Il fallait que ça arrive un jour. Le prodige russe, celui que tout le monde annonçait comme le futur visage du Canadien, a finalement vécu sa première vraie tempête dans la LNH en avril dernier.
Et le plus troublant dans tout ça? C’est que personne ne l’a vue venir. Pas de blessure. Pas de controverse. Juste une série de cinq matchs qui a laissé une impression... bizarre.
Ivan Demidov, 19 ans, a plongé dans l’enfer des séries de la LNH comme on plonge dans l’eau glacée : sans avertissement, sans temps pour s’acclimater.
D’abord la fierté de toute une ville, puis quelques flashs offensifs, et finalement... le silence. Un silence lourd. Inexplicable pour certains. Inquiétant pour d’autres.
Parce que oui, les chiffres sont maintenant là. Et ils méritent qu’on s’y attarde.
Ce n’est pas qu’il n’a pas produit du tout. Deux passes.
Toutes deux sur l’avantage numérique. Mais à cinq contre cinq? Rien.
Pas une occasion de marquer. Pas un tir de qualité. Pas même une trace dans les statistiques avancées.
Un zéro pointé sur toute la ligne.
Et là, on ne parle pas d’un joueur de soutien. On parle d’un joueur qui était censé être à l’aube d’un rôle élite.
D’un gars que le CH voyait déjà sur le top-6. D’un joueur pour qui on rêvait d’un trophée Calder.
Mais attention. Il ne s’agit pas de tirer la sonnette d’alarme.
Il faut prendre une grande respiration et regarder l’ensemble.
Parce que dans cette même séquence, c’est aussi un humain de 19 ans qui vient de changer de continent, de ligue, de culture, de langue.
Un adolescent plongé dans le plus gros marché de hockey au monde. Un marché qui ne pardonne rien, surtout pas l’imprévisible.
Ce qu’il a vécu depuis son arrivée à Montréal, c’est un stress chronique : changement de pays, de coéquipiers, de systèmes, de statut.
Il est passé de vedette à Moscou à recrue scrutée à la loupe au Centre Bell. Et ça, ça laisse des traces.
Et pourtant, il faut tout de même se poser la question qui fâche : le CH est-il en train de préparer un deuxième Patrik Laine?
Un joueur à l’immense talent, mais incapable de produire à forces égales? Un spécialiste de l’avantage numérique, utile en octobre et invisible en mai?
Le risque est réel. Car dans la LNH, on ne peut pas survivre juste sur le power play.
Surtout pas en séries, où les arbitres rangent leurs sifflets et où les matchs se gagnent dans les coins et devant le filet.
Là où Demidov, pour l’instant, n’existe pas.
Mais tout n’est pas sombre.
Ce que Demidov vient de vivre, c’est peut-être la meilleure chose qui pouvait lui arriver.
Une leçon brutale. Une réalisation que le talent brut ne suffit plus.
Qu’il faut être plus que spectaculaire. Il faut être complet. Fiable. Engagé physiquement.
Le CH devra donc revoir son plan.
Encadrer Demidov. Le faire travailler sur son jeu à 5 contre 5.
Lui montrer que les étoiles ne brillent pas seulement quand les projecteurs sont allumés.
Qu’elles brillent aussi quand personne ne les regarde, dans les replis du jeu.
L’avenir n’est pas compromis. Loin de là.
Mais pour la première fois depuis son arrivée, un constat inquiétant se confirme : Ivan Demidov ne pourra pas brûler les étapes.
Il devra mériter son étiquette de vedette. Et pour ça, il faudra passer par l’arrière-scène.
Par les défauts qu’on ne veut pas voir. Par les ajustements qu’on ne pensait pas nécessaires.
Le talent est là. Mais la LNH vient de lui envoyer un message clair : à cinq contre cinq, il va falloir exister.
Mais il y a de l’espoir. Parce que dans le cas d’Ivan Demidov, on ne parle pas d’un problème de talent. On parle d’un défi d’adaptation.
Et pour ça, il existe des solutions.
D’abord, sur le plan personnel, Demidov devra apprendre à mieux gérer la pression et à faire le deuil du contrôle absolu.
La stabilité viendra avec le temps, mais une bonne structure autour de lui – nutrition, sommeil, entraînement mental – peut accélérer sa progression.
Ensuite, c’est au Canadien de jouer. On ne peut pas lancer un jeune de 19 ans dans la jungle sans guide.
Il faut l’encadrer. Lui offrir des ressources. Le jumeler à des vétérans, mais pas n’importe lesquels : on parle ici d’un vrai deuxième centre d’expérience, capable de montrer l’exemple, de tenir le fort, de faire le sale boulot pendant que Demidov apprend à naviguer la tempête.
Puis il y a Martin St-Louis, qui devra user de doigté. Il devra bâtir une confiance fragile, donner du temps de glace sans tout donner, responsabiliser sans étouffer. Bref, jouer son rôle de pédagogue.
Demidov n’a pas à porter l’équipe sur ses épaules. Il a simplement à grandir. Et pour ça, le CH doit lui donner l’espace, le temps, et surtout, la structure nécessaire.
On entre dans la quatrième année de reconstruction. Les fondations sont là. Il faut maintenant s’assurer que la maison ne craque pas quand les lumières s’allument.
Ivan Demidov est une pièce maîtresse de l’avenir. Encore faut-il savoir comment l’installer sur l’échiquier.
Parce que si Ivan Demidov ne trouve pas ses repères… si personne ne lui tend la main… on pourrait bien assister, impuissants, à l’éclosion avortée du plus grand talent brut à Montréal depuis Guy Lafleur.
À suivre