Pour ceux qui en doutaient encore, l’annonce du duo partant du Canadien pour le back-to-back en Alberta vient de mettre fin au suspense : c’est Jakub Dobeš qui obtient le départ de ce mercredi soir à Calgary, pendant que Montembeault devra affronter, jeudi, les Oilers d’Edmonton.
Autrement dit, Dobeš hérite du match « facile » contre les Flames, une équipe au fond du trou, bonne dernière de la LNH, pendant que Montembeault est jeté dans la gueule du loup, sans repos, contre le monstre à deux têtes de McDavid et Draisaitl.
Une façon diplomatique de dire que l’organisation veut offrir à Dobeš une victoire facile et une rampe de lancement vers le statut de #1, pendant qu’on observe froidement si Montembeault va s'effondrer.
Parce que si Montembeault avait encore la moindre priorité dans le plan de match du CH, c’est contre Calgary qu’on lui aurait donné une chance de se racheter. Pas à Edmonton, pas dans un back-to-back, pas contre les finalistes de la dernière Coupe Stanley.
Ce choix, qui peut paraître banal, est en fait une déclaration politique : Samuel Montembeault n’est plus le gardien d’avenir à Montréal. Il est en sursis.
Le pire dans tout ça, c’est que Montembeault ne semble même pas le réaliser. Lors de ses dernières prises de parole, il a affiché un calme quasi déconcertant, comme si la tempête n’existait pas.
Il a dit qu’il « travaillait avec Éric Raymond », qu’il fallait « revenir aux choses simples », qu’il fallait « être plus patient », qu’il pensait peut-être « un peu trop » durant ses matchs. Il a même ajouté que « ce genre de performance-là, ça arrive » en référence à ses prestations où il a accordé quatre buts deux fois de suite, et terminé son match avec un pourcentage d’arrêt de ,857 depuis le début de la saison, bon pour le 50e rang de la LNH.
Il a expliqué que c’était une question de « timing », que tout cela serait moins visible si c’était arrivé « en janvier » plutôt qu’en début de saison.
On croirait entendre un vétéran en fin de carrière relativiser une mauvaise soirée, alors qu’il est supposé se battre pour sa vie. À la place d’un feu intérieur, on ressent un homme résigné. Un gardien de but qui parle comme s’il était spectateur de sa propre chute.
Le plus troublant, c’est sa réponse au sujet de Jakub Dobeš.
« Je ne pense pas qu’il y a de la compétition avec Jakub, a-t-il lancé. Tous les deux, on veut juste aider l’équipe… Je suis content pour lui, il connaît du succès et il travaille fort. » Voilà.
Le poste de #1 lui glisse des mains, et il sourit. Il est content pour l’autre. Il refuse le combat. Cette attitude, aussi louable humainement soit-elle, est fatale dans une ligue comme la LNH.
Les grands numéros un, de Patrick Roy à Carey Price, ont toujours carburé à la compétition. Ils n’aimaient pas voir un jeune monter. Ils voulaient tous les départs. Ils exigeaient leur filet.
Montembeault, lui, minimise. Il rationalise. Il accepte. Et c’est précisément pour cela qu’il ne deviendra jamais ce que le Canadien avait un jour rêvé qu’il puisse devenir.
Ce qui rend cet effondrement encore plus douloureux, c’est qu’il ne se vit pas dans le silence ou dans l’ombre. Il se vit sous les projecteurs cruels de Montréal, là où les critiques ne dorment jamais.
Et ce n’est plus seulement Samuel Montembeault qui en souffre. Sa famille aussi commence à en porter le poids. Sa mère, Manon Royer, avait déjà exprimé son indignation plus tôt cette saison au micro du 98.5 FM avec Philippe Cantin, bouleversée par le flot de commentaires négatifs envers son fils.
Elle ne comprenait pas l’acharnement. Elle parlait avec émotion de l’ingratitude des partisans, du silence de l’organisation, du poids que ça mettait sur les épaules de son fils. Et aujourd’hui, avec le recul, on comprend que ce n’était pas une simple sortie émotive. C’était un cri d’alarme.
Car pendant que Dobeš s’installe tranquillement comme le nouveau chouchou de la foule, Montembeault est devenu le punching bag de tout un marché.
Il n’y a qu’à faire un tour sur les réseaux sociaux pour mesurer la violence des propos à son endroit. On le traite de passoire. On l’accuse de ne pas être à la hauteur. On réclame son échange. On rêve déjà de Jacob Fowler.
On le traite de numéro deux incapable de voler un match. Et tout cela, sa famille le voit. Ses proches le lisent. Et ce sont eux qui encaissent, impuissants, pendant que le club le pousse sur la glace face aux Oilers comme si on voulait le livrer à l’abattoir.
Même certains journalistes commencent à s’en inquiéter. Des commentateurs de BPM Sports, de TVA Sports, RDS et même de Radio-Canada commencent à dire que « le monde est sans pitié ».
Que « Montembeault ne mérite pas ça ». Que « c’est cruel ». Que « l’organisation devrait être plus claire dans sa communication ».
Mais il est trop tard. Le mal est fait. La pression est montée. Et Montembeault, fidèle à lui-même, continue de sourire devant les micros, disant qu’il est « content pour Dobeš », qu’il « travaille fort avec Éric Raymond », qu’il ne se sent pas menacé. Comme s’il ne réalisait pas qu’il est en train de tout perdre.
Mais dans les faits, ce match contre les Oilers est plus qu’un simple test. C’est une tentative d’humiliation. Parce qu’on aurait pu lui donner Calgary. On aurait pu inverser les rôles. On aurait pu lui tendre la main. Mais on a choisi de le mettre dans une situation où l’échec est presque inévitable.
On a choisi de laisser Dobeš à Calgary, face à une équipe molle, bonne dernière. Et d’envoyer Montembeault, sans repos, dans la fournaise d’Edmonton, contre le duo le plus explosif de la LNH. Ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas neutre. C’est un message.
Et ce message est dur à avaler pour tout le clan Montembeault. Le gardien québécois, qui avait signé un contrat modeste de trois ans sans aucune garantie, commence à comprendre que son avenir ne s’écrit plus à Montréal. Et pour ses proches, cette trahison est ressentie comme une blessure.
Car Samuel est un bon gars. Trop bon peut-être. Un gardien loyal, généreux, sans ego, qui n’a jamais réclamé son filet, qui a toujours accepté de partager le travail. Mais dans cette ligue, et surtout dans cette ville, la bonté ne suffit pas.
Le match de jeudi à Edmonton s’annonce comme un point de bascule. Si Montembeault s’écroule contre McDavid et compagnie, l’organisation aura toute la justification du monde pour confier officiellement les clés à Dobeš.
Ce n’est pas un hasard si on l’a protégé, mis dans la meilleure situation possible, envoyé contre les Flames dans l’objectif clair de lui construire un momentum. Ce n’est pas un hasard si on a préparé Montembeault à se faire démolir.
Ce que l’on voit ici, c’est le renversement tranquille d’une hiérarchie. Pas besoin de conférence de presse ou de déclaration officielle. Le choix des matchs parle. L’attitude des gardiens aussi. Et pendant que Dobeš trace sa voie dans l’organisation, Montembeault regarde, accepte, et attend.
Mais le temps d’attendre est terminé.
