Hier soir, devant des journalistes médusés, Nathan MacKinnon a explosé.
Le capitaine de l’Avalanche, visiblement à bout, a craqué en visant ses propres partisans. Après une autre défaite frustrante contre les Stars de Dallas, il a lancé froidement : « Guess they don’t know what a good power play looks like. »
Insulté par la réaction des fans lors de l'avantage numérique, il a ajouté qu'ils devraient peut-être huer plus souvent. Laissant croire que son équipe avait bien performé malgré le mécontentement de la foule.
Des propos qui ont traversé le Colorado comme un éclair. Une phrase qui pourrait marquer le début de la fin.
Car la question se pose désormais, brutalement : est-ce que Nathan MacKinnon vient de vivre sa dernière saison de loyauté à Denver ? Est-ce que le visage de la franchise est en train de préparer, consciemment ou non, sa sortie ?
Depuis un an, tout s’effrite.
L’équipe qui avait jadis la plus belle machine offensive de la LNH joue aujourd’hui comme un moteur en panne. Les automatismes ne sont plus là. Les sourires ont disparu. Et au centre de la tempête, MacKinnon ne dégage plus la même lumière.
Ce n’est pas qu’il a cessé d’être dominant : il reste une bête d’effort, un compétiteur né. Mais quelque chose a changé dans son regard, dans sa façon de parler, dans ce mélange d’agacement et de lassitude qui transpire à chaque point de presse.
Le capitaine du Colorado ne se bat plus seulement contre les adversaires. Il se bat contre l’usure.
Ce n’est pas la première fois que son volcan intérieur éclate.
On se souvient du soir de janvier 2019, quand il avait hurlé à son entraîneur Jared Bednar un « Do your job ! » furieux, avant de trébucher du banc dans une scène devenue virale. À l’époque, on y voyait la rage d’un jeune champion trop exigeant avec lui-même.
Mais les années ont passé, et les fissures sont restées.
En octobre 2024, il a été expulsé d’un match pour une crise sur le banc, après une pénalité mal digérée. Quelques semaines plus tard, il confessait aux journalistes qu’il devait « apprendre à respirer ».
Mais hier, c’est une autre limite qu’il a franchie : celle qui le séparait de son propre public.
Les huées ont commencé doucement. L'avantage numérique s'installait tranquillement, alors que Dallas venait de prendre l’avance. La foule n'a pas accepté.
À la fin du match, MacKinnon n’a pas tenté d’arrondir les angles.
« On se fait huer alors qu’on crée des occasions. Apparemment, ils ne savent pas à quoi ressemble un bon power play. »
Ce ton froid, détaché, presque méprisant, a glacé la salle d’entrevue. Car à Denver, on ne parle pas aux fans comme ça. Pas après une décennie d’amour, de loyauté, de conquêtes.
Mais voilà : même les héros s’épuisent.
L’absence de Mikko Rantanen a tout accéléré. Son départ, en janvier dernier, a brisé bien plus qu’un duo d’élite. Il a laissé un vide émotionnel immense.
MacKinnon l’avait dit : « Je n’aurais jamais cru en un million d’années qu’il partirait. »
Ces deux-là formaient une symbiose, un équilibre. Depuis que Rantanen a pris le chemin de la Caroline, puis de Dallas, MacKinnon paraît seul. Trop seul.
Dans un vestiaire désormais fragmenté entre anciens et jeunes en développement, son feu sacré s’est transformé en tension permanente.
Il veut tout contrôler, tout réparer, tout gagner. Mais la victoire ne se commande pas. Et la frustration finit par consumer même les plus disciplinés.
Le plus troublant, c’est la manière dont la direction a réagi : un calme presque glacial. Bednar a minimisé l’incident. Joe Sakic aussi. « Nathan est un compétiteur », a-t-on répété comme un mantra.
Mais personne ne peut ignorer la fatigue du capitaine. Les épaules lourdes. Le sourire forcé. Le regard qui fuit les caméras après chaque revers.
Ce n’est plus la même flamme. C’est un brasier qui s’éteint lentement.
Son contrat, pourtant, le lie encore six saisons à Denver. Huit ans, 100,8 millions de dollars, une clause de non-mouvement totale. Sur papier, il n’y a pas de débat.
Mais la LNH, on le sait, n’est pas qu’une affaire de contrats.
Connor McDavid a déjà connu ce regard vide, cet air d’homme prisonnier de son propre succès. Auston Matthews aussi, avant sa renégociation à Toronto.
Quand une franchise s’essouffle, les superstars finissent toujours par poser la même question : est-ce que ça vaut encore la peine ?
Et pour MacKinnon, cette question commence à flotter dans l’air du vestiaire. Des journalistes du Denver Post et de The Athletic ont commencé à évoquer un possible « point de non-retour ».
Non pas une demande de transaction imminente, mais une réflexion inévitable si l’équipe ne redresse pas la barre. Parce que tout ce qu’il incarne, l’exigence, la fierté, la loyauté, se transforme lentement en frustration et en solitude.
Et à 30 ans, après une Coupe Stanley, après tant d’années à tout donner, il n’a peut-être plus envie de souffrir pour rien.
La scène d’hier, au fond, résume tout. Ce n’était pas seulement un joueur irrité par des huées injustes. C’était un homme fatigué de porter seul le poids d’une dynastie qui s’effrite.
Un capitaine qui regarde les gradins et n’y voit plus l’amour d’autrefois, mais le jugement, l’attente, la déception. Un joueur qui sait que son temps passe, que les années de grâce sont derrière lui, et que les blessures ne pardonnent pas.
Alors, est-ce la fin ?
Personne ne le dira à voix haute. Mais tout le monde le pense un peu.
Si l’Avalanche ne se relève pas cette saison, si les divisions internes persistent, si les fans continuent de le huer, il pourrait être tenté de faire ce qu’il a toujours refusé : tourner la page.
Pas par colère. Par survie.
Car parfois, pour un compétiteur comme Nathan MacKinnon, quitter n’est pas une fuite. C’est une façon de recommencer à respirer.
Et maintenant, toute la ville retient son souffle. Le capitaine du Colorado n’a jamais semblé aussi seul.
Et si sa dernière bataille n’était plus contre les Stars, ni contre les arbitres, ni même contre le sort…
Mais contre lui-même ?