Martin St-Louis ne veut plus rien savoir de Florian Xhekaj.
Il y a des moments où l’on comprend, en observant un simple entraînement ou un match comme hier, qu’un joueur vient de glisser du côté obscur de la liste des priorités d’un entraîneur-chef.
Et lundi matin, au Complexe CN, tout le monde a senti la même chose : Florian Xhekaj n’est plus dans les plans de Martin St-Louis. Pire encore : il ne l’a peut-être jamais été.
Alors que le jeune Xhekaj s’amusait avec son frère Arber à pratiquer des « faux combats », à rire en mimant des mises en échec et à frapper dans le vide comme deux adolescents se filmant pour TikTok à l’aréna municipal, le choc avec la réalité glaciale qui l’attendait quelques heures plus tard était d’une violence presque gênante.
Le Canadien s’apprêtait à affronter les Sénateurs d’Ottawa le lendemain, dans ce qui allait devenir un match physique, émotionnel, hostile, où chaque présence aurait dû être un test de caractère.
Florian, lui, arrivait au Centre Bell avec l’attitude d’un gars qui se prépare à une démonstration humoristique, pas à un duel contre Brady Tkachuk et son escouade de bûcherons professionnels.
Lorsque la rondelle a finalement été déposée sur la glace, la vérité a éclaté comme une bombe : Florian n’était pas prêt. Pas mentalement. Pas physiquement. Pas émotionnellement.
Ottawa, dès la première mise en jeu, a fait ce qu’une équipe adulte fait à un jeune qui joue au dur : elle l’a mangé tout rond.
Brady Tkachuk, fidèle à son style, hurlait dans la face des joueurs du Canadien après chaque sifflet.
Et quand Brady a foncé sur Montembeault au deuxième engagement, comme s’il s’agissait d’un pylône orange dans un exercice de pratiques, une seule question a traversé le vestiaire, les estrades, et la presse :
Où est Arber Xhelaj? Où est Florian Xhekaj?
Et la réponse était aussi dérangeante que simple : Florian était ailleurs. Totalement ailleurs.
Loin du trafic. Loin des batailles. Loin du rôle pour lequel il a été rappelé.
Ce n’est pas un hasard si Martin St-Louis l’a benché sans hésitation. Ce n’est pas un hasard si on l’a vu lui crier dessus sur le banc. Tout le monde près du banc du CH a vu l'altercation verbale.
Ce n’est pas un hasard si, après la rencontre, les gens proche de l’équipe disaient la même chose : Marty n’a pas du tout aimé son match.
Et ce n’est pas un hasard non plus si Renaud Lavoie, quelques heures plus tard, rapportait que Florian serait retiré de l’alignement contre Winnipeg. La décision n’a pas été prise sur un coup de tête. Elle n’est pas une simple rotation.
Elle est le résultat d’un profond désaveu.
Car il faut le rappeler : Martin St-Louis n’a jamais voulu rappeler Florian Xhekaj.
Les dirigeants à l’interne le savaient. Les journalistes qui couvrent l’équipe le savaient. Tout le monde savait que si Martin avait eu son mot à dire du début à la fin, l’organisation aurait rappelé n’importe qui d’autre.
Pourquoi? Parce que St-Louis ne croit pas, mais alors pas du tout, au profil de joueur de Florian.
Le coach veut de la vitesse, de la structure, de la fiabilité défensive, de l’intelligence tactique.
Florian, lui, offre l’inverse :
Un jeu chaotique, des décisions douteuses, des présences écourtées, un manque de lecture, et un rôle qu’il ne maîtrise pas.
Lorsque St-Louis a vu Florian rigoler avec son frère, pratiquer des séquences de combat comme deux gars qui sortent du gym, il a capté un signal clair : ce jeune-là n’avait absolument pas compris l’enjeu du match.
Et le lendemain soir venu, les frères Xhekaj se sont fait humilier.
Et quand St-Louis s’est penché vers lui pour lui hurler quelque chose, tout le monde a compris que la relation était fracturée.
On vous l’a écrit il y a des semaines :
St-Louis ne veut rien savoir de Florian Xhekaj, encore moins de son grand frère.
Il n’a pas confiance en lui.
Il ne croit pas en son futur.
Il ne croit pas en son processus.
Il ne croit pas qu’il peut jouer dans son système.
Et hier, tout cela a explosé au grand jour.
Ce n’est pas un hasard si Florian Xhekaj a été rétrogradé à Laval, question de préserver ce qu’il reste de son développement avant que la confiance ne soit complètement détruite.
Et c’est ici que la situation devient encore plus fascinante, parce qu’elle expose un élément central du malaise : la comparaison avec Arber.
Florian veut être un shérif comme son frère.
Il veut brasser comme lui.
Il veut instaurer sa présence.
Il veut devenir un symbole.
Mais la LNH ne pardonne pas l’imitation sans substance. Surtout que son frère... est un shérif déchu...
Et Martin St-Louis ne pardonne pas le manque d’exécution.
Et l’histoire retiendra que Florian Xhekaj n’aura jamais saisi sa chance, qu’il aura confondu spectacle et responsabilité, qu’il aura joué le rôle sans jouer le hockey.
Le fun qu’il avait avec son frère à l’entraînement?
Marty l’a vu.
Et il l’a détesté.
Dans une équipe qui cherche une identité, un standard, une maturité collective, Florian a offert l’inverse : la légèreté, la distraction, la naïveté.
Il y a des soirs qui expliquent tout.
Hier soir, Montréal a compris pourquoi Martin St-Louis ne veut rien savoir de Florian Xhekaj.
Et pourquoi Laval l’attend demain matin.
