Le mois de novembre a toujours été un cimetière d’espoirs pour le Canadien, mais jamais il n’a été aussi déprimant que cette année.
Saison après saison, le CH s'écroule en novembre. Mais cette saison, ça fait enore plus mal car on pensait que le CH allait être prétendant à la Coupe Stanley.
La saison est en train de basculer du mauvais sens. L’équipe glisse encore une fois vers une spirale négative, et une impression de déjà-vu remonte : c’est précisément à cette période, l’an passé, que Jean-Charles Lajoie avait provoqué un tremblement de terre médiatique en annonçant, sur les ondes de Queb Radio, que Martin St-Louis allait démissionner.
La rumeur, aussi explosive que fausse, avait immédiatement secoué la province. Pourtant, ce qui avait suivi est aujourd’hui presque inconcevable : le Québec avait défendu St-Louis, défendant son entraîneur comme si une injustice monumentale venait d’être commise.
Le public était monté au front, outré qu’un animateur en manque d'attention (et de cotes d'écoute) annonce si vite la démission d'un coach qui venait à peine de commencer sa mission de reconstruction.
St-Louis était devenu, en quelques heures, un martyr du marché montréalais, un leader persécuté qu’il fallait protéger. Le Québec s’était rangé derrière lui sans hésiter.
Mais cette année, tout est différent. Absolument tout.
Le contexte a tourné du tout au tout, l’élan a disparu, la patience s’est effondrée, et la lune de miel entre St-Louis et la province n’existe plus.
Et cette fois, ce n’est même plus Jean-Charles Lajoie qui sonne l’alarme. Lui, conscient du ridicule monumental dans lequel il s’était enlisé l’an dernier, se tient soigneusement loin de ce terrain dangereux pour lui.
Il ne veut pas refaire la même erreur, il ne veut pas redevenir la caricature de l’animateur qui annonce des apocalypses qui ne viennent jamais. Lajoie observe, silencieux, prudent, presque timide, alors qu’il était jadis le premier à lancer les bombes.
Ce silence prouve une chose beaucoup plus profonde : les réseaux sociaux ont pris sa place. Là où Lajoie criait seul dans le désert l’année dernière, on retrouve aujourd’hui des milliers de partisans qui réclament, sans filtre, sans humour, sans nuance et souvent avec méchanceté, la démission ou le congédiement de Martin St-Louis.
Ce n’est plus un animateur isolé qui tire sur l’entraîneur. C’est une base partisane irritée qui ne reconnaît plus rien de ce qu’on lui avait promis.
Pour la première fois depuis son arrivée derrière le banc, St-Louis n’est plus vu comme le magicien inspirant, le pédagogue moderne, l’ancien joueur modèle qui allait changer l’ADN du club par sa simple présence.
Aujourd’hui, il est perçu comme un coach qui protège ses chouchous, qui punit injustement Ivan Demidov, qui gère les gardiens comme s’il refusait d’admettre l’évidence (que Montembeault n'est pas un numéro un), et qui explique ses décisions avec mérpis aux journalistes.
Depuis le début de la saison, St-Louis gère Demidov comme s’il cherchait consciemment à lui rappeler qu’il n’a rien accompli. Le kid est puni à la moindre micro-erreur. Pendant ce temps-là, Slafkovský traverse des séquences entières de décisions douteuses sans jamais perdre sa place sur le premier trio ou la première vague de l’avantage numérique.
Les partisans se sentent insultés. Et ne sont pas idiots. Ils comprennent que quelque chose cloche et que ce quelque chose, ce n’est pas Demidov.
Les Québécois n'ont jamais accepté le traitement de faveur. Et aujourd'hui, il n'acceptent plus l'ego démesuré de Martin St-Louis.
L’an passé, les gens disaient : « Laissez-lui du temps. » Aujourd’hui, ils disent : « Il n’apprend pas. »
Le point le plus frappant dans cette rupture, c’est qu’elle ne provient pas des médias. Elle ne provient pas non plus d’un chroniqueur provocateur. Elle ne provient même pas de la direction qui est le country club protecteur de St-Louis.
Elle provient du monde réel : le public, la foule, les réseaux sociaux, les gens qui se lèvent le matin et qui sont tannés de voir Demidov sur la deuxième vague pendant que d’autres sont intouchables.
L’an dernier, Lajoie était le vilain, celui qui attaquait St-Louis sans raison valable. Mais cette fois-ci, il n’a pas besoin de parler : les partisans le font à sa place. Ils en ont assez.
La province qui, il y a douze mois, volait au secours de St-Louis, est maintenant celle qui crie qu’il a perdu le fil et que son message ne passe plus.
Il ne dégage plus cette image de leader visionnaire. Il dégage l’image d’un coach qui veut briser ses plus grands talents.
C’est ici que se situe la vraie différence entre l’an passé et maintenant : la province n’est plus prête à défendre St-Louis. Il ne bénéficie plus du capital de sympathie automatique qui le protégeait de tout. Son aura s’est entachée.
Et dans un marché comme celui-ci, quand la foule se retourne, elle se retourne pour de bon. Tant que Lajoie attaquait, St-Louis était défendu. Mais maintenant que Lajoie se tait, les mêmes critiques reviennent, amplifiées, et elles viennent directement du public.
On ne peut pas parler de congédiement imminent. Pas encore. Mais on peut parler, clairement, de la première fracture sérieuse entre Martin St-Louis et le Québec.
Et le mois de novembre, encore une fois, aura été le moment où tout a commencé à basculer.
