entend quand il parle de ses blessures d’enfance, de ses doutes, de son absence forcée du hockey, des journées où il a pensé que tout était fini. On l’entend lorsqu’il dit : « Je suis revenu, et ma mère était là chaque jour. Je ne peux pas assez remercier ma famille. »

On l’entend lorsqu’il raconte qu’il a été ignoré au repêchage, une première fois, puis une deuxième. Et qu’il est revenu quand même, plus fort, plus dur, plus affamé.

L’été dernier, il a choisi une voie simple : s’entraîner comme une bête.

Il en parle sans flafla :

« Je voulais être prêt. Je me suis entraîné très, très dur. J’ai mangé énormément, j’ai pris 15 livres. Chaque jour, mon corps se transformait. »

Et quand on lui demande quel joueur il veut devenir, sa réponse sort sans hésitation, sans filtre :

Tom Wilson.

Le joueur le plus haï de la LNH et le plus redouté. Surtout, on parle du joueur le plus complet dans la combinaison « coups, puissance, intimidation, buts importants ».

Florian veut être ce joueur. Il veut marquer,  frapper et déranger.

Il veut changer le momentum d’un match.

Il veut être celui que personne ne veut affronter.

Et dans son entrevue à Anthony Martineau, il le dit avec une sincérité qui touche droit au coeur :

 « Je veux laisser une empreinte physique. Mais je veux aussi marquer des buts. Je veux tout faire. »

Cette ambition n’est pas une phrase "fake". Elle repose sur l’entraînement, sur l’éducation, sur les bagarres d’enfance, sur les valeurs parentales, sur les blessures dépassées, mais aussi  sur la relation férocement loyale entre deux frères qui, depuis leur enfance, se répètent la même chose avant chaque match :

« Bon match… sois dur. »

Cette relation, elle explose dans un souvenir que Florian livre à Martineau, et qui résume toute l’âme de cette famille :

« Le soir où les frères Tkachuk ont fait la loi contre le Canada et se tapaient dans les mains en gagnant le banc des pénalités, Arber m’a texté : “hey man, t’as vu ça?” Je lui ai répondu : “c’était débile! C’est mon rêve. On va y arriver.” »

C’est une phrase simple.

Mais c’est la phrase d’un garçon qui se voyait dans la peau des Tkachuk.

D’un garçon qui rêvait de transformer un match, de provoquer une réaction, d’être ce gars-là avec son grand frère.

D’un garçon qui rêvait d’être quelqu’un dans la LNH.

Aujourd’hui, le rêve n’est plus une projection.

Il est une réalité.

Un début de carrière de fou avec un combat gagné et un premier point dans la LNH.

Un moment où le hockey dépasse le hockey.

Parce que derrière les mises en échec, derrière les combats, derrière les statistiques et les minutes de punition, il y a un jeune homme de 20 ans qui porte sur son dos non seulement le rêve d’un enfant, mais l’héritage de parents qui ont dû reconstruire une vie entière.

Un jeune homme qui sait que rester dans la LNH sera plus dur que d’y entrer.

Un jeune homme qui sait qu’il devra encore frapper, encore se battre, encore produire, encore mettre sa vie en danger.

Florian Xhekaj ne fait que commencer.