Ce que tout le monde pressentait est maintenant une certitude : Patrick Roy conservera son poste d’entraîneur-chef des Islanders de New York. Et ce, malgré toutes les tensions, les chuchotements de coulisses, les menaces de reconstruction et l’arrivée fracassante de Mathieu Darche comme nouveau patron hockey.
Dans cette guerre des tranchées, le roi n’a pas été délogé. Au contraire, il a consolidé son emprise.
La primeur, on l’avait donnée ce week-end en direct de Rimouski : Patrick Roy avait déjà parlé à Mathieu Darche avant même que son embauche soit officialisée.
Les bases de cette alliance québécoise étaient déjà en place bien avant que les projecteurs ne s’allument. Et aujourd’hui, c’est officiel : Roy reste.
Darche et Roy, ce sont deux cerveaux hockey forgés par des parcours très différents. L’un dans les bureaux feutrés des équipes championnes comme Tampa Bay, l’autre sur le banc des arénas de la LHJMQ, avec son cœur en feu, son regard de feu sacré, ses colères mythiques. Et pourtant, ces deux-là se sont trouvés. Ils se sont reconnus. Le lien est là.
Roy peut souffler. Il peut se laisser pousser la barbe. Plus de Lou Lamoriello pour dicter l’ordre de rasage. Fini l’ancien régime. C’est l’heure d’une nouvelle ère, et Roy n’a pas à se faire petit. Il est là pour rester. Et surtout, il est là pour parler. Pour influencer. Pour bâtir.
Car oui, les murmures ne mentent pas : Mathieu Darche aurait même l’intention de l’impliquer activement dans les décisions hockey. Pas juste sur le banc, mais aussi dans les coulisses.
Roy, le coach ? Oui. Mais aussi Roy, le mentor, le visionnaire, le cerveau d’un projet plus large. Il ne sera pas une simple marionnette d’un DG flambant neuf. Il sera son bras droit, son confident… ou son plus redoutable adversaire si jamais les lignes de fracture refont surface.
Et c’est bien là que réside tout le drame qui se joue à Long Island.
Le duel évité : Marc Bergevin. L’autre candidat en lice pour le poste de DG, l’ancien directeur général du Canadien de Montréal, croyait dur comme fer que le poste lui revenait.
Il avait déjà planifié son retour. Il avait la cravate prête, les entrevues prêtes pour les journalistes anglophones (et son mépris préparé pour les médias francophones), et même son discours de victoire. Il était persuadé que la partie était gagnée.
Mais il a commis une erreur fatale. En entrevue avec les propriétaires, Bergevin aurait clairement dit qu’il montrerait la porte à Patrick Roy dès son arrivée.
Une déclaration qui a glacé la salle. Parce qu’on ne parle pas ici d’un simple congédiement : on parle d’un coach sous contrat pour trois ans, aimé des fans, charismatique, et lié à la résurgence émotionnelle de l’équipe.
Ce commentaire a été vu comme une provocation inutile, un excès d’orgueil. Les propriétaires n’ont pas apprécié. Et Patrick Roy, une fois de plus, a eu le dessus sur Bergevin.
Comme à Montréal, comme dans cette lutte sourde entre deux figures emblématiques du hockey québécois qui ne se supportent pas.
Et pour ceux qui suivent cette guerre froide entre Roy et Bergevin depuis plus d’une décennie, ce qui vient d’arriver à Long Island a une résonance particulière.
Parce qu’en 2012, lorsque le Canadien de Montréal cherchait un nouveau directeur général, Patrick Roy avait lui-même été convoqué en entrevue… par Marc Bergevin. Ce dernier, fraîchement nommé DG, avait accepté d’écouter Roy, qui rêvait à l’époque d’un retour triomphal derrière le banc du Tricolore.
Mais ce que peu de gens savaient à l’époque, c’est que Roy, fidèle à lui-même, avait renversé l’entrevue. Au lieu de vendre sa vision comme entraîneur-chef, il avait critiqué la direction, remis en question la structure organisationnelle du Canadien, et même mis en doute les capacités de gestion de Bergevin lui-même.
C’était du Roy tout craché : franc, brutal, intransigeant. Une attitude qui a fermé la porte à Montréal… mais qui a aussi laissé une blessure ouverte entre les deux hommes.
Treize ans plus tard, la revanche de Patrick Roy est totale. Celui qui s’était fait snober en 2012, celui qui s’était fait ridiculiser par certains médias montréalais pour avoir osé rêver à un retour, est aujourd’hui bien en selle dans la LNH, et surtout : il vient de barrer la route à Marc Bergevin.
Encore. Ce n’est pas seulement une victoire professionnelle. C’est une victoire personnelle, cinglante, cruel. Le genre de triomphe qui fait sourire un homme seul dans son bureau, le soir venu, en repensant au chemin parcouru.
Roy a donc gagné. Littéralement. Il garde son emploi, voit son influence croître, et assiste de loin au désespoir de Bergevin, rejeté une fois de plus par une organisation de la LNH.
Et pendant ce temps, le Québec vibre.
Parce que soyons clairs : les Islanders sont en train de devenir l’équipe des Québécois. Darche. Roy. Deux têtes de file francophones.
Un vestiaire où le français va s’imposer comme une langue officielle. Une synergie que même le Canadien de Montréal n’est plus capable de cultiver.
À Montréal, Kent Hughes, Jeff Gorton et Martin St-Louis discutent exclusivement en anglais. À Long Island, on parle la langue de Gilles Villeneuve et de Maurice Richard.
Et jeudi, tout va exploser.
Mathieu Darche sera présenté officiellement à la presse. Ce sera sa première sortie publique dans son nouveau rôle. Un baptême du feu. Il devra répondre à tout : la vision, les rumeurs de reconstruction, le sort de Roy, la débâcle de la fin de saison, le cas Anthony Duclair, les frictions internes… et surtout, l’avenir.
Darche sera attendu au tournant. Ce n’est pas Julien BriseBois qui sera à ses côtés. Ce ne sont plus les coulisses de Tampa. C’est lui, seul, face aux journalistes, au public new-yorkais, et aux médias québécois qui feront le voyage pour voir ce que leur compatriote a dans le ventre.
Va-t-il reconstruire ? Va-t-il garder Barzal et Horvat ? Va-t-il échanger Noah Dobson, Ilya Sorokin ? Que va-t-il faire avec un noyau qui n’a plus de jus, mais qui coûte une fortune ?
Et surtout : comment va-t-il gérer Patrick Roy ?
Parce que oui, Roy reste. Mais à quel prix ? Va-t-il avaler une reconstruction ? Va-t-il laisser partir ses vétérans un à un ? Ou va-t-il imposer sa vision et exiger du renfort immédiat ? Va-t-il se contenter de coacher ? Ou va-t-il devenir la force dominante dans les décisions hockey ?
Une chose est sûre : Darche est coincé. Il ne peut pas virer Roy — le contrat est trop lourd, l’image trop forte, le soutien trop vaste. Il ne peut pas ignorer Roy — ce serait l’insulter. Il ne peut pas le contredire publiquement — ce serait rentrer directement dans le mur.
Il doit donc jouer finement. Parler comme un avocat. Jongler entre vérité et diplomatie. Exposer une vision sans trahir son coach. Proposer un futur sans menacer le présent. Ce sera un exercice de relations publiques de haut niveau.
Jeudi, à Long Island, ce sera la première page du nouveau roman. Un roman où Patrick Roy détient toujours la plume… et où Mathieu Darche devra écrire entre les lignes.
Et pendant que tout le monde regarde vers le UBS Arena, une chose est claire : Marc Bergevin, lui, ne regardera pas la conférence. Parce qu’il sait. Il sait que c’est encore Patrick Roy qui a gagné.