C’est dans les défaites les plus humiliante qu’on peut parfois prédire l'avenir.
Et quand tu manges une volée de 7-0 dans ta propre patinoire et que ton entraîneur principal rit en entrevue d’après-match, tu comprends que ce club n’a peut-être jamais été construit pour gagner maintenant.
Que derrière les sourires figés, les leçons de vie qui parlent de progression et de développement, se cache peut-être un plan bien plus cruel qu’on ne l’imagine.
La vérité, c’est que le rêve Gavin McKenna n’a jamais été mort. Il a simplement été rangé dans un tiroir, à l’abri des regards, pendant qu’on faisait semblant d’y croire.
Pendant qu’on essayait de se convaincre que ce groupe de jeunes pouvait surprendre. Que le retour de Kirby Dach changerait tout. Que Montembeault allait enfin connaître une saison complète. Que Dobson était un sauveur. Que Lane Hutson allait réinventer la défense montréalaise. Mais la Ligue nationale ne ment pas longtemps.
Et ce qu’elle nous crie aujourd’hui, en plein visage, c’est que Montréal n’est qu’à quelques défaites de redevenir un club de loterie. Pas un club de séries. Pas une belle surprise.
À moins que la belle surprise, soit justement la loterie.
On regarde le classement ce matin, et on comprend soudain pourquoi Kent Hughes s’accroche à son choix de première ronde comme de l'or en barre.
Rien n’est stable. Rien n’est acquis. Dans l’Association de l’Est, seulement quatre petits points séparent les Maple Leafs de Toronto, au 14e rang, des Hurricanes de la Caroline, au 2e.
Le Canadien, lui, avec ses deux défaites humiliantes, est passé d’une position de force à une posture vulnérable, tout en restant officiellement premier de leur division. Mais pour combien de temps?
Dans l’Est, rien ne se détache. Le Canadien de Montréal, malgré deux dégelées consécutives, demeure dans le peloton de tête avec une fiche de 10-5-2. (1er de sa division, 3e de la conférence)
Mais seulement deux points le séparent des Rangers de New York, présentement premiers exclus des séries, et trois petits points le séparent des Blue Jackets de Columbus, qui étaient bons derniers il y a deux semaines.
Les Sénateurs d’Ottawa ont repris vie avec une fiche de 6-1-3 à leurs dix derniers matchs et rejoignent Montréal au sommet de l’Atlantique, mais le CH a un match en main.
Même les Maple Leafs de Toronto, 14es, ne sont qu’à quatre points de la deuxième place dans l’Est. Jamais le classement n’a été aussi serré.
Il suffit de deux victoires ou deux défaites pour passer du sommet à l’oubli.
Dans une année où Gavin McKenna est disponible, ça change absolument tout.
Car soyons honnêtes : Kent Hughes le sait. Il le savait déjà en août. Il a reçu les appels. On a tenté de lui voler son choix de première ronde.
À Nashville, on a mis Ryan O’Reilly sur la table. À Saint-Louis, Doug Armstrong lui a fait miroiter Jordan Kyrou. Et à chaque fois, Hughes a dit non. Il a tenu son bout. Non pas par foi aveugle en son alignement. Mais par lucidité.
Parce qu’il savait ce que nous, partisans et analystes, n’avons pas voulu voir : cette équipe est vulnérable. Elle peut s’écrouler à tout moment.
La raclée contre Dallas n’est pas un accident. C’est un symptôme. Un symptôme de fatigue mentale. De désorganisation tactique du côté de Martin St-Louis. De mollesse car on se croit trop beau, trop fin, trop bon.
Les vétérans finis comme Gallagher et Anderson se font chouchouter, Ivan Demidov et Zachary Bolduc restent dans la niche de Martin St-Louis, Jakub Dobeš, a fondu en larmes, puis a été victime de moqueries de l’adversaire, laissé à lui-même par ses coéquipiers, sans le moindre support défensif...
Sans parler de Samuel Montembeault qui va bientôt se faire commanditer par une compagnie de fromage suisse tellement il a des trous partout.
Pendant ce temps, le Québécois bafouille devant les caméras, incapable de composer avec la pression, incapable de cacher son malaise.
On peut bien blâmer les blessures, le calendrier, la jeunesse. Mais la réalité, c’est qu’aucune identité claire n’a été implantée.
Et quand Martin St-Louis rit après une humiliation, on se rend compte que plus personne ne pilote l’avion. Que le pilote automatique est enclenché, et que le crash est une option acceptée.
Et dans ce contexte, l’idée de voir Gavin McKenna glisser entre les doigts d’un autre DG prend tout son sens.
On ne parle pas d'un simple joueur d’élite. C’est un joueur capable de changer la trajectoire d’une franchise. De redéfinir l’ADN d’une attaque à la Connor McDavid.
Imaginez McKenna... avec Demidov... et Zharovsky ou Hage au centre.
Wow. Imaginez la flamboyance, l'arrogance même, qui manque cruellement à cette édition trop sage du Canadien.
Kent Hughes le comprend. Il sait que le projet de reconstruction du CH, qui s’étire déjà depuis trop longtemps, n’atteindra jamais son apogée sans une pièce manquante de cette ampleur.
Et c’est pour cette raison qu’il a refusé de sacrifier son choix de première ronde. Parce que tant que ce rêve reste mathématiquement possible, il faut le préserver.
Tant que le classement de l’Association de l’Est demeure aussi serré, il faut garder la porte ouverte, à force de dégelées encaissées, de blessures (newhook), et d’un entraîneur qui sourit au chaos.
Il faut le dire : ce n’est pas normal de voir une équipe aussi fragile mentalement à la mi-novembre. Ce n’est pas normal de voir un club qui menait l’Atlantique deux semaines plus tôt s’effondrer aussi brutalement sans réaction.
Ce n’est pas normal de voir des vétérans comme Anderson, Gallaghet et compagnie se comporter en touristes, pendant que les jeunes pleurent dans le vestiaire... et dans la niche de St-Louis.
Et si ce n’est pas normal, alors il faut envisager l’hypothèse suivante : et si c’était voulu?
Et si Kent Hughes avait compris, avant tout le monde, que cette saison n’était pas celle de l’accélération? Que la seule vraie victoire possible cette année, c’était de tirer un Gavin McKenna au repêchage?
Et si, au fond, Martin St-Louis ne rit pas d’indifférence, mais parce qu’il sait que c’est ça, le plan?
Alors non, le rêve Gavin McKenna n’est pas mort. Il est plus vivant que jamais. Parce que parfois, pour mieux reconstruire, il faut accepter de descendre une marche de plus.
Et Montréal est déjà en train de la descendre.
