Jean-Charles Lajoie prédit le pire : Montréal deviendra Toronto.
C’est une prédiction choc. Une projection qui glace le sang des partisans du Canadien de Montréal.
L'amimateur ose comparer le futur du CH à celui des Maple Leafs. En empruntant mot pour mot leur propre chemin qui les a menés au cauchemar vivant.
Et c’est peut-être ça qui dérange le plus.
Car Lajoie ne fait pas dans la caricature. Il ne parle pas d’un effondrement immédiat ou d’un scandale ridicule. Il parle du scénario le plus probable. Le plus douloureux. Celui d’une promesse qui ne se réalise jamais.
D’une équipe qui flirte avec la grandeur, mais qui s’arrête toujours à un coin de rue de la gloire. Le syndrome de Toronto, transporté dans la métropole québécoise.
La prédiction de Lajoie se déploie comme une série télévisée que personne ne veut regarder, mais que tout le monde finit par la dévorer.
Le CH atteint les séries en 2025. Surprise générale. Une énergie juvénile portée par Suzuki, Caufield, Slafkovsky et Hutson propulse le club en séries. Une élimination rapide face aux Capitals? Qu’importe. Le message est clair : l’avenir est là.
Mais ensuite, tout se dérègle. Selon Lajoie, les éliminations précoces deviennent la norme : premier tour en 2026, 2027, 2028.
Et chaque fois, le même constat : une équipe favorisée sur papier, incapable de livrer quand ça compte. Une équipe brillante l’hiver, fantomatique au printemps.
En 2029, les choses changent. Jeff Gorton parle de « fenêtre ouverte vers la Coupe Stanley » au tournoi de golf. Les partisans y croient. Le CH élimine les Maple Leafs au premier tour. Et puis… s’écrase contre les Panthers en cinq.
Encore eux.
En 2030. Bonne saison. Série contre Boston. Sept matchs. Défaite. Puis en 2031, un regain d’espoir. Le CH passe Ottawa au premier tour. Explosion d’espoir. Et les Panthers, encore eux, viennent mettre fin à la fête. En sept. À domicile. Dans le silence assourdissant du Centre Bell.
Ce que fait Lajoie, ce n’est pas juste raconter un scénario. C’est tendre un miroir. À Gorton. À Hughes. À Martin St-Louis. Mais surtout aux partisans. Car derrière cette prédiction cruelle, il y a une mise en garde : ne vous bercez pas d’illusions.
Ne tombez pas amoureux trop vite d’un noyau prometteur. Parce qu’à force de croire que la progression est linéaire, on oublie qu’elle est sans pitié.
Et surtout, que les autres progressent aussi.
Le message, brutal mais lucide, c’est que rien n’est garanti. Pas même une Coupe Stanley avec quatre jeunes étoiles dans l’alignement. Pas même avec Jacob Fowler devant le filet. Pas même avec Martin St-Louis à la barre.
Lajoie a déjà vu trop de promesses s’écraser. Il a déjà prédit — à tort — la démission de Martin St-Louis à Noël. Et il n’a jamais présenté ses excuses. Ce n’est pas son style. Mais à travers ses erreurs passées, Lajoie garde une obsession : ne pas se faire prendre une seconde fois pour un rêveur naïf.
Ce qu’il voit, c’est l’usure. La fatigue. Le piège du confort.
Un DG qui mise sur le même groupe trop longtemps. Un coach qui refuse de s’adapter. Un public qui idolâtre ses jeunes, même lorsqu’ils plafonnent. Une direction qui préfère l’image au résultat. Et des joueurs qui, lentement, sans s’en rendre compte, deviennent… les nouveaux Marner, Nylander, Rielly et Matthews. Brillants. Spectaculaires. Mais jamais champions.
La question, au fond, n’est pas de savoir si Jean-Charles Lajoie a raison. Mais de savoir pourquoi il ressent le besoin de sortir ce scénario aujourd’hui.
Peut-être est-ce un moyen d’exorciser le passé. Peut-être est-ce son avertissement à ceux qui s’excitent beaucoup trop à propos du CH.
Ce que Lajoie voit, c’est un alignement en constante glorification. Des espoirs élevés au rang de sauveurs. Un entraîneur érigé en messie.
Un DG qui collectionne les espoirs et les choix comme si la Coupe Stanley allait se construire à coups de statistiques projetées.
Et un vice- président, Jeff Gorton, qui agit dans l’ombre comme Brendan Shanahan l’a fait à Toronto : avec une foi aveugle dans un plan qu’il refuse de revoir, même lorsque les signes d’essoufflement s’accumulent.
Car le vrai fond de la prédiction de Lajoie, c’est un malaise avec le confort. Ce même confort qui a détruit les Leafs. Celui d’une équipe convaincue qu’elle est en avance sur les autres. Qu’elle peut gagner sans douleur, sans effort, sans payer le prix.
Toronto s’est écroulée parce qu’elle a cru pouvoir traverser les séries comme on traverse une saison régulière : sans turbulence.
Et Montréal est en train de reproduire ce schéma.
La réalité, c’est que les fenêtres s’ouvrent et se referment plus vite que jamais dans la LNH. Et une fois qu’elles se referment, elles ne se rouvrent pas.
Et c’est pour ça qu’il n’a pas parlé de déclin brutal ou de scandale éclatant. Il a décrit le poison lent. Celui qui s’infiltre dans une équipe année après année.
L’ illusion que “l’année prochaine, c’est la bonne”. Jusqu’à ce que l’année prochaine devienne un synonyme de déni.
Et c’est là que la prédiction de Lajoie devient une munition de dissuasion massive : elle n’est pas là pour créer le chaos. Elle est là pour réveiller.
Pour forcer Gorton à faire preuve de courage stratégique.
Pour pousser Kent Hughes à envisager, dès maintenant, le jour où il devra sacrifier une pièce majeure pour aller chercher un leader qui a déjà gagné.
Pour rappeler à Martin St-Louis qu’un joueur qui n’apprend plus, c’est un joueur qui régresse, peu importe son talent naturel.
Et pour avertir les partisans : oui, aimer ce club fait mal. Mais refuser de voir venir la douleur, c’est bien pire.
Parce que le Canadien de 2031, celui que décrit Jean-Charles Lajoie, ce n’est pas une catastrophe. C’est une tragédie douce. Une grande histoire d’amour qui finit mal… parce que personne n’a voulu changer le scénario.
Alors que les autres clubs feront leur virage, Montréal, lui, pourrait s’entêter à réécrire la même saison encore et encore. Avec un Caufield à 30 buts. Un Slafkovsky électrisant. Un Suzuki charismatique. Un Logan Mailloux amélioré. Et aucun trophée à soulever.
Misère...