Il y a des journées qui changent une carrière. Des journées qui brisent la confiance, qui laissent des cicatrices profondes, non pas sur le plan physique, mais dans l’âme d’une athlète.
Ce mardi 29 juillet à l’Omnium Banque Nationale de Montréal, ce n’est pas seulement Leylah Fernandez qui a été vaincue. C’est toute une organisation, tout un tournoi, qui s’est couvert de honte.
Une promesse brisée. Une Canadienne trahie. Une vedette humiliée.
Leylah Fernandez n’est pas une joueuse comme les autres. Elle est une fierté nationale. Une battante née à Montréal, qui, à seulement 22 ans, traîne sur ses épaules le poids des espoirs d’un pays.
Dimanche, elle remportait à Washington le titre WTA 500, un exploit retentissant qui aurait dû faire vibrer tout le Québec.
Mais deux jours plus tard, sur le court central du Stade IGA, la magie s’est dissipée sous un soleil écrasant. Non pas par manque de talent ou de volonté, mais à cause d’une organisation qui l’a laissée tomber.
« On a reçu des promesses, des gens responsables des horaires, que j’allais peut-être avoir un match de soir, et on ne l’a pas eu, » a lâché Leylah en sanglots, deux heures après sa défaite humiliante contre l’Australienne Maya Joint (6-4, 6-1).
Une promesse, ce n’est pas rien. Ce n’est pas un détail anodin. C’est un contrat moral. Une parole donnée. Et dans le sport de haut niveau, les détails comptent.
Le corps d’une athlète n’est pas une machine. Leylah était arrivée à Montréal à 2 h du matin lundi, à peine quelques heures après avoir soulevé un trophée dans une autre ville. Elle méritait un répit. Elle méritait qu’on l’écoute. Elle méritait mieux.
Un match à midi, sous une chaleur suffocante, après une semaine de feu… pourquoi?
« Plutôt que de célébrer, mon coach (son père, Jorge Fernandez) et moi, on était fâché, » a-t-elle confié.
Oui, fâchés. Et avec raison.
Le pire? Ce n’est pas seulement qu’on l’ait placée en plein soleil, à 12 h 30, alors qu’il faisait 35 degrés Celsius, 42 avec le facteur humidex, ce qui est quasiment criminel pour une athlète en récupération. Le pire, c’est l’absence d’explication. L’absence de considération. L’absence de respect.
« On a tenté de parler avec le superviseur du tournoi, avec les responsables, pour connaître les raisons, » a poursuivi Jorge Fernandez, manifestement ébranlé par cette injustice.
Mais aucune réponse claire. Aucune justification valable. Et pendant ce temps, d'autres joueuses ont, elles, bénéficié d’un traitement de faveur. Certaines ont joué en soirée. Certaines ont été ménagées. Pourquoi pas Leylah?
La grande question : où était Valérie Tétreault, directrice de l’Omnium Banque Nationale? Où étaient ses mots de soutien? Son courage? Son sens du devoir?
Lorsque le clan Fernandez affirme que quelqu'un leur a menti, c'est clairement Tétrault qui est visée.
À l’heure où Leylah pleurait devant les caméras, brisée, Tétreault, elle, brillait par son silence. Pas un mot. Pas une excuse. Pas même une tentative d’assumer ce fiasco logistique, ce manquement fondamental à sa mission.
Il faut le dire : Valérie Tétreault a failli à son devoir. Elle n’a pas protégé une athlète canadienne. Elle ne l’a pas honorée comme elle le méritait, comme le font tous les grands tournois avec leurs étoiles locales.
Car ce n’est pas un luxe qu’elle demandait. C’était une simple reconnaissance. Celle d’une championne, qui venait de donner tout ce qu’elle avait à Washington, et qui n’avait besoin que d’une chose : un peu de temps.
Et ce qui devait être un triomphe s’est transformé en humiliation nationale.
Des décisions politiques, vraiment?
« Mais vous savez, ce sont un peu des enjeux politiques, » a glissé Leylah, visiblement à bout.
Cette phrase-là, il faut l’entendre. Il faut la répéter. Des enjeux politiques. Autrement dit, des décisions prises en coulisses, qui n’ont rien à voir avec le sport, avec l’équité, avec la logique.
Qui a été favorisée? Qui a été désavantagée?
Pourquoi une Canadienne, championne en titre d’un tournoi WTA 500, est-elle traitée comme une figurante dans SON propre pays?
Est-ce qu’on a voulu l’écarter du prime time pour favoriser une autre tête d’affiche? Est-ce qu’on a cédé à la pression d’agents influents, de sponsors, de partenaires? Si c’est le cas, c’est un scandale.
Et ce scandale-là, il porte un nom : l’Omnium Banque Nationale.
Une organisation qui a failli.
Une athlète qui se bat en silence
Mais au-delà du sport, au-delà de cette débâcle organisationnelle, il y a une histoire humaine. Une histoire de courage. De douleur tue. De résilience.
Lors du point de presse, Jorge Fernandez a dévoilé une vérité déchirante. Sa fille, soeur Leylah, a traversé l’enfer ces derniers mois.
« Juste pour vous dire, c’est ma plus grande fille. On a trouvé une tumeur de 5 cm sur la superficie de son cerveau. Donc, on a passé à travers un moment incroyablement difficile : une chirurgie de plus de 14 h. Elle a été dans un stade de récupération pendant 14 jours. »
Et dans tout ça, Leylah, n’a jamais utilisé cette épreuve comme excuse.
« Des fois, il y a des choses qui se passent dans la vie qu'on doit peut-être s'imaginer. Et spécialement avec Leylah qui ne se plaint jamais. Jamais. Elle n'a jamais rien dit. Elle a toujours gardé ça dans sa tête. »
Silence. Choc. Respect.
Cette jeune femme de 21 ans a vu sa soeur subir une opération cérébrale de 14 heures. Elle a vu la peur dans les yeux de ses proches. Et elle est revenue sur le terrain, sans se plaindre, sans dire un mot, avec une détermination de feu.
Et c’est cette athlète-là qu’on a malmenée, trahie, envoyée dans la fournaise de midi comme si elle ne comptait pas.
La honte... d’un tournoi sans honneur...
L’Omnium Banque Nationale est un événement qui prétend mettre en valeur les joueuses, qui se dit au service du sport féminin, de l’excellence canadienne. Mais mardi, ce tournoi a révélé son vrai visage : celui d’une institution incapable de reconnaître le moment, de soutenir ses athlètes, de tenir parole.
Et ce n’est pas seulement une gaffe logistique.
C’est une faute morale.
Une faute qui ne pourra être réparée qu’avec des excuses publiques, des aveux, une prise de responsabilité.
Mais à l’heure actuelle, ni Valérie Tétreault, ni Tennis Canada, ni l’organisation du tournoi ne semblent vouloir affronter la tempête. Et ça, c’est encore plus grave que la défaite de Leylah.
Leylah mérite mieux. Le Québec mérite mieux. Le tennis mérite mieux.
Et tant que ceux qui l’ont laissée tomber ne répondront pas de leurs actes, ce tournoi continuera de se dérouler sous une ombre.
Car à Montréal, cette semaine, on a pleuré Leylah. Et pas seulement pour une défaite.
Mais parce qu’on l’a vue, au bout du rouleau, trahie, seule. Et parce que personne, absolument personne, n’a eu le courage de dire : on s'est trompé.