TVA Sports a saboté la bagarre de Florian Xhekaj hier soir.
Pourtant, on parle d'un moment qui transcendent le sport... une séquence qui n'est pas seulement du spectacle, mais de la mémoire collective.
Samedi soir au Centre Bell, quand Florian Xhekaj a jeté les gants contre Dakota Mermis dans un premier match de la LNH déjà marqué par une aide, une présence physique écrasante et un contexte familial exceptionnel, nous étions au cœur d’un événement qui dépassait la simple bagarre.
C’était le baptême symbolique des deux frères Xhekaj dans le même match sous le chandail du Canadien. C’était un moment de fierté familiale et culturelle. C’était un moment télédiffusé pour être vécu, pas pour être coupé.
Et pourtant, TVA Sports l’a coupé.
Au lieu de laisser l'après-bagarre respirer, au lieu de capter la réaction des parents, le père qui lève le poing, la mère inquiète, au lieu de montrer Arber debout sur le banc, ému, à encourager son frère comme un soldat témoin d’un passage de flambeau, la chaîne est allée… en pause publicitaire...
La preuve de cette bourde est gravée à vie dans cette vidéo:
Instantanément au commercial. Au nom de l'argent. Sans émotion. Sans conscience que ce moment avait une portée historique.
C’est là que le contraste avec Sportsnet devient accablant.
Pendant que TVA Sports coupait brutalement l’image, Sportsnet diffusait en direct la réaction de la famille Xhekaj dans les gradins:
Ils ont même proposé une entrevue avec les parents juste après la bagarre, intégrée dans la diffusion. Sportsnet a montré la réaction d’Arber sur le banc, ce qui donnait des frissons dans le dos de tous les spectateurs... présents sur le réseau anglophone.
Sportsnet a compris. TVA Sports est passé à la caisse publicitaire.
On peut critiquer l’anglicisation du hockey, on peut critiquer Sportsnet sur d’autres dossiers, mais il faut être honnête : samedi soir, ce sont eux qui ont compris l’événement, pas la chaîne qui prétend incarner la culture québécoise du hockey.
Le pire, ce n’est pas seulement la coupure. C’est l’incapacité de TVA Sports à lire la charge émotionnelle du moment.
Ce combat n’était pas une bagarre ordinaire. C’était un rite de passage, un héritage familial transmis sur une patinoire de la LNH.
C’était un joueur qui, à son premier match, venait de se battre devant son père, réfugié albanais du Kosovo, qui a traversé la guerre, l’exil, la prison et la brutalité politique pour offrir à ses enfants la chance de rêver.
C’était un moment que n’importe quelle télévision axée sur l’histoire humaine aurait célébré.
La preuve est simple : la réaction à Montréal ne portait pas sur le but ou le score, mais sur l’émotion brute de la famille Xhekaj.
Et ce soir-là, TVA Sports n’a pas livré ce que le hockey montréalais mérite : une couverture qui va au-delà des arrêts de jeu et des breaks publicitaires. On ne demande pas du cinéma. On demande de comprendre le sport.
Ce moment méritait d’être raconté. Sportsnet l’a fait. TVA Sports l’a abandonné.
À un moment où les codes d’écoute s’effondrent, où les partisans consomment le hockey différemment, où la télévision traditionnelle cherche désespérément à conserver son public, couper un moment historique pour deux minutes de publicité, c’est l’erreur stratégique la plus grave qu’une chaîne sportive peut commettre.
On entend parfois que TVA Sports n’a pas les moyens de rivaliser avec Sportsnet. Ce n’était pas une question de moyens. C’était une question de jugement éditorial.
Ce soir-là, deux frères jouaient ensemble. Le cadet se battait, le Centre Bell explosait et Montréal vivait un moment télévisuel qui méritait d’être immortalisé.
TVA Sports a choisi de couper. Et c’est exactement pour ça que les fans changent de chaîne.
Mais on doit avouer qu'on était crampé en voyant leur entrevue d’après-match avec Florian.
C'est ce qui s'appelait... un chaos délicieux...
Un mélange d’anglais cassé, de blagues de taverne, et d’un Dave Morissette riant aux larmes, a livré quelque chose de profondément humain.
Maxim Lapierre riait comme si Dakota Mermis était un figurant dans un tournoi bantam, Antoine Roussel enchaînait des phrases en "anglais franchouillard", et l’ensemble ressemblait plus à une conversation de bar qu’à un plateau national. C’était maladroit, c’était loin d’être journalistique… mais c’était drôle, vivant, et bourré de sincérité.
Dès l’ouverture, Dave Morissette l’a accueilli comme un animateur de bar sportif :
« Numéro 63, Florian! Tellement heureux de te parler. Quelle folle journée : une assistance, presque un but, un combat… raconte-nous ça. »
Xhekaj, encore sur l’adrénaline, a simplement répondu que « c’était un tourbillon d’émotions », ajoutant qu’« il n’y a pas de meilleure façon de jouer un premier match dans la LNH qu’au Centre Bell contre les Leafs ».
Puis la discussion a basculé dans un échange plus familier que journalistique. Roussel a plaisanté en disant qu’ils avaient demandé l’avis de Dakota Mermis « et qu’il trouvait que tu avais fait un bon travail », ce qui revenait à rire d’un gars qui venait de se faire défigurer le visage devant tout le pays.
Assez limite de rire d'un gars qui vient de se faire corriger.
Lapierre a enchaîné sur les billets : « Qui a payé? Toi ou ton frère? » Xhekaj a répondu en riant : « Il les a pris. Quel grand frère. »
Morissette a ensuite demandé s’il allait dormir sur le sofa avec ses parents à l’appartement. Xhekaj a répondu :
Le moment le plus improbable est survenu lorsque les animateurs lui ont lancé, avec une fierté d’oncle un peu chaud :
« On t’appelle depuis des mois. Maintenant que tu es ici, on va te garder. Tu ne retournes pas à Laval, pas sur ce show. »
Ce n’était pas exactement du journalisme neutre; c’était un plateau qui célébrait un protégé, comme si les animateurs le ramenaient eux-mêmes à la maison en taxi.
Aucun segment ne résume mieux cette soirée que la demande finale de l’émission :
« Montre-nous ta main droite (en sang). Mets de la glace là-dessus. » Xhekaj l’a fait, presque comme un enfant qui montre sa blessure de cour d’école.
On peut reprocher à TVA Sports de ne pas savoir capter les moments qui comptent, d'être du journalisme de région, mais quand ils se laissent aller, ils réussissent parfois, malgré eux, à faire ressentir quelque chose.
Et samedi soir, dans cette catastrophe linguistique improbable, ils ont offert un moment télévisuel aussi imparfait qu’attachant.
On se console... comme on peut...
