Ivan Demidov à Laval: malaise au 98,5 Sports

Ivan Demidov à Laval: malaise au 98,5 Sports

Par Marc-André Dubois le 2025-05-02

Il y a des critiques qu’on comprend. Des avertissements qu’on accepte. Des mises en garde livrées avec expérience et bienveillance.

Et puis, il y a ce que José Théodore fait à Ivan Demidov depuis plusieurs jours sur les ondes du 98.5 FM : un véritable acharnement, devenu aussi troublant qu’inexplicable.

On peut se poser la question franchement : qu’est-ce que Demidov a bien pu faire à Théodore pour mériter autant de mépris, autant de scepticisme, autant de froideur dans les commentaires?

À l’écouter parler, Ivan Demidov ne serait qu’un mirage médiatique, un joueur surestimé, trop perdu, trop inexpérimenté pour la LNH. Un imposteur au sourire charmant, mais au destin fragile.

Et encore hier, Théodore a ajouté une couche hallucinante : selon lui, Demidov pourrait très bien se retrouver à Laval dès l’an prochain.

Il l’a dit sans trembler. Sans nuance. Comme si ce n’était qu’une conclusion logique, après une poignée de matchs disputés sur une patinoire nord-américaine... en séries en plus...

C’est ici que les partisans décrochent. Pas parce qu’ils refusent les critiques. Pas parce qu’ils sont éblouis par Demidov au point de ne rien voir. Non. Mais parce qu’ils voient la mauvaise foi.

Parce qu’ils entendent, semaine après semaine, un vétéran de la LNH s’acharner sur un kid de 19 ans, comme si ce dernier l’avait personnellement insulté.

Et pendant ce temps, personne — ni analyste, ni partisan lucide — ne peut sérieusement affirmer que Demidov a mal joué.

Il a eu quelques difficultés dans sa zone, oui. Il doit apprendre la rigueur défensive, bien sûr. Mais avec la rondelle, il a été le seul à générer du rythme, le seul à déjouer des défenseurs un contre un, le seul à forcer l’adversaire à reculer.

Et pourtant, il jouait avec des coéquipiers qui ne peuvent pas le suivre : Jake Evans, un bon plombier sans flair offensif; Alex Newhook, un flop offensif total; et surtout Patrik Laine, qui se traîne les patins à cinq contre cinq avec une nonchalance surréelle.

On demande à un prodige de transporter des sacs de ciment, et ensuite, on l’accuse de ne pas voler.

Dès le premier match de séries contre Washington, Théodore s’est permis de suggérer que Demidov aurait dû être laissé de côté. Il ne trouvait pas ça choquant. Il trouvait même que ce serait “normal”.

Un joueur qui n’a pas encore de chimie avec l’équipe, qu’on ne connaît pas encore assez. Un joueur, disait-il, qu’on peut “facilement rayer”.

La semaine dernière, il répétait que Demidov ne peut pas jouer sur un quatrième trio, qu’il “n’a pas sa place dans un contexte aussi structuré”. Qu’il “n’amène rien de plus que les autres”, et qu’on ne peut pas mélanger les trios pour l’intégrer.

Il a même proposé de le remplacer par Arber Xhekaj à l’attaque, un défenseur courageux mais limité dans tous les sens du terme, qui ne peut en aucun cas prétendre à un rôle offensif en séries.

Et hier, il a franchi la ligne rouge : “Il ne serait pas surprenant que Demidov soit à Laval l’an prochain.”

Demidov a signé son contrat d’entrée tard cette saison. En vertu de la convention collective de la LNH, il ne peut pas jouer dans la Ligue américaine en 2024-2025.

Son contrat est valide uniquement dans la LNH pour cette première année. Le seul scénario où il va à Laval, c’est l’an prochain, et encore là, il faudrait une décision organisationnelle insensée de l’envoyer là-bas.

Mais soyons sérieux : Demidov ne jouera jamais à Laval. Pas ce genre de talent. Pas un tel prodige qui s’est déjà imposé comme un générateur d’offensive dès ses premiers matchs.

Pas un joueur qui, à 19 ans, possède une vision du jeu et des mains qu’on ne voit qu’une fois par décennie. La Ligue américaine, ce n’est pas pour lui. Pas maintenant. Pas jamais.

Pourquoi ce mépris?

Pourquoi cette obsession contre Demidov?

Est-ce parce qu’il est russe? Parce qu’il sourit trop? Parce qu’il a eu le malheur d’arriver sous les projecteurs avec une étiquette de “prodige”?

Est-ce que Théodore, qui a été brûlé par les attentes exagérées à Montréal, projette quelque chose sur ce jeune homme qui ne demande qu’à jouer au hockey?

C’est d’autant plus choquant que Théodore sait mieux que quiconque ce que ça fait d’être traqué, exposé, mal compris. 

Il a été humilié par la presse. Il a été suivi avec des caméras cachées. On a parlé de sa famille, de ses fréquentations, de son argent. Il a dû lutter contre une réputation injuste et des insinuations vicieuses. Et pourtant, c’est lui, aujourd’hui, qui devient le bourreau.

Dans le vestiaire, les coéquipiers d’Ivan Demidov ne partagent pas cette lecture catastrophique. Les échos sont clairs : le gars travaille fort, écoute, pose des questions, apprend vite. 

Et Martin St-Louis, même s’il le pousse, ne veut pas le sortir de la formation. Il voit ce que nous voyons tous : une future étoile qui a besoin d’un environnement stable et d’un peu de confiance.

On ne demande pas à Demidov d’être Nikita Kucherov demain matin. On lui demande de grandir dans un marché qui, jusqu’à présent, lui donne tout sauf l’espace de respirer.

Ce que José Théodore fait à Ivan Demidov n’est plus simplement une opinion. C’est une campagne de démolition qui s’enracine jour après jour, sans fondement logique ni recul. Et c’est profondément triste.

Parce que dans une ville comme Montréal, ce genre de discours prend racine vite, et contamine tout. Les jeunes joueurs se referment. Les partisans deviennent intransigeants. Et l’organisation, même si elle tente de protéger ses joueurs, finit par plier.

Mais il est encore temps de recadrer le discours. De reconnaître que ce que fait Demidov est remarquable compte tenu des circonstances. De voir qu’il est l’avenir, pas le problème.

Et surtout, de se rappeler qu’à 19 ans, dans une ville comme Montréal, on a besoin de mentors, pas de destructeurs à la radio.

Il est temps pour José Théodore de se regarder dans le miroir. Et de se demander s’il veut vraiment devenir ce qu’il a lui-même passé une vie à combattre.