Minutes honteuses: Martin St-Louis doit s'expliquer

Minutes honteuses: Martin St-Louis doit s'expliquer

Par David Garel le 2025-10-23

Le Canadien de Montréal a remporté son sixième match de la saison, 2-1 contre les Flames, grâce à un tir parfait de Mike Matheson en prolongation.

Mais dans le vestiaire, après la rencontre, ce n’est pas du défenseur qu’on parlait. Ce n’était pas non plus du capitaine Suzuki. Toute la conversation tournait autour d’Ivan Demidov.

Le jeune prodige russe a encore une fois électrisé le match. Sa passe transversale sur le but gagnant, d’une précision incroyable, a rappelé pourquoi on le compare déjà à Artemi Panarin et Kirill Kaprizov.

Et pourtant, quand on jette un œil à la feuille de statistiques, on tombe des nues : 13 minutes 46 secondes de jeu. À peine plus de 10 présences à forces égales. C’est insensé.

Demidov a fait la différence, mais Martin St-Louis continue de le gérer comme un joueur de soutien. Même scénario pour Zachary Bolduc, encore auteur d’un but magnifique en avantage numérique, mais limité à 10 minutes 45 secondes.

Pendant ce temps, Alex Newhook, 16 minutes, utilisé à toutes les sauces, est resté invisible. Cherchez l’erreur.

Après la rencontre, dans les corridors du Scotiabank Saddledome, un constat s’imposait : le monde n’est plus d’accord avec Martin St-Louis.

Même les commentateurs qui, depuis deux ans, le défendent bec et ongles, commencent à décrocher. Parce qu’à un moment donné, les chiffres parlent d’eux-mêmes : les gars qui font gagner les matchs ne jouent tout simplement pas assez.

Ivan Demidov a récolté son 6e point de la saison, encore une fois sur un jeu d’intelligence pure. Une feinte, un délai, une lecture parfaite de la couverture. À trois contre trois, il est tout simplement injouable.

Et Bolduc, encore une fois, a marqué sur réception d’une passe de Suzuki, comme un vrai sniper. Un but de haut niveau, celui d’un tireur qui, à Saint-Louis, aurait joué sur le top six sans discussion.

Mais à Montréal, non. On préfère encore donner du temps de glace aux “garanties” : Anderson, Newhook, Evans. Les mêmes qui, soir après soir, se contentent de remplir les minutes pendant que le talent attend sur le banc.

Ce qui choque, c’est que Demidov n’a rien fait pour mériter ce traitement.

St-Louis disait il y a quelques jours qu’il voulait “protéger ses jeunes” et éviter de “les surcharger”. Mais il n’y a rien à protéger : Demidov ne recule jamais. Il gagne ses batailles. Il provoque des pénalités. Il inspire le banc. Même Suzuki le dit :

« Quand il a la rondelle sur son bâton, tu sais que quelque chose va arriver. Il est tellement bon. »

Alors pourquoi 13 minutes?

Pourquoi un joueur qui change la dynamique de chaque match est-il encore traité comme un figurant?

À chaque présence, le Russe crée une chance de marquer. Il a dans les mains ce que Montréal attend depuis 15 ans : un joueur capable d’attaquer, de feinter, de décortiquer une défensive entière. Il a même, selon Martin St-Louis lui-même, “des pieds rapides, des mains agiles et un esprit vif.”

Mais dans les faits, on continue de l’utiliser comme un joueur de deuxième vague.

Zachary Bolduc, lui, vit exactement la même chose.

St-Louis continue de lui donner 10 minutes par soir.

Et pourtant, le Québécois ne vole rien à personne. Il est efficace, discipliné, appliqué. Il gagne ses batailles le long des bandes, il tire au bon moment, et il marque.

Quand le CH a besoin d’un but, ce sont toujours les mêmes : Demidov et Bolduc. Et quand vient le temps de distribuer le temps de jeu, ce sont toujours les mêmes qu’on oublie.

Martin St-Louis disait avant le match :

« Les habiletés individuelles viennent des actions ordinaires qu’il faut faire. Elles vont nous permettre de faire des choses extraordinaires. »

C’est beau sur papier. Mais à Calgary, le Canadien a gagné grâce à l’extraordinaire, pas grâce à l’ordinaire.

Demidov a sorti une passe que personne d’autre n’aurait pu exécuter. Bolduc a marqué sur un tir que trois gars dans la ligue savent réussir. Dobeš, encore parfait, a fermé la porte à 36 reprises.

Le Canadien gagne parce que ses jeunes sortent du cadre. Et St-Louis refuse encore de l’assumer.

Il veut que son équipe joue “simple”. Mais à force de vouloir simplifier, il appauvrit son jeu.

Il veut “protéger” ses jeunes, mais il les enferme.

Et pendant ce temps, le talent s’étouffe sur le banc.

Dans les médias, le ton change.

On parle de plus en plus de  “gestion incompréhensible.”

Le monde n’est pas cave. Demidov joue 13 minutes et c’est lui qui fait gagner le match. À un moment donné, St-Louis devra s’expliquer. 

Même à l’interne, certains commencent à murmurer que “les chiffres de temps de jeu ne reflètent pas le mérite.”

Parce qu’au fond, ce n’est pas juste une question de chiffres. C’est une question de message.

Quel message envoie-t-on à un joueur de 19 ans qui domine chaque présence mais qu’on garde à 13 minutes?

Quel message envoie-t-on à un Québécois de 22 ans qui marque à tous les deux matchs, mais qu’on bloque derrière de vrais plombiers?

Après le match, St-Louis a encore répété les mêmes phrases :

« J’ai aimé certaines choses, mais c’est encore la même histoire en deuxième période. »

« On va continuer à travailler là-dessus. »

Mais personne n’a voulu lui demander pourquoi ses deux meilleurs joueurs ont joué moins que Jake Evans.

Parce que tout le monde le sait : la réponse n’a pas de sens.

Demidov est impliqué dans un but à chaque match depuis le début de la saison.

Bolduc a un pourcentage de tirs convertis digne d’un premier marqueur.

Et le coach, lui, continue de parler d’“ordinaire.”

Le vestiaire, en privé, le sait : Demidov doit être sur le premier trio avec Suzuki. Et Bolduc mérite un vrai rôle.

Au pire, pourquoi ne pas faire jouer Demidov avec Bolduc? Ce n’est pas un caprice. C’est mathématique. C’est évident.

Quand Demidov et Bolduc sont ensemble sur la glace, le Canadien double son taux de chances de marquer.

Les “minutes de mérite” ne veulent plus rien dire si elles ne reflètent pas le jeu réel.

Le Canadien gagne, oui. Mais il gagne malgré la gestion de son entraîneur.

Et ça, tout le monde commence à le comprendre.

Le moment approche où St-Louis devra choisir :

Continuer à prêcher la prudence, ou embrasser enfin le talent qu’il a entre les mains.