À ne pas inviter au même party: Martin St-Louis et Jean-Charles Lajoie

À ne pas inviter au même party: Martin St-Louis et Jean-Charles Lajoie

Par David Garel le 2025-10-23

À Calgary, le Canadien a encore gagné. Mais ce n’est pas la victoire que tout le monde retient. C’est le message brutal de Jean-Charles Lajoie au lendemain du match.

Une charge frontale contre Martin St-Louis, directe, cinglante, sans filtre, comme seul Lajoie sait le faire. Pour lui, le CH n’a pas gagné à cause de son entraîneur, mais malgré lui.

Parce qu’une fois de plus, les meilleurs talents du club sont mal utilisés, mal positionnés, étouffés par un système qui tue l’instinct. Et cette fois, même les plus prudents dans les médias commencent à lui donner raison.

Lajoie ne s’en cache pas : il en a assez de voir Ivan Demidov et Zachary Bolduc, les deux joueurs les plus électrisants du moment, cantonnés à des rôles de figurants.

« Voir Demidov sur la deuxième vague d’avantage numérique avec Gallagher et Kapanen, c’est insensé », a-t-il lancé, avant d’ajouter que Martin St-Louis commet la même erreur avec Bolduc, qu’il isole sur un quatrième trio comme s’il s’agissait d’un joueur de passage.

Il n’y a pas que lui qui voit le problème : tout Montréal le voit. Le CH a beau collectionner les victoires, le moteur de l’équipe tourne à moitié de sa puissance.

Ce qui choque Lajoie, c’est l’obsession de St-Louis pour la prudence. Le coach se félicite que son club « priorise l’ordinaire avant l’extraordinaire ».

Mais aux yeux du chroniqueur, ce discours tue la créativité.

« Le Canadien n’a joué qu’en partie, a-t-il écrit. Laminé en deuxième période, encore dominé dans l’intention au troisième engagement. »

Dans le fond, Lajoie reproche à St-Louis ce qu’il prétend combattre : un manque d’audace. Quand tu retires le puck aux gars capables de changer un match sur une seule présence, tu condamnes ton équipe à vivre dans le gris. Et c’est exactement ce que le CH fait trop souvent.

Ivan Demidov, à 19 ans, a déjà prouvé qu’il pouvait renverser un match par sa seule vision. Sa passe en prolongation à Mike Matheson contre les Flames, un bijou de patience et de contrôle, a suffi à faire taire les doutes.

Et pourtant, après cette séquence digne d’un top-5 mondial, St-Louis ne lui accorde que 13 minutes 46 de temps de jeu.

Une aberration pour un joueur qui, selon tous les observateurs, a le talent pour lutter avec Matthew Schaefer pour le trophée Calder.

Lajoie résume bien le sentiment général :

« Taylor Swift aurait de la difficulté à scorer autant avec de mauvais musiciens. »

L’image est brutale, mais juste. Démidov est un virtuose qu’on fait jouer avec des seconds violons.

Zachary Bolduc, lui, a fait taire les critiques à Calgary avec un tir de sniper en avantage numérique. Un but parfait, sec, précis, imparable.

Et pourtant, il n’a joué que dix minutes. Moins qu’un gars comme Alex Newhook, que St-Louis continue d’installer comme un intouchable du top 6 malgré des performances ordinaires.

« Martin confère à Newhook un statut qu’il ne mérite pas », dénonce Lajoie.

Et il a raison. Newhook est rapide, oui, mais il n’a pas la finition, ni la lecture de jeu de Bolduc ou Démidov. Or, dans le système actuel, l’intensité défensive passe avant le génie offensif. Résultat : les joueurs de flair se retrouvent punis pour leur créativité.

C’est là tout le paradoxe du Martin St-Louis version 2025. L’ancien joueur de cœur, celui qui refusait d’être mis en cage par ses entraîneurs, est devenu un technicien obsédé par l’ordre et la structure.

« Il a retenu le bon de ses années sous Tortorella », écrit Lajoie. Mais à force d’éviter les pièges du “coach dur de dur”, il s’est transformé en coach tiède.

Il ne bouscule plus ses joueurs. Il les enferme dans une prison collective, au point où le Canadien, malgré ses succès récents, donne l’impression d’une équipe qui marche sur des œufs. Lajoie voit clair : le problème n’est pas le talent, c’est l’utilisation du talent.

Son texte, d’ailleurs, va plus loin que la simple critique. Il appelle directement Kent Hughes à intervenir.

« Il y a fort à parier que Hughes et Gorton travaillent à aller chercher un vétéran joueur de centre de top 6 », écrit-il, avant d’ajouter que ce n’est pas une excuse pour maintenir la combinaison Kapanen-Demidov-Newhook.

Pour lui, l’entraîneur doit offrir à Démidov un vrai partenaire de jeu, quelqu’un capable de suivre sa vision, pas de la ralentir. C’est une alerte rouge envoyée au sommet de la direction : le CH possède un diamant brut, mais le coach ne sait pas le tailler.

Et c’est là que la sortie de Lajoie prend une portée symbolique. On ne parle pas d’un animateur qui cherche le scandale : on parle d’un observateur aguerri, d’un gars qui connaît les coulisses du vestiaire et les dynamiques d’un marché comme Montréal.

S’il s’en prend aussi directement à St-Louis, c’est parce qu’il sent que la situation dérape. Depuis le début de la saison, plusieurs commentateurs avaient déjà évoqué la frustration montante autour du temps de jeu de Démidov.

Mais cette fois, c’est un tir à bout portant, sans nuance. Le message : si Martin ne change pas son approche, il va finir par casser ce qu’il a de plus précieux.

Dans un autre passage, Lajoie compare la gestion de St-Louis à celle d’un patron dépassé.

« Un boss qui doit payer des employés pour des heures supplémentaires parce que la tâche n’est jamais faite correctement finit par perdre patience. »

L’image, encore une fois, est d’une justesse implacable. Le Canadien accumule les prolongations parce qu’il n’arrive pas à tuer un match dans le temps réglementaire.

Et pourquoi ? Parce que ceux qui peuvent le faire sont mal utilisés. Quand tes snipers sont sur le banc à force d’attendre, le hockey devient une corvée. Et c’est ce qui mine cette équipe depuis trois semaines.

La réaction du public, d’ailleurs, ne laisse aucun doute. Les partisans ont adoré la victoire, oui, mais ils ont surtout remarqué la passe de Démidov, le tir de Bolduc, le calme de Dobes.

Et tous se posent la même question : pourquoi ces gars-là ne jouent-ils pas plus ? À Calgary, Démidov n’a pas franchi la barre des 14 minutes, Bolduc a été limité à dix, pendant que d’autres sans impact restaient sur la glace par habitude.

C’est une tendance récurrente. Et plus les matchs passent, plus la frustration monte. Même au sein du vestiaire, dit-on, certains vétérans commencent à s’interroger sur les décisions du coach.

Jean-Charles Lajoie, lui, a simplement dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Et son éditorial tombe à un moment critique. Le CH s’en va à Edmonton, contre une équipe qui, malgré ses propres failles, reste l’un des baromètres offensifs de la ligue.

Si Démidov et Bolduc sont encore sous-utilisés, si St-Louis continue à prêcher la prudence, il n’y aura plus d’excuse.

Lajoie a lancé le débat : est-ce que Martin St-Louis est encore l’homme de la situation pour diriger une génération de talents aussi libres, aussi créatifs ? La question dérange, mais elle mérite d’être posée.

À travers sa chronique, Lajoie n’attaque pas par plaisir. Il défend une idée simple : Montréal doit cesser d’avoir peur de son talent.

Les partisans veulent voir du hockey excitant, pas du hockey rationné. Ils veulent que Démidov soit libre, que Bolduc soit valorisé, que la jeunesse respire.

Pour une fois, il ne s’agit pas d’un débat de médias, mais d’un débat d’identité. Et si Martin St-Louis ne comprend pas ce message, il risque de perdre non seulement ses partisans… mais aussi son vestiaire.