Geoff Molson ne s'attendait pas à ce que la vérité sorte. Le propriétaire du CH est tout simplement pris la main dans le sac.
Il y a des vérités qu'on garde pour soi, et d'autres qui, une fois dites à haute voix, brisent des décennies d'hypocrisie institutionnelle.
Lorsque Michel Therrien, l’ancien entraîneur-chef du Canadien, a affirmé publiquement que Geoff Molson et son groupe de propriétaires ne veulent absolument pas du retour des Nordiques à Québec, il n’a pas simplement lancé une opinion. Il a révélé, avec autorité et expérience, un secret de Polichinelle que le CH tentait de camoufler depuis 15 ans.
Un secret que Geoff Molson lui-même a toujours nié publiquement, mais que les gestes ont souvent trahi.
Et aujourd’hui, comme pour confirmer que la fracture est bien réelle, Jean Martineau, ancien directeur des communications des Nordiques et de l’Avalanche, en a rajouté une couche.
Dans une entrevue livrée à Radio X, il a décidé de dévoiler la vérité. Il a affirmé que Joe Sakic, dirigeant de l’Avalanche, avait personnellement contacté les Canadiens de Montréal cet été pour leur demander l’autorisation de porter le chandail des Nordiques lors du match au Centre Bell, prévu le 29 janvier 2026.
« Et on attend encore un retour d’appel », a-t-il lâché, visiblement amer.
Le silence de Montréal est éloquent. Il ne fait plus de doute que le CH refuse catégoriquement de voir ce chandail dans son amphithéâtre.
Pas même pour une simple initiative marketing. Pas même pour honorer une page de l’histoire québécoise du hockey. Parce qu’au fond, le Canadien ne veut pas partager. Ni l’héritage. Ni les revenus. Ni le territoire.
« C’est encore difficile pour le CH quand il est question des Nordiques. Le territoire québécois est encore sous l’emprise du club de Montréal en termes de hockey. » rajoute Martineau.
Selon lui, toute tentative de redonner vie à l’identité de Québec est perçue comme une menace. Même le simple port d’un chandail rétro est trop risqué.
Pour bien comprendre cette crise d’image, que certains appellent désormais le « Martineaugate », il faut revenir à la base : le CH n’a jamais digéré le retour potentiel des Nordiques.
En 1959 déjà, l’organisation montréalaise s’était opposée à ce que la Ligue américaine s’installe à Québec. En 1979, elle avait rechigné avant d’ouvrir la porte à une fusion réelle entre l’AMH et la LNH, laquelle inclurait les Nordiques.
Les faits sont là. Et maintenant, 46 ans plus tard, la direction actuelle continue de mettre des bâtons dans les roues du moindre projet ou symbole lié à Québec.
Et si certains doutaient encore de cette guerre froide, les propos de Therrien ont tout confirmé :
« Le groupe de propriétaires du Canadien, présidé par Geoff Molson, et j’étais dans l’entourage de l’équipe à ce moment-là, ils ne veulent pas des Nordiques. »
« Mets-toi à sa place. Il ne peut pas sortir et dire "je ne veux pas avoir les Nordiques, je veux garder tous les revenus pour moi". »
« La rivalité et l’engouement que ça créerait, ce serait incroyable pour le Québec. Je pense que ce serait important. Malheureusement, avec le groupe de propriétaires qui est avec le Canadien de Montréal, je pense qu’ils ne veulent pas avoir les Nordiques dans le décor. »
« Maintenant que je ne suis plus coach, c'est pour ça que je suis un peu plus capable de m’exprimer qu’avant. Quand t’es dans la "game", tu ne veux pas trop parler et déplaire. »
Parce qu’il n’a plus à protéger les sensibilités politiques du vestiaire montréalais. Et surtout, parce que Geoff Molson a menti. Pendant longtemps.
L’impact de cette révélation est considérable. Le CH se retrouve en pleine crise de réputation. Molson a toujours clamé son soutien au retour des Nordiques. Il l’a dit devant les caméras. Il l’a écrit dans des communiqués. Il l’a soufflé à Gary Bettman lors de rencontres informelles. Mais l’aveu de Therrien confirme qu’il a joué un double jeu.
Et le coup de grâce est venu de Jean Martineau. En révélant que l’Avalanche a tenté une approche cordiale, simplement pour porter un chandail rétro, et que cette demande a été ignorée, Martineau expose un refus passif-agressif, mesquin et calculé. Le Canadien n’a même pas eu la décence de répondre.
Pourquoi? Parce que Molson ne veut pas d’un seul centimètre carré de visibilité pour les Nordiques au Centre Bell. Même si ce n’est qu’un chandail. Même si c’est l’équipe du Colorado. Même si la moitié de la province en rêve. La réponse est : non.
Ce silence volontaire est un affront à tous les amateurs de hockey de Québec. Ceux qui, comme Régis Labeaume, ont déjà abandonné le projet Nordiques pour embrasser le CH, doivent aujourd’hui se demander s’ils n’ont pas été dupés.
Molson leur fait comprendre que le passé des Nordiques n’a pas sa place à Montréal. Pas même sous forme de nostalgie. Pas même pour vendre des billets. Le message est clair :
« C’est mon territoire. Et je ne veux pas voir ce logo ici. »
Cette posture n’est pas sans rappeler celle des Blue Jays, qui, à Toronto, ne cachent pas leur soulagement de ne pas voir renaître les Expos à Montréal. Même dynamique. Même peur de partager les revenus, le prestige, les fans. Même mépris mal camouflé.
Ce que Molson semble oublier, c’est que le CH a une responsabilité culturelle au Québec. Pas simplement économique. Le Canadien est perçu comme le représentant du hockey québécois à l’échelle mondiale, et à ce titre, il devrait soutenir toutes les initiatives qui font rayonner ce sport dans la province.
Mais ici, ce n’est pas ce qui se passe. Comme le dit Therrien :
« C’est dommage, car je trouve quand même que le Canadien a une responsabilité envers les amateurs et les joueurs de hockey, et aussi le personnel. La rivalité et l’engouement que ça créerait, ce serait incroyable pour le Québec. »
En refusant de participer à cette idée d’un Québec hockey pluraliste, avec deux équipes, deux visions, deux couleurs, Molson s’enterre dans une vision "business", fermée, protectionniste, qui ne pense qu'à l'argent. Une vision qui ne correspond plus aux aspirations des jeunes générations.
Et maintenant?
La pression s’accentue sur Molson. La stratégie du silence ne fonctionnera plus. La sortie de Therrien a fait tomber le masque. Celle de Martineau a exposé les preuves. Et le public, lui, n’est pas naïf.
On se demande aujourd’hui si l’Avalanche osera braver l’interdiction implicite et porter le chandail des Nordiques au Centre Bell malgré tout. On doute. Mais la provocation est lancée. Et elle résonne jusqu’aux bureaux de la LNH.
Geoff Molson devra répondre. À ses partisans. Aux médias. À Gary Bettman. Et surtout, à l’histoire.
Car en refusant de permettre aux Nordiques d’exister, même symboliquement, il commet une erreur stratégique. Il s’isole. Il amplifie la haine.
Et il alimente une nouvelle génération de nationalistes du hockey, prêts à ressusciter la rivalité avec ou sans son consentement.
